Nostalgiquement moderne !
Publié le 2 juin 2016
Yamaha continue de décliner sa plateforme FZ-09 à trois cylindres pour le plus grand bonheur des aficionados. Après le roadster et l’aventurière légère, la firme aux trois diapasons propose la XSR900, une moto néoclassique conçue pour attirer les nostalgiques du côté sombre de la Force. Et ça marche, surtout en version Kenny Roberts Replica ! Comme quoi il suffit parfois de peu pour métamorphoser une bonne moto en machine à rêver.
Photos : Roger Yip, Didier Constant, Yamaha et DR
Présentée à Huntsville, dans le nord de l’Ontario, en même temps que la FZ-10, la XSR900 est la dernière déclinaison de la famille « Faster Sons » de Yamaha, constituée de motos d’inspiration néoclassiques destinées à célébrer l’héritage sportif de la marque en alliant l’allure rétro des motos qui ont fait sa légende (XS650, SR500, XJR1200) et les technologies modernes.
Dessinée par Roland Sand Design, la XSR900 est dérivée de la FZ-09. Dans sa version 60e anniversaire, la plus belle selon moi, elle reprend la livrée historique jaune/noire/blanc des motos de course de Kenny Roberts, en dirt-track et en Grand Prix. Une vraie merveille !
Lancée au Salon EICMA de Milan en novembre dernier, la XSR900 allie à merveille la technologie de pointe chère à Yamaha et un look emprunt de nostalgie qui envoûte. Ce bolide nouveau genre séduit les pilotes avides de performance à la recherche d’une moto pure, authentique. La Yamaha XSR900 propose un système antipatinage et des freins ABS (pas disponibles sur la FZ-09 au Canada) ainsi qu’une selle étagée et une instrumentation numérique originale. En plus de la version spéciale (10 999 $) la XSR900 se décline aussi en gris mat (10 699 $).
De tous les constructeurs, spécialement japonais, Yamaha est celui qui investit le plus dans le créneau néo-rétro, particulièrement en Europe où la compagnie d’Iwata City travaille avec des préparateurs réputés (Shinya Kimura, Roland Sands, Wrenchmonkees, El Solitario, itroCkS! bike, Numbnut Motorcycles) à l’élaboration de prototypes originaux. Et curieusement, ces motos destinées à l’origine aux pilotes dans la cinquantaine enclins à explorer leur passé séduisent une clientèle jeune et urbaine.
La XSR900 est plus qu’une simple version « hipstérique » du roadster rebelle qui a remis Yamaha sur la voie de la « coolitude ». C’est une moto à part entière, même si elle partage le moteur et la partie cycle de la FZ-09.
La Yamaha utilise donc le trois cylindres Crossplane (CP3) à 12 soupapes, de 849 cc, qui revendique 115 ch chevaux et 64 lb-pi de couple. Les intervalles d’entretien sont fixés à 42 000 km. Mikuni fournit l’injection électronique à corps de papillon de 41 mm, laquelle est contrôlée par un accélérateur électronique YCC-T de type Ride-by-Wire.
La principale différence entre la XSR et la FZ est l’utilisation, sur la première, d’un embrayage à glissement limité et d’un antipatinage déconnectable à deux niveaux d’intervention. Ce qui explique en partie la différence de prix de près de 1 700 $ entre les deux modèles (10 699 $ pour la XSR contre 8 999 $ pour la FZ). Toujours au niveau de l’électronique, on retrouve trois cartographies d’injection (A pour Sport, B pour la pluie et Standard).
La partie cycle est identique en tout point sur les deux sœurs ennemies. Elle s’articule autour du cadre de type diamant en aluminium coulé relié à un bras oscillant en acier. La suspension réglable en précontrainte et détente est confiée à une fourche inversée à poteaux de 41 mm offrant un débattement de 137 mm et à un monoamortisseur affichant une course de 130 mm. Elle dispose de réglages plus fermes, ce qui devrait lui permettre d’être plus intègre que le roadster. La géométrie de direction est quant à elle inchangée avec une chasse de 25 degrés, un déport de 103 mm et un empattement de 1440 mm. Des valeurs radicales qui expliquent en partie le côté joueur de la néoclassique.
Le freinage est amélioré. Bien que la XSR900 utilise les mêmes composantes que la FZ-09 (doubles disques de 298 mm à l’avant, pincés par des étriers radiaux à quatre pistons, simple disque arrière de 245 mm à étrier simple piston), elle est livrée avec un système ABS de série non déconnectable.
Voulez-vous rouler avec moi ?
