La petite sportive qui se prend pour une grande!
Publié le 7 décembre 2015
Au cours des 20 dernières années, la dénomination de la petite sportive de Ducati est passée de 748 à 749 à 848 à 899 pour aujourd’hui s’établir à 959. Mais en gagnant une soixantaine de centimètres cubes par rapport à la 899, la Panigalette se rapproche de la 1299, sa grande sœur, et risque de perdre sa personnalité dans la métamorphose. Notre collaborateur Costa Mouzouris a payé de sa personne pour le vérifier lors du lancement mondial de la Ducati au circuit Ricardo Tormo de Valence, dans le sud de l’Espagne.
Texte : Costa Mouzouris — Photos : Milagro et Ducati
Il est curieux de constater comment les constructeurs de véhicules de promenade ont tendance à faire grossir leurs produits (les autos prennent du volume afin d’offrir plus de place aux occupants et les motos augmentent de cylindrée et de puissance) à chaque nouvelle génération. Même les petites cylindrées ne sont pas épargnées par cet appétit gargantuesque des constructeurs, les 250 cc d’hier devenant des 300 cc voire des 400 cc. Ainsi, la supersportive Ducati 748, une authentique moyenne cylindrée lors de son lancement en 1994 a gonflé comme un culturiste sur les stéroïdes pour devenir, 20 ans plus tard, la Panigale 899.
La Ducati 748 originale était une supersportive qui rivalisait avec les 600 japonaises de l’époque en termes de performances. Dans ces années-là, les 600 continuaient une classe hypercompétitive dans la plupart des championnats de vitesse sur la planète. Puis est arrivée la crise économique de 2008 qui a tout balayé sur son passage, les 600 avec elle. Les jeunes dans la vingtaine n’avaient soudainement plus les moyens de se payer ces petites sportives exotiques. Sur les circuits de vitesse, le nombre de participants a commencé à se réduire comme une peau de chagrin et les constructeurs se sont éloignés de la compétition. Comme ils n’étaient plus limités par les règlements des courses auxquelles ils ne participaient plus on a vu fleurir des quatre cylindres de 636 cc, des tricylindres de 675 et de 800 cc et des twins de 899 cc.
En 2016, Ducati fait évoluer la Panigale 899 en 959, une sportive plus grosse et plus puissante. La compagnie bolonaise m’a invité en compagnie d’une cinquantaine de journalistes internationaux à Valence pour découvrir sa nouvelle sportive et vérifier si la classe intermédiaire avait toujours raison d’être maintenant qu’elle fricote avec les motos d’un litre.
L’accroissement de la cylindrée a été obtenu par un allongement de la course de 3,6 mm, lequel ne suffit pas à lui seul à justifier le gain de puissance de 9 ch (qui s’établit désormais à 157 ch) ni de couple (79,2 lb-pi, soit un gain de 6,2 lb-pi). Le diamètre des conduits de l’échappement passe à 60 mm, comme sur la 1299 et un injecteur « pomme de douche » à vaporisation large a été ajouté au-dessus de chaque corps d’injection. L’air circule jusqu’à la chambre de combustion du moteur plus facilement grâce à un filtre à air moins restrictif. Et l’intervalle d’ajustement des soupapes s’établit désormais à 24 000 kilomètres.
Les rapports de la boîte de vitesse demeurent inchangés, mais un embrayage antidribble a été ajouté. Il travaille de concert avec la centrale électronique de la Ducati, plus particulièrement avec le contrôleur du frein moteur, dans le but de réduire les sautillements de la roue arrière en entrée de virage.
Les motos destinées au marché nord-américain n’ayant pas encore à satisfaire à la norme Euro 4, les 959 dont nous disposerons ici conservent l’échappement sous le moteur de la défunte 899 et de la 1299, contrairement à leurs homologues européennes qui affichent un échappement double superposé peu seyant. En Amérique du Nord, la Panigale 959 pèse 195 kg, cinq de moins qu’en Europe et seulement deux de plus que la 899.
