On a essayé les BMW S1000RR Superbike et Superstock à Xérès !
Publié le 28 octobre 2016
Notre collaborateur Costa Mouzouris a eu le privilège d’essayer, en exclusivité nord-américaine, les S1000RR Superbike et Superstock des différentes équipes BMW Motorrad Motorsport sur le circuit de Jerez de la Frontera, en Andalousie, dans le sud de l’Espagne. Il nous fait partager son expérience.
Par Costa Mouzouris — Traduction/adaptation : Didier Constant — Photos : BMW Motorrad Motorsport
Dans le courriel m’invitant à cet événement prestigieux, je note une phrase, tout en majuscules, qui attire immédiatement mon attention (c’est le but recherché) : « AUCUNE PIÈCE DE RECHANGE EN STOCK ! DÉFENSE DE CHUTER ! » Je n’ai pas encore quitté mon bureau que déjà je sens la pression monter.
Puis le message se poursuit : « Des experts de BMW Motorrad Motorsport seront sur place pour vous offrir un soutien technique, organiser des entrevues avec les pilotes officiels et s’assurer que leurs motos ne seront pas détruites ! »
Enfin, on nous avise qu’en arrivant au circuit, nous pourrons nous entrainer avec une S1000RR stock chaussée de pneus slicks et dotée d’une boîte inversée afin de nous familiariser avec la moto et le circuit.
Pour cette occasion, BMW a apporté cinq motos de course de ses différentes équipes : Graphicbikes Easyrace Team (championnat européen CEV Superstock), Penz13.com Team (Superbike BMW, Championnat du monde d’endurance EWC), Tyco/Tas Racing Team (Superstock, TT de l’Île de Man), Althea BMW Race Team (STK1000 et WSBK). Sans oublier deux S1000RR de série pour se faire la main.
Une approche gagnante
Pour un constructeur, il existe différentes façons d’aborder la compétition. La première est d’engager une équipe officielle, gérée et financée entièrement par l’usine, dans un championnat de prestige, ce qui implique d’investir beaucoup d’argent et de mobiliser une main-d’œuvre qualifiée considérable. Avec une mince chance de remporter le titre dans la mesure où tous ces efforts se concentrent sur une seule équipe, deux pilotes et une série. Pas question de se louper si on veut bénéficier des retombées médiatiques et commerciales escomptées.
Une autre solution consiste à offrir un soutien financier et technique à plusieurs équipes privées, dans différentes séries, une option moins coûteuse dans la mesure où ce sont les équipes qui fournissent le budget d’opération, par le biais de leurs commanditaires, ainsi que leur propre personnel. Les chances de succès sont plus grandes, car l’usine investit sur plusieurs équipes, dans différents championnats.
Ou vous pouvez tout simplement vous abstenir d’un engagement en compétition et ainsi économiser une tonne d’argent tout en gardant votre personnel concentré sur la tâche à accomplir. Ce faisant, vous vous privez des accolades, des retombées qu’apportent les succès en course et du développement de vos produits dans des conditions extrêmes.
Heureusement pour nous, BMW a choisi une voie alternative qui consiste à soutenir des équipes privées de pointe par l’intermédiaire de son programme de course BMW Motorrad Motorsport dont le but est de maximiser la couverture de la marque grâce à la compétition, tout en réduisant les coûts comparativement à l’implication que représente la gestion d’une équipe officielle.
Ce programme fournit un support technique et des pièces développées spécifiquement pour la course aux pilotes et aux équipes de niveaux amateur à professionnel, dans tous les championnats nationaux et internationaux. Les écuries choisies, aussi bien dans la série CSBK qu’en Championnat du Monde Superbike, peuvent ainsi obtenir le support technique et les pièces de course directement de l’usine. Plus le niveau de compétition augmente, plus les budgets alloués sont importants.
Selon Berthold Hauser, le directeur technique de BMW Motorrad Motorsport, 30 pour cent de toutes les S1000RR vendues dans le monde se destinent à la piste. BMW fournit actuellement une aide directe à plus de 200 équipes, laquelle peut varier de la fourniture d’un kit d’arbres à cames à la programmation de l’UCE (unité de contrôle électronique) de la moto via une connexion en direct sur Internet.
Jordan Szoke a bénéficié de ce type de support la saison dernière, lorsque sa moto a connu un problème d’antipatinage que son équipe ne parvenait pas à résoudre. Selon Hauser, la S1000RR de Szoke était reliée par Internet à l’ordinateur d’un technicien à Berlin, qui a identifié le problème. Ce dernier a téléchargé une cartographie révisée du contrôle de traction et corrigé le bogue en quelques minutes. Ce soutien de l’usine n’est pas préférentiel ; toutes les équipes BMW ont accès au même service.
Des motos de course à la carte
J’ai été surpris d’apprendre que l’on pouvait acheter un moteur préparé directement de BMW. En fait, la compagnie offre trois kits distincts identifiés par des codes. Le kit 5.2 est le moteur de course de base. Il coûte environ 10 000 € (soit 15 000 $). Il s’agit d’un moteur de série mis aux côtes optimales (blueprint) et doté de pièces de performance sélectionnées. C’est le type de moteur que l’on retrouve sur les motos de la catégorie Superstock des championnats nationaux, la plupart du temps, lesquels permettent peu de modifications. Vient ensuite le moteur 6.2 (17 000 €, ou 25 000 $). Il s’agit d’un 5.2 dont la chambre de combustion a été retravaillée et qui dispose d’une puissance accrue. Il est destiné au championnat mondial Superstock de la FIM (STK1000) et aux autres séries internationales. Finalement, le 7.2, proposé au coût de 23 000 € (35 000 $) est un kit de type Superbike comme celui que l’on retrouve sur les S1000RR de l’écurie Althea en WSBK. Et là encore, plus le niveau de compétition est élevé, plus l’investissement est conséquent. Et ces coûts n’incluent pas les pièces de performance comme les boîtes de vitesses à rapports courts de type à cartouche, par exemple.
Chacun de ces moteurs est assemblé à la main dans le département compétition de la compagnie à Berlin. Il est rodé à l’usine, sur un banc dynamométrique et vérifié méticuleusement par une équipe d’experts. Les acheteurs reçoivent les rapports de banc en même temps que le moteur. Si un moteur ne répond pas aux spécifications recherchées, il est démonté et rebâti. La puissance de ces kits varie de 201 à 221 chevaux à la roue. BMW a vendu 103 moteurs de ce type à travers le monde depuis la sortie de la S1000RR en 2010.
BMW ne vend pas ses moteurs à n’importe quel coureur. En effet, le soutien de l’usine inclut le respect des règles des différents championnats dans lesquels la compagnie s’engage. Et pour maintenir sa bonne réputation, elle doit s’assurer que chaque moteur est conforme aux règlements afin de ne pas être tenue responsable en cas de tricherie de la part d’un pilote ou d’une équipe.
Les moteurs de course doivent subir une inspection et un entretien mécanique aux 2 500 km. Et il ne s’agit pas d’un simple changement d’huile — celui-ci est généralement effectué après chaque course —, mais d’un démontage en règle qui comprend un changement de pistons et de ressorts de soupapes ainsi que des éventuels roulements défectueux. Le coût de cet entretien est d’environ 6 000 € (9 000 $). Il est effectué par des techniciens formés et certifiés par BMW à travers le monde. Les seuls habilités à travailler sur ces moteurs de course.
Bien sûr, si votre budget le permet, vous pouvez modifier votre moteur de production (c’est la solution préconisée par Szoke) avec les pièces de course distribuées par BMW, lesquelles incluent des arbres à cames, des pistons, des boîtes de vitesse, des embrayages, des vilebrequins et une foule de composantes mécaniques ou électroniques. En revanche, BMW ne vend pas de moto de course complète ni de châssis. Il existe en effet de nombreuses pièces de ce type, dont des suspensions et d’autres pièces de performance, sur le marché, vendues par une foule de compagnies spécialisées. Chaque préparateur ayant ses fournisseurs particuliers, il lui revient de sélectionner les pièces dont il a besoin auprès de ceux-ci.
Prêt pour la piste !
Avant de prendre l’avion pour l’Espagne, j’ai tenu à me mettre en condition. Et comme je n’ai jamais roulé à Jerès, je me suis offert quelques tours virtuels du circuit andalou sur ma console XBOX 360, grâce au jeu MotoGP. Ne vous moquez pas de moi. Ça marche !
Même si j’utilisais une boîte inversée lorsque je courais, ça fait plusieurs années que je n’ai pas piloté une moto équipée d’une telle transmission. Afin de retrouver les bons automatismes, j’ai modifié la boîte de vitesse de la Suzuki SV650S de ma copine Roxanne et je me suis promené avec pendant quelques jours. La dernière chose que je voulais, c’était répandre des éclats de pignons de boîte et de l’huile sur la ligne droite devant les puits.
Le temps de piste sur chaque machine était limité à trois tours (un tour de chauffe, un tour lancé et un tour de refroidissement), même sur la moto de série. J’étais donc content de m’être entrainé sur la console. En effet, dès ma première sortie, le tracé m’était familier. Et on passait d’une moto à l’autre en séquence. On descendait d’une moto pour embarquer sur la suivante sans délai. Pas le temps de perdre ses marques.
Les réglages de châssis variaient énormément d’une moto à l’autre, en fonction des règlements de chaque championnat dans lequel elles étaient engagées, mais aussi des préférences personnelles des pilotes et des chefs mécaniciens.
Les deux Superbike étaient équipés de fourches Öhlins de course, tandis que sur les Superstock, on retrouvait les fourches d’origine modifiées (des Öhlins de série). Toutes les motos disposaient de monoamortisseurs Öhlins. Les trois Superstock étaient dotées de freins Brembo fournis par l’usine tandis que les Superbike disposaient de freins Brembo de course, beaucoup plus performants.
Deux des motos, celle du CEV et celle du IoMTT, n’avaient pas de pédale de frein, mais une gâchette au guidon, pour des raisons différentes. Dans le cas de Max Scheib, le pilote CEV, il s’agit d’une préférence personnelle, alors que dans le cas de Ian Hutchinson, le pilote de la Tyco, c’est en raison d’une blessure qu’il a subie. Ne pouvant pas se servir efficacement de son pied gauche, il a fait transférer le shifter du côté droit (pour les besoins de cet essai, il avait été repositionné à sa place normale) et installer une commande de frein au guidon gauche. Toutes les motos bénéficiaient d’un quickshifter bidirectionnel.
Au niveau des pneus, les motos de Superstock étaient chaussées de pneus DOT de course alors que les machines de Superbike disposaient de slicks. Toutes les motos roulaient sur des Pirelli à l’exception de la Tyco qui avait des Metzeler.
Comme je me familiarisais avec la piste et que je devais me réhabituer avec chaque machine toutes les huit minutes, je me suis retenu d’essayer le frein au guidon, « pour voir ce que ça donnait ». J’ai aussi évité d’enclencher les poignées chauffantes de la moto d’endurance. De la même façon, je n’ai pas joué avec les commandes et boutons spéciaux qui équipaient certaines machines. « Gardons ça simple ! C’est le meilleur moyen d’éviter les bévues. »
Avec si peu de temps en piste sur chaque machine, ce sont les principales différences que j’ai notées. Même si, à la conduite, le comportement de chaque machine variait énormément. Voici mes impressions, dans l’ordre dans lequel j’ai découvert ces motos d’exception.
Graphicbikes Easyrace Team (Superstock, championnat européen CEV)
La moto de Max Scheib est la première que j’ai testée. Le weekend précédent, il avait remporté la manche espagnole du Championnat CEV à Jerès, en Superstock 1000. Au niveau du comportement (tenue de route et position de conduite), c’est de loin la plus radicale des cinq que j’ai pilotées. Comparativement à la moto de série, la répartition du poids se fait exagérément sur l’avant et elle est dotée de guidons très larges et très écartés, accentuant le déport du corps vers l’avant. L’embrayage ne servant qu’aux départs, il avait été ajusté en hauteur, hors de portée de la main du pilote. La moto demandait à prolonger le freinage tard dans les virages (trail braking) à défaut de quoi elle refusait de tourner. Les suspensions étaient très fermes et la machine semblait la plus nerveuse du lot.
Tyco/Tas Racing Team (Superstock, TT de l’Île de Man)
La moto de Hutchinson est celle avec laquelle il a remporté l’épreuve Superstock au TT de l’Île de Man. Bien que sa position de conduite soit moins radicale que celle de Scheib, la selle était perchée très haut. Initialement, la position de conduite était bizarre dans les virages et elle rendait les transitions droite/gauche laborieuses. Il fallait écarter la trajectoire à l’excès pour se sentir à l’aise. La suspension était ajustée plus molle, ce qui se justifie dans la mesure où la moto de Hutchinson est utilisée principalement sur routes ouvertes, contrairement aux autres qui n’évoluent que sur circuit. Cependant, elle n’était pas la molle du lot, à ma grande surprise.
Althea BMW Race Team (Superstock, STK1000)
Après être rentré au paddock, j’enfourchais la S1000RR STK1000 de l’écurie Althea. Rien de particulier à dire sur cette machine, sinon qu’elle était très similaire à la moto d’origine, mais réglée plus ferme en suspension.
Sur les motos de Superstock, je n’ai pas été surpris outre mesure par la puissance du moteur qui est très similaire à celle du moulin d’origine. À part la machine du CEV dont le bloc avait été préparé par l’équipe, à l’interne, les autres disposaient d’un moteur 6.2 de BMW. Sur la S1000RR de série, le moteur est très puissant pour une moto de production. Il développe environ 199 ch. Les « plus de 200 chevaux » du Superstock Althea sont donc très réalistes. La principale différence entre ces trois Superstock, c’est la manière dont la puissance est délivrée, ce qui dépend principalement de l’électronique.
Penz13.com Team (Superbike, Championnat du monde d’endurance EWC)
Je passais ensuite aux deux Superbike. Le premier que j’ai piloté est la moto d’endurance. Comme sur la S1000RR d’Hutchison, sa selle était très relevée. C’est aussi celle dont les suspensions étaient réglées au plus souple, ce qui causait des mouvements en sortie de courbe, à l’accélération. À l’avant, le freinage constitué de pinces Brembo de course offrait un mordant initial impressionnant, même en appliquant un effort léger sur le levier. Un trait de caractère auquel j’ai mis beaucoup de temps à m’adapter.
Althea BMW Race Team (Superbike, WSBK)
Seule la Superbike avec laquelle Jordi Torres dispute le championnat WSBK disposait d’un moteur 7.2. C’est celle qui m’a le plus impressionné en termes de puissance brute. Avec quelques 220 chevaux à la roue arrière, elle offre des performances époustouflantes. C’est la seule à disposer de papillons divisés, une technologie qui sera bannie l’an prochain en WSBK. Ce dispositif utilise les quatre papillons pour un fonctionnement normal, mais seulement deux à bas régime. Ils fonctionnent jusqu’à une ouverture d’étranglement préréglée, ce qui donne l’impression que le moteur rote et produit un son particulier bas dans les tours. Il en résulte une puissance plus facile à gérer en sortie de virage.
À ma grande surprise, c’est la moto la plus facile à piloter à mon avis. En dépit de sa tendance à envoyer la roue avant dans les airs sans crier gare. Malgré son antipatinage et son anticabrage, impossible de garder la roue avant en contact avec le bitume à l’accélération.
À l’accélération, la roue avant lève facilement et retombe en douceur. La moto accélérait tellement fort sur la longue ligne droite du circuit, que j’avais droit à un wheelie monumental en quatrième, à près de 200 km/h ! Incroyable !
Lors du tour de refroidissement, j’ai laissé mon rythme cardiaque redescendre un peu, mais j’étais triste que l’expérience prenne fin. En l’espace d’environ 25 minutes, j’ai eu le bonheur d’essayer six motos exceptionnelles.
Ce test organisé par BMW Motorrad Motorsport a été une révélation pour moi. J’en ai retiré beaucoup d’éléments d’information et un plaisir immense. Ce qui me surprend encore, c’est le niveau d’implication de BMW à tous les nouveaux de la compétition (exception faite du MotoGP, pour l’instant, en tout cas). Un engagement et un dévouement dont les coureurs amateurs et professionnels de la planète peuvent se réjouir. Et les motocyclistes lambda aussi, par ricochet.