C’est ce que semble me susurrer la XSR900, posée sur sa béquille, dans le stationnement du Deerhurst Resort où Yamaha Canada nous accueille. Dans sa sublime robe jaune/noir/blanc qui met ses lignes en valeur, elle me fait des œillades pas très discrètes. Je m’approche et je découvre les petits détails qui distinguent cette version spéciale ; la plaque 60th Anniversary sur le réservoir, la selle noir surpiquée avec son logo XSR900 en relief, le capot de selle accessoire. Je remarque aussi le té de fourche en alu, le magnifique tableau de bord avec son simple compteur numérique rond qui regorge d’infos, lesquelles apparaissent en blanc sur fond noir, le large guidon tubulaire aux extrémités fuselées qui offre une excellente préhension, le couvre-réservoir interchangeable en alu et la finition impeccable de la machine. Sans oublier le joli phare rond à l’avant et le feu arrière à DEL, également rond. Concept !
Aux commandes de la Yamaha, on bénéficie d’une position de conduite redressée offrant un bon équilibre entre maniabilité, sportivité et confort. On a le dos droit, légèrement penché vers l’avant, les bras écartés, un poil fléchis et les jambes raisonnablement dépliées en raison de la selle haute qui culmine à 830 mm du sol (15 mm plus hauts que sur la FZ). Les grands gabarits se sentiront rapidement à l’aise sur la XSR tandis que les pilotes mesurant moins de 1,70 m seront sur la pointe des pieds à l’arrêt (on ne peut pas satisfaire tout le monde). La selle est large et accueillante, beaucoup plus celle de la FZ-09 — pas dur à battre, me direz-vous —, et elle permet au pilote de changer de position en roulant. Et d’envisager de longs périples sans craindre une paralysie du postérieur.
Sur la XSR900, pas de pare-brise ni capot de phare minimaliste pour diriger le flux d’air à l’écart du buste du pilote. On est sur une vraie moto dénudée, ce qui est tout à fait en adéquation avec le style néoclassique de la machine et rappelle les motos standard des années 60/70.
Afin de ne pas refaire le même parcours qu’avec la FZ-10, je me dirige au sud en direction de Baysville, puis à l’est vers Dorset, par la route 117 qui longe le superbe Lake of Bays, avec ses îles et ses demeures cossues, pour remonter vers le nord, en passant par Dwight. Là, j’emprunte la route 60, celle qui traverse le parc Algonquin et mène à Ottawa, pour aller faire quelques photos dans le parc provincial Oxtongue River-Ragged Falls qui abrite de magnifiques chutes. Cet itinéraire suit d’envoutantes routes sinueuses qui dessinent leur chemin entre les lacs bordés de chalets et les forêts denses peuplées d’orignaux, de cerfs, d’ours et d’une multitude d’animaux sauvages.
À peine sorti du stationnement, il suffit d’une accélération franche pour me retrouver avec la roue avant dans les airs. Je suis sur le mode de conduite A, le plus sportif, et j’ai débrayé l’antipatinage. Je n’ai pas volontairement choisi de faire un wheelie — ce n’est pas trop ma tasse de thé —, mais la XSR900 laisse son côté hooligan s’exprimer. C’est génétique. Elle ne peut s’en empêcher. Il faut dire qu’elle est sort de la cuisse du turbulent roadster Yamaha, lequel ne laisse pas sa place en termes d’acrobaties improvisées.
Comparativement à la FZ-10, la 900 est moins puissante, mais tout aussi impressionnante. Plus légère, encore plus maniable, c’est un véritable jouet entre les mains d’un pilote aguerri. Le trois cylindres est exceptionnel. Et il transforme la XSR en « joujou extra qui fait crack ! Boum ! Hue ! » À son guidon, on a envie de figures en tout genre, de freinages de bûcheron, de stoppies, de dérapages contrôlés. On cherche les routes les plus viroleuses, les enfilades d’épingles, les crêtes qui font décoller les deux roues de l’asphalte. Bref, un terrain de jeu digne de la Bête. À un moment donné, j’ai négocié une section de route tellement jouissive que je l’ai refaite à plusieurs reprises, dans les deux directions, avec, chaque fois, le même plaisir coupable, le même sourire figé sur le visage. Je me sentais rajeuni de 30 ans.
Il faut dire que la XSR900 est hyper agile et maniable. C’est un vrai vélo. Et ses suspensions mieux calibrées que sur le roadster permettent de s’amuser, même si elles ne sont pas encore parfaites et pompent un peu à l’attaque. Avec son poids tous pleins faits de 195 kg (7 de plus que la FZ-09, ce qu’on ne ressent pas), la XSR est relativement légère et se manie avec une aisance époustouflante.
Malgré sa vivacité et la nervosité relative de son train avant, la XSR900 affiche une bonne stabilité en ligne droite, à condition de ne pas serrer le guidon trop fort, ce qui induit des mouvements parasites peu agréables. En fait, le pilote doit rester zen en toute occasion et laisser la Yamaha faire son boulot. Faites-lui confiance et elle vous récompensera au centuple.
Et que dire du moteur qu’on n’a déjà dit à propos de la FZ-09? C’est un chef d’œuvre mécanique, un moulin d’anthologie puissant comme un gros cube, souple et coupleux à souhait. Plus rageur que le triple de Triumph. Un compromis parfait entre un bicylindre en L italien — vous voyez à quoi je fais référence ? — et un quatre cylindres en ligne sportif bavarois — vous me suivez toujours ? Solide à bas et moyens régimes, le triple devient rageur en franchissant le cap de 7 000 tr/min. La moindre sollicitation des gaz sur les trois premiers rapports propulse la roue avant dans les airs. Difficile dans ces circonstances de rester stoïque à son guidon. Franchement addictif. Et quelle sonorité ! On note bien quelques vibrations qui se propagent subrepticement dans les repose-pieds, mais rien pour entamer le plaisir qu’on éprouve aux commandes de la XSR900.
Le CP3 offre une excellente liaison entre l’accélérateur et la route (merci aux pneus Bridgestone S20 et à l’antipatinage). La Yamaha est facile à maîtriser, malgré sa puissance et son caractère explosif. Son moteur est rempli sur toute sa bande de puissance et ne demande qu’à être exploité, cravaché. Un peu sado-maso le CP3, non ? Certainement un des meilleurs moteurs de la production actuelle et une vraie réussite pour Yamaha.
La XSR900 est encore plus convaincante que la FZ-09. Elle affiche le même caractère rebelle, voire hooligan, une ligne classique réussie et fait preuve d’une efficience supérieure. Personnellement, c’est ma préférée dans la gamme trois cylindres de Yamaha. J’aime tout chez elle : son look, son comportement, son côté canaille, son agilité extrême, ses performances bluffantes. C’est une belle réussite. Bravo Yamaha !
Look rétro et esprit néo
Visuellement réussie, la nouvelle Yamaha XSR900 séduit autant les hipsters que les nostalgiques qu’elle réconcilie le temps d’une balade. Pourtant, certains auraient aimé que Yamaha aille plus loin dans le style rétro et se rapproche encore davantage des XS650 et SR500 qui ont fait la réputation de la marque en des temps immémoriaux. Toujours est-il que globalement, la XSR plaît, surtout dans sa livrée 60e anniversaire. Je n’ai encore rencontré personne qui ne l’aime pas…
Au fil des évolutions, la plateforme trois cylindres de Yamaha se peaufine, se perfectionne, au point de devenir vraiment efficace, mais aussi plus chère. Dans le cas de la XSR900, elle dispose d’un arsenal technologique complet qui inclut des modes de conduite, un système ABS, un antipatinage déconnectable et un embrayage à glissement limité. Autant d’avantages pour les technophiles que les nostalgiques des motos simples d’antan bouderont peut-être. Là encore, il est difficile de contenter tout le monde.
Si vous aimez les motos au caractère affirmé et si vous êtes un adepte du pilotage sportif, à la limite de la légalité, je vous conseille d’aller essayer la XSR900 chez un concessionnaire Yamaha près de chez vous. Je vous garantis que vous ne serez pas déçus ! Faites-moi confiance !
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 195 kg
- Hauteur de selle : 830 mm
- Capacité essence : 14 L
- Consommation : non mesurée
- Autonomie : non mesurée
- Durée de l’essai : 150 km
- Prix : 10 699 $ (10 999 $ pour la version 60e anniversaire)
MOTEUR
- Moteur : Trois cylindres en ligne, 4-temps, DACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 115 ch à 10 000 tr/min
- Couple : 64,3 lb-pi à 8 500 tr/min
- Cylindrée : 847 cc
- Alésage x course : 78 x 59,1 mm
- Rapport volumétrique : 11,5 : 1
- Alimentation : Injection électronique Mikuni à corps de 41 mm
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Suspension : fourche télescopique inversée Kayaba, diam 41 mm, réglable en précharge et en détente ; amortisseur Monocross réglable en précharge.
- Empattement : 1 440 mm
- Chasse/Déport : 25 degrés/103 mm
- Freins : 2 disques de 298 mm avec étriers 4 pistons à l’avant ; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière.
- Pneus : Bridgestone S20
120/70ZR17 à l’avant
180/55ZR17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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