Le carénage a été légèrement élargi et la bulle allongée pour un meilleur aérodynamique tandis que les repose-pieds sont maintenant usinés en aluminium, comme sur l’exclusive et rare 1199 Superleggera. La géométrie du châssis est globalement inchangée par rapport à la 899, à l’exception de l’empattement qui gagne 6 mm et du pivot du bras oscillant qui a été abaissé de 4 mm dans le but d’améliorer l’adhérence en sortie de courbe. La suspension est entièrement ajustable aux deux extrémités. La fourche inversée de 43 mm de diamètre est fournie par Showa tandis que le monoamortisseur provient de chez Sachs.
La dernière Panigale que j’ai essayée est la 1299S qui est plutôt brutale et physique à piloter. Éprouvante aussi. Et étonnamment rapide. Durant la présentation technique de la 959, j’ai donc été rassuré d’apprendre que la Panigalette était plus facile à piloter et conçue pour être une sportive utilisable au quotidien. Si le premier point s’est avéré exact, le second relève de la fantaisie pure.
Afin de mettre tout le monde à l’aise, nos hôtes nous ont incités à régler la moto en mode « Sport » durant la première session, afin de nous familiariser avec la moto et la piste qui est plutôt technique. Ce mode offre une réponse plus douce à l’accélérateur tout en conservant les 157 chevaux intacts contrairement au mode « Rain » qui réduit la puissance à 100 chevaux. Il réduit également les seuils minimums de l’antipatinage et de l’ABS comparativement au mode « Race ».
Malheureusement, les journalistes ne sont pas connus pour leur nature judicieuse et après seulement deux tours, sur une piste encore froide, nous roulions à 90 % de nos capacités. Bien que le contrôle de l’accélérateur Ride-by-Wire et de l’antipatinage furent adéquats à ce rythme, l’ABS était problématique. En mode « Sport », son seuil de déclenchement est relativement hâtif pour offrir toute la sécurité requise sur route, mais à un rythme sportif, sur piste, il était trop intrusif et se déclenchait trop fréquemment et mal à propos. Dans le très rapide Virage no 1 qui suit la longue ligne droite de 900 mètres au bout de laquelle on atteignait 260 km/h, l’ABS allongeait les distances de freinage au point de me donner des palpitations.
De retour au garage, les techniciens de Ducati nous donnèrent la permission de passer en mode « Race » ce qui s’effectue facilement en actionnant les boutons ad hoc localisés sur le guidon gauche et en navigant à travers le menu à l’écran. Ceci eut pour effet de retarder l’entrée en action des différents garde-fous électroniques à un niveau compatible avec une utilisation sur piste tout en procurant une cartographie plus agressive de l’accélérateur. L’ABS était toujours actif, mais son entrée en action retardée au point où je ne l’ai senti s’enclencher qu’une fois ou deux fois durant toute la journée. Ainsi réglée, la moto révélait tout son potentiel sportif. Les freins inspiraient confiance, offrant une puissance impressionnante et une modularité exemplaire. L’embrayage antidribble facilitait les entrées en courbe, même si j’avais laissé le frein moteur réglé sur son réglage le plus bas. L’accélérateur était un peu sensible, réclamant une correction en milieu de courbe, particulièrement dans le virage numéro cinq, une grande courbe à droite qui se négocie en troisième. En toute franchise, ceci était peut-être dû au fait que mon poignet droit était rouillé après plusieurs mois d’inaction. En fait, lors de ce lancement, ça faisait plus de deux mois que je n’avais pas roulé sur circuit.
La Panigale 959 possède un levier de vitesse électronique fonctionnant seulement pour monter les rapports, sans couper les gaz et sans recourir à l’embrayage. Pour rétrograder, il faut cependant utiliser l’embrayage, contrairement aux shifters évolués que l’on retrouve sur certaines sportives haut de gamme, dont la 1299, lesquels facilitent les entrées en courbe et permettent d’abaisser les chronos.
Nos hôtes avaient prévu des sