Le style sans compromis ?
Publié le 30 décembre 2016
Triumph a créé une machine originale qui allie style d’après-guerre et performance moderne. Un bobber improbable, dans l’air du temps, qui fait de nombreux emprunts au reste de la gamme Bonneville. Pas trop cher et très chic, il s’illustre par un style audacieux. Mais comme l’a découvert Costa Mouzouris, notre envoyé spécial en Espagne, il s’agit aussi d’une moto agréable à piloter.
Par Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant — Photos : Alessio Barbanti, Matteo Cavallini, Paul Barshon, Freddie Kirns, Triumph Motorcycles
Lorsque Triumph a renouvelé la gamme Bonneville plus tôt cette année, la compagnie avait prévenu qu’elle commettrait d’autres modèles pour s’aligner aux côtés des T120 et Thruxton propulsées par un tout nouveau bicylindre parallèle liquide. Fidèles à leur parole, les responsables de la firme d’Hinckley ont dévoilé le Bobber, une Bonneville personnalisée inédite dans la gamme Triumph.
À l’instar des Scrambler et autres Café Racer de la marque, le Bobber souligne le renouveau stylistique que les pilotes de la génération Y semblent embrasser sans retenue. Néanmoins, il s’agit de la moto néo-rétro la plus aguichante et la plus aboutie que j’ai eue l’occasion de voir en personne. Pour que nous découvrions sa dernière nouveauté dans les meilleures conditions, Triumph avait organisé la présentation de presse de la Bonneville Bobber à Madrid, et nous y étions.
Massages thaïs et plaisirs solitaires
Fabriquée à l’usine thaïlandaise de Triumph, comme tous les modèles « Classic » et les Street Triple, la Bonneville Bobber est néanmoins fidèle à la tradition britannique de la marque même si, dans le cas présent, elle s’inspire d’un mythe de la culture américaine, le Bobber.
Si vous n’êtes pas familier avec le terme, spécifions qu’il a été inventé au milieu du 20e siècle pour désigner des motos à cadre rigide (sans suspension arrière) dépouillées de tout artifice inutile (certaines n’avaient même pas de frein avant). Elles possédaient des guidons plats et bas, des ailes coupées très courtes et une selle monoplace. Passagère s’abstenir !
La Bonneville Bobber présente un style minimaliste avec des repères visuels datant de ces motos rigides d’antan. Son guidon est presque plat, sa boucle arrière se prolonge en un bras oscillant triangulaire classique au look « Hardtail », soulignée par une aile courte qui enveloppe le pneu arrière et une selle solo qui semble flotter dans les airs, comme suspendue par magie. La seule proposée au menu du Bobber ! En effet, rien n’est prévu pour accueillir un passager. Au risque de faire un mauvais jeu de mots, pour lui c’est régime sans selle ! Quant au style, même s’il évoque une création artisanale d’un atelier de préparation indépendant, il provient bien de la chaîne de production de Triumph.
Mais ça ne s’arrête pas là. Le souci du détail permet à l’Anglaise de se démarquer, qu’on l’observe de près ou de loin. Le câblage est presque complètement hors de vue. Le moteur est refroidi à l’eau, mais vous ne voyez pas un seul tuyau de liquide de refroidissement. Ce qui ressemble à un couvercle de transmission sur le côté droit cache effectivement le réservoir du maître-cylindre du frein arrière et le réservoir de trop-plein du liquide de refroidissement. Les parties mécaniques destinées à être vues sont soulignées, tandis que le reste des pièces est plutôt bien caché.
La position de conduite est plus custom que standard, mais, heureusement, pas extrême, comme c’est le cas avec de nombreuses boulevardières. Le guidon tubulaire offre une portée modeste et les pieds sont placés juste assez en avant pour mettre vos genoux à angle droit. Le siège est réglable d’avant en arrière sur une distance d’environ 50 mm et le support sur lequel il glisse est légèrement en pente vers l’arrière, de sorte que la selle baisse également un peu quand on la recule. Le réglage est semi-permanent. C’est-à-dire que vous devez desserrer quelques boulons pour l’ajuster.
La selle basse culmine à 690 mm du sol, à son niveau le plus bas et est donc accessible au plus grand nombre. Les pilotes de petits gabarits n’auront aucun problème à poser leur deux pieds à plat sur l’asphalte. En m’asseyant sur une moto dont la selle était réglée à sa position la plus reculée, j’ai trouvé le guidon trop éloigné et j’ai décidé de laisser la selle de ma moto d’essai en position avancée. En dépit de son apparence plutôt mince, la selle est large, bien dessinée et offre un bon support. Par ailleurs, elle procure une position de conduite confortable, assez pour penser entreprendre une balade d’une journée.
Et sur la route, ça ressemble à quoi ?
Le Bobber est alimenté par le même bicylindre High Torque de 1200 cc, combiné à une boîte six vitesses que l’on retrouve sur la T120, mais il possède une boîte à air double et des silencieux plus courts. Il est réglé pour produire 10 % plus de couple à bas régimes que la T120. C’est un moteur doux qui développe plus de 70 lb-pi de couple entre 2 800 et 5 000 tr/min pour culminer à 78 lb-pi à 4 000 tr/min. La bande de puissance utilisable rend le Bobber très agréable à conduire en ville. L’antipatinage est livré de série, comme les deux cartographies d’injection « Pluie » et « Route ». En mode « Pluie, la puissance est réduite de deux chevaux et s’établit donc à 77 chevaux.
L’embrayage assisté mécaniquement est idéal pour les débutants. Tout comme la boîte de vitesses dont la première s’engage d’une légère pression sur le sélecteur. Cependant, le premier rapport est étonnamment long. Il faut légèrement faire cirer l’embrayage pour décoller, mais le moteur gorgé de couple s’acquitte très facilement de cette tâche. Il suffit après d’enrouler sur les quatre vitesses supérieures pour que la moto se propulse avec force. Ensuite, il reste à caser le fessier dans le siège sculpté.
Le Bobber affiche une direction légère, neutre et une stabilité exemplaire, ce qui m’a encouragé à piloter avec enthousiasme sur les routes sinueuses situées juste à l’extérieur de Madrid. Le Bobber sort des virages avec autorité, produisant une note d’échappement riche, profonde (on nous a dit que les silencieux avaient été raccourcis pour cette raison). Cependant, pour bien ralentir en entrée de courbe, il faut appliquer une pression importante sur le levier. Le freinage n’est certes pas le point fort de cette Triumph. Il faut dire que le recours à un seul disque avant de 310 mm, pincé par un étrier à double piston ne constitue pas la configuration la plus efficace en la matière. Mais les ingénieurs de Triumph ont estimé qu’elle était suffisante pour le type de conduite pour lequel le Bobber a été conçu. Apparemment, ils se sont montrés légèrement optimistes. Même s’il est doté d’un système ABS standard.
Selon le dossier de presse de Triumph, cette Bonneville serait « un Bobber sans compromis ». Mais là encore, Triumph se fourvoie et commet un faux-pas au nom du style. En effet, la garde au sol en virage est nettement insuffisante. Le débattement de la suspension est réduit pour obtenir une assise basse et une allure ramassée. Sur la T120, le débattement s’établit à 120 mm aux deux extrémités, alors que sur le Bobber, il tombe à 90 mm à l’avant et 77 mm à l’arrière. Cela signifie que la suspension non réglable du Bobber est plus ferme, mais aussi que les avertisseurs des repose-pieds frottent même à des angles d’inclinaison faibles. C’est mieux que sur le Sportster Forty-Eight de Harley-Davidson, moto à laquelle Triumph espère voler des ventes, ou que sur un custom lambda, mais si vous roulez avec enthousiasme sur une base régulière vous devrez ôter les avertisseurs d’angle et supporter le frottement du métal sur l’asphalte.
L’autre concession, peut-être moins importante celle-ci, faite strictement au nom de l’apparence, c’est la faible contenance du réservoir de carburant. Celle-ci a été réduite à 9,1 litres comparativement à 14,5 litres sur la T120. Compte tenu de la consommation de carburant annoncée de 4,1 L/100 km, le Bobber pourrait théoriquement parcourir près de 220 km avant de tomber en panne sèche.
Look Bobber réussi
Ces choix esthétiques font du minimaliste Bobber une moto parfaite pour quiconque est à la recherche d’une monture urbaine qui fait tourner les têtes sur son passage. Néanmoins, elle se montre amusante à piloter sur des trajets plus longs. Le Bobber est plus rageur que la Sportster Forty-Eight de Harley, possède plus de sex-appeal que la Yamaha Bolt et est plus svelte que l’Indian Scout. Par ailleurs, je me sens plus cool à son guidon que sur n’importe lequel de ces customs.
Cette moto était apparemment très attendue et, selon Triumph, les réservations initiales sur le Bobber sont deux fois plus nombreuses qu’elles ne l’étaient pour la Thruxton présentée plus tôt cette année. Proposé à 13 700 $, le Bobber est en mesure de rivaliser avec ses concurrents américains et il semble tout aussi attrayant que ces derniers, quel que soit le coloris que vous choisirez (noir, rouge, vert/argent ou gris mat). Les couleurs autres que le noir sont livrables moyennant un coût additionnel pouvant atteindre 500 $. Et si vous voulez personnaliser votre Bobber, sachez que plus de 150 accessoires sont déjà offerts au catalogue de Triumph, ainsi que deux ensembles thématiques constitués de pièces présélectionnées destinées à faciliter la modification de votre Triumph.
Le kit « Old School Bobber », illustré dans la photo ci-dessus, comprend un guidon de type « Ape Hanger », le matériel d’installation requis, des silencieux en métal brossé, une selle en cuir brun, un sac de rangement se fixant au bras oscillant et divers accessoires de finition. Le kit « Quarter Mile Bobber » (ma variante préférée), illustré ci-dessous, comprend des guidons bracelets, un système d’échappement noir, des ailes encore plus courtes, une selle en cuir noir et des pièces peintes en noir. Vous pouvez également obtenir des poignées chauffantes en option ainsi qu’un régulateur de vitesse électronique, accessoire qui fait entorse à l’esprit Bobber selon moi.
Pas de bobards
Personnellement, le Bobber trouverait place dans mon garage ; comme deuxième ou troisième moto que je prendrais pour assister à des rassemblements sociaux ou pour effectuer des balades de courte durée, par beau temps, quand j’aurais envie d’enfiler mon casque ouvert et une paire de jeans. Pour rouler sans contraintes ni tracas en fait. Aujourd’hui, c’est le genre de sorties que j’affectionne particulièrement. Pour des trajets plus conséquents ou des voyages au long cours, je lui préfèrerais une moto mieux adaptée, plus polyvalente, surtout si je veux rouler en duo. Néanmoins, le Bobber est plus efficace que son look bobo/hipster le suggère.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids à sec : 228 kg
- Hauteur de selle : 690 mm
- Capacité essence : 9,1 L
- Consommation : non mesurée
- Autonomie : non mesurée
- Durée de l’essai : 260 km
- Prix : 13 700 $
- Coloris : noir, rouge, vert/argent ou gris mat
MOTEUR
- Moteur : Bicylindre vertical 4 temps, simple ACT et 4 soupapes, refroidi par eau et air
- Puissance : 77 ch à 6 100 tr/min
- Couple : 78,2 lb-pi à 4 000 tr/min
- Cylindrée : 1200 cc
- Alésage x course : 97,6 x 80 mm
- Rapport volumétrique : 10,0 : 1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Suspension : fourche télescopique, ø 41 mm dépourvue de réglages. Monoamortisseur non ajustable
- Empattement : 1 510 mm
- Chasse/Déport : 25,8 degrés/87,9 mm
- Freins : 1 disque de 310 mm et étrier à 2 pistons ; 1 disque de 255 mm avec étrier simple piston. ABS de série
- Pneus : Avon Cobra AV71—AV72
100/90 – 19 à l’avant ;
150/80 – 16 à l’arrière.
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- Les performances globales du twin vertical
- Le châssis intègre
- La hauteur d’assise réduite
ON AIME MOINS
- Selle monoplace seulement
- Freinage tout juste suffisant
- Garde au sol en virage réduite