Moins exotique mais diablement performante !
Publié le 10 août 2016
Déclinée de la YZF-R1, la Yamaha R1S (S pour Street) partage le même héritage génétique mais se destine avant tout à la route. Parfaite pour les amateurs de roulages sur circuit qui ne se destinent pas à la compétition, la R1S est le choix logique pour quiconque recherche une supersportive affichant des performances de très haut niveau et une électronique de pointe offertes à un tarif raisonnable.
Photos par Pierre Désilets, Didier Constant, Roger Yip, JF Leclerc et Yamaha
Pour parvenir à un tel tour de force, les ingénieurs de la firme d’Iwata City sont partis du moteur de la R1, puis en ont révisé quelques organes internes. Avec son vilebrequin à calage Crossplane qui actionne des bielles en acier plutôt qu’en titane et des carters en alu légèrement plus lourds que ceux en magnésium de ses sœurs, la R1S offre de brillantes performances. Elle fait donc l’impasse sur plusieurs pièces en alliages exotiques et se dote de jantes en alu plutôt qu’en magnésium. Celles de la R1S sont chaussées de Bridgestone S20 alors que la R1 et la R1M bénéficient des gommes sportives RS10R de l’équipementier japonais. Son poids grimpe de 5 kg, sa puissance baisse d’environ 5 chevaux et le rupteur entre en action plus tôt, soit à 12 200 tr/min (14 200 tr/min sur la R1/R1M). En revanche, l’électronique est identique, à l’exception du quickshifter qui n’est pas offert sur la S. Quant au prix, il baisse de 2 300 $ (16 699 $ au lieu de 18 999 $) un montant que l’on peut réinvestir dans sa passion.
Direction Mont-Tremblant
Invité par Marc-Olivier Labelle à prendre part à une journée Club de T-SBK, au début du mois d’août, je me retrouve sur le circuit de Mont-Tremblant au guidon de la R1S, parmi des motos de Superbike et de Supersport préparées spécifiquement pour la piste et pilotées par d’anciens coureurs pour la plupart.
Après quelques tours de reconnaissance — je n’ai pas roulé à Tremblant depuis septembre 2011 —, je commence à augmenter progressivement la cadence, en soignant mes trajectoires afin de ne pas gêner les autres participants qui payent le gros prix pour rouler en formule Club (pas de groupes de niveau, on roule tous ensemble, puis on entre en piste et on en sort à volonté).
Tour après tour, la Yamaha et moi renouons contact. Je retrouve cette aisance de pilotage, cette agilité, cette vivacité qui m’avaient étonné l’an passé sur les R1/R1M. Le moteur Crossplane aussi. Hyperpuissant mais facile à contrôler grâce à un arsenal électronique digne des machines de MotoGP. Pour cette occasion, j’ai réglé l’affichage du tableau de bord sur « piste » pour bénéficier de multiples informations pratiques, dont le temps au tour et le meilleur chrono. J’ai également sélectionné le mode A et ajusté les différents paramètres à ma convenance : Power : 1 — TCS : 2 — SCS : 2. Dans ce mode, la Yamaha est plus délicate à maîtriser, mais aussi plus performante. L’accélérateur est sensible et on ressent parfois des à-coups à la coupure et à la remise des gaz. Difficile par moments de garder le gaz constant, surtout à basse vitesse. Mais dès qu’on ouvre l’accélérateur en grand, la R1S réagit instantanément. Comme la R1.
Sur la piste rapide et technique de Tremblant, la R1S est dans son élément et met son ADN sportif au service de la performance. Impossible pour elle de cacher son héritage génétique, même si elle n’est pas aussi exotique que ses sœurs R1/R1M. Son châssis est impérial et ses suspensions Kayaba réglables dans tous les sens font de l’excellent travail. L’avant précis et incisif facilite la mise sur l’angle. Il offre un feedback rassurant tandis que l’arrière propose une motricité à toute épreuve. Spécialement sur ce revêtement lisse, en bon état, qui fournit une adhérence incroyable. Les Bridgestone S20, des pneus de route à gomme sportive, montrent rapidement leurs limites sur ce bitume abrasif. Quand on commence à adopter un rythme élevé, on les sent déraper légèrement, glissade rattrapée efficacement par l’antipatinage et le système de contrôle du glissement latéral (SCS) paramétrable sur trois niveaux. L’électronique au service du pilotage !
Sur ce tracé, la position de conduite radicale de la R1S, en appui sur les poignets, la dessert bien. Elle permet de bien charger l’avant au freinage et de contrôler l’arrière à l’accélération. La R1S donne l’impression d’être une YZF-R6 sur les stéroïdes. Avec la R1/R1M, c’est la moto de classe ouverte la plus agile qu’il m’ait été donné de piloter. Elle se mène du regard, en utilisant les cuisses pour la guider. Une simple poussée sur le guidon et le repose-pied intérieur suffit à l’inscrire en virage. Agile dans les chicanes de Tremblant, impériale dans les virages serrés, elle se démarque par sa grande vivacité et par sa capacité à improviser. Tout en restant très stable dans les virages rapides. Dans les longues lignes droites du circuit, elle se propulse avec une puissance incroyable. Difficile dans les circonstances de la distinguer de ses deux sœurs ainées.
Le quatre cylindres CP4 au calage Crossplane est tout aussi impressionnant. Il déploie une plage de puissance large s’étendant de 6 000 tr/min à 12 200 tr/min tout en restant facile à exploiter. Il manque un peu de souplesse en bas de 3 500 tr/min mais est bien rempli à mi-régimes pour devenir explosif au-delà de 8 000 tr/min. Il procure des sorties de courbes puissantes pour peu que vous rouliez au régime optimal. Dans son mode le plus agressif, la R1S se cabre légèrement à l’ouverture des gaz, sur les trois premiers rapports, mais la roue avant est ramenée au sol par l’antiwheelie qui veille au grain. La sonorité de l’échappement est flatteuse passé 8 000 tr/min et les montées en régime envoutantes. Le pot relevé émet une note rugueuse à bas régime et rauque dans les tours. Un régal pour les mélomanes.
Même si la boîte de vitesses à six rapports est précise, exempte de faux points morts, je m’ennuie du quickshifter de la R1. C’est un dispositif que j’adore et qui augmente l’efficacité de la moto en conduite hypersportive, sur circuit.
Le freinage est efficace, même s’il n’offre pas autant de mordant que celui que l’on retrouve sur la Ducati Panigale 1299S ou la BMW S1000RR par exemple. Il se montre cependant modulable et prévisible. L’ABS jumelé UBS (Unified Braking System) répartit parfaitement la puissance de freinage entre l’avant et l’arrière et est transparent à l’usage.
S’il n’en avait tenu qu’à moi, j’aurais roulé les trois jours du long week-end T-SBK, mais j’ai dû écourter mon plaisir à contrecœur et partir tôt, vendredi midi. En effet, la direction du circuit n’a pas laissé notre photographe Pierre Desilets accéder à la piste pour faire son travail, alors que nous venions faire un essai mais aussi un reportage sur T-SBK et sur Moto Nation (que je remercie chaleureusement pour leur accueil et leur professionnalisme). Du coup, par solidarité avec Pierre, j’ai décidé de tout remballer et de partir avant la fin. Il y a des limites à prendre les gens pour des imbéciles.
St-Eustache nous voila !
Heureusement pour moi, j’ai pu m’inscrire à un roulage de l’ASM Motosport à l’Autodrome St-Eustache le lundi suivant. Une journée magnifique sur un tracé complètement différent, mais qui met en valeur la polyvalence de la Yamaha. En effet, sur cette piste courte et technique, aux virages serrés et où l’on reste la plupart du temps sur les trois premiers rapports, la R1S démontre une agilité extraordinaire. Vive, elle brille dans les épingles, dansant d’une courbe à l’autre avec aisance. Dans le Carrousel, l’avant est solidement planté et permet de rentrer fort, sur les freins. Il ne bouge pas d’un poil et inspire confiance au pilote qui se sent autorisé à forcer le rythme. À la sortie du Carrousel, comme dans le dernier virage, on peut ouvrir les gaz en grand sans crainte de voir l’arrière décrocher, grâce à l’efficience de l’antipatinage et du système SCS. Un vrai charme.
Servie par sa géométrie de direction agressive aux valeurs sportives (chasse/déport : 24°/102 mm) et par son empattement ultracourt (1 405 mm), la R1S se comporte comme une sportive de moyenne cylindrée, les watts en plus.
Les suspensions se comportent bien ici également, même si le revêtement n’est pas irréprochable, surtout après qu’Alain les ait réglées aux petits oignons. Ce qui est malin de sa part puisque c’est lui qui a passé la majorité de la journée sur la R1S. Et qui s’est coltiné 600 km de route pour la ramener de Toronto. Je vais donc lui laisser la parole afin qu’il vous fasse part de ses impressions de conduite.
En ce qui me concerne, après plus de deux heures et quart de piste au guidon de la R1S, sur les circuits de Mont-Tremblant et de l’Autodrome St-Eustache, je ne peux qu’approuver la décision de Yamaha Canada d’offrir cette version « détunée » au grand public. Car même si elle est moins chère d’environ 2300 $ par rapport à la R1, elle n’a pas à rougir de la comparaison. À moins d’être un pilote de calibre professionnel ou de vouloir la sportive ultime, on a tout à gagner à choisir la R1S pour rouler sur route et s’amuser occasionnellement sur circuit. Pour faire une analogie avec la compétition, disons que la R1S est une moto de Superstock alors que la R1 et la R1M sont des Superbike. Et avec les économies réalisées, vous pourrez équiper votre Yamaha, acheter des accessoires de haut niveau ou vous offrir du bon temps sur piste. Que demander de mieux ?
Seconde opinion
Jeudi 4 août, 6 h 15. J’arrive chez Didier qui m’a demandé de l’accompagner à Toronto pour prendre possession d’une rutilante Yamaha R1S 2016 aux fins d’essais sur route et sur piste. Après avoir accepté cette mission avec enthousiasme, je fais quelques recherches sur la R1S pour savoir en quoi elle diffère de la R1 (voir le texte principal pour la liste des différences) et essayer de déterminer si elle offre un potentiel aussi élevé que ses deux grandes sœurs de Superbike, la R1 et la R1M que j’ai déjà eu l’occasion de piloter brièvement l’an dernier.
Sur la route
À notre arrivée à Toronto, je tombe en admiration devant cette superbe R1S avec sa robe blanche, rouge et noire. Et à l’étonnement du représentant de Yamaha qui nous reçoit, je décide de la ramener à Montréal par la 401. « Quoi ? Vous allez faire 600 km d’une traite sur une Supersport ? » En voyant son air dubitatif, je me suis demandé un instant si je ne commettais pas une erreur. Mais, pour l’avoir fait dans le passé, j’en conclus que non. Car, contre toute attente, la R1S n’est pas aussi inconfortable que ce à quoi on pourrait s’attendre. Pour un pilote de mon gabarit (1,77 m pour 90 kg), l’ergonomie est quand même bonne. La R1S affiche une position de conduite très compacte (probablement trop pour les pilotes de plus de 1,80 m), avec des guidons bracelets placés bas et des repose-pieds reculés et hauts (les jambes sont passablement repliées). Disons que pour une utilisation sur piste, la position est beaucoup plus efficace, mais sur route, c’est tolérable, pourvu que l’on roule à un bon rythme. Les suspensions font du bon boulot tout en étant fermes. J’aime bien l’efficacité de la partie cycle ainsi que la facilité de conduite sans oublier les performances et le caractère du 4- cylindres Crossplane. Petit détail ; dans la circulation dense avec une température ambiante de près de 40 °C, la R1S ne se gêne pas pour vous démontrer qu’elle a très chaud en évacuant ce surplus de chaleur directement sur vos jambes. C’est brûlant ! Sinon, difficile de trouver des différences notables avec la R1 que j’avais essayée l’an dernier, dans les mêmes conditions.
Sur la piste à l’Autodrome St-Eustache
Première session. Dès les premiers tours, j’ai l’impression de piloter une 600 Supersport avec une puissance de moto de classe ouverte. La R1S est maniable, vive et renvoie une sensation de légèreté étonnante pour une moto de sa catégorie. En revanche, un ajustement de la suspension (en compression et en détente) s’impose pour rouler en toute sécurité sur circuit. Je décide donc de rentrer aux puits pour faire les réglages requis. À peine cinq minutes plus tard, je suis de retour en piste. J’apprivoise la machine tout en prenant en considération que la R1S est chaussée d’origine de pneus Bridgestone S20 qui sont excellents pour un pilotage sportif sur route, mais moins sur circuit. En effet, poussés dans leurs derniers retranchements, ils atteignent rapidement leurs limites et glissent facilement. Durant les deux sessions suivantes, j’augmente la cadence. À quelques occasions, l’arrière glisse légèrement en sortie de courbe, mais le contrôle de traction (TCS), quasiment imperceptible, entre en action.
Ce que je retiens le plus de mon expérience sur circuit, c’est la symphonie du Crossplane quand il franchit le cap des 7 800 tours, la rigueur de partie cycle, la facilité de conduite et surtout, la sensation de piloter une 600 Supersport survitaminée !
La R1S n’a pas grand-chose à envier à la R1. Comme Supersportive pour un usage mixte route/piste, elle est devenue mon premier choix sur une liste exclusive qui inclut la BMW S1000RR. En revanche, malgré un prix inférieur à la R1, ce n’est pas une moto au rabais, loin de là.
— Alain Paquin
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 203 kg
- Hauteur de selle : 855 mm
- Capacité essence : 17 L
- Consommation (moyenne piste/route) : 8,4 L/100 km
- Autonomie : environ 200 km
- Durée de l’essai : 1 200 km (route) — 3 séances de 15 minutes au circuit Mont-Tremblant/6 séances de 15 minutes à l’Autodrome St-Eustache
- Prix : 16 699 $
- Coloris : rouge/blanc — gris anthracite mat
MOTEUR
- Moteur : quatre cylindres en ligne, DACT, 4 soupapes/cylindre, refroidissement liquide
- Puissance (mesurée à la roue) : 164,2 ch à 11 780 tr/min
- Couple (mesuré à la roue) : 76,2 lb-pi à 8 850 tr/min
- Cylindrée : 998 cc
- Alésage x course : 79 x 50,9 mm
- Rapport volumétrique : 13:1
- Alimentation : injection Mikuni à corps de 45 mm, injecteurs doubles
- Gestion électronique : accélérateur électronique (YCC-T), admission électronique (YCC-I), commande variable des gaz (PWR), antipatinage (TCS), contrôle des départs (LCS), contrôle de wheelie (LIF), contrôle du glissement latéral (SCS)
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée KYB, tubes de 43 mm réglable en précontrainte du ressort, en compression et en détente ; monoamortisseur KYB ajustable en précontrainte du ressort, en compression et en détente
- Empattement : 1 405 mm
- Chasse/Déport : 24°/102 mm
- Freins : double disque de 320 mm et étriers quatre pistons à fixation radiale à l’avant ; monodisque de 220 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS et freinage intégral de série
- Pneus : Bridgestone Battlax S20
120/70ZR17 à l’avant
190/55ZR17 à l’arrière
Verdict rapide
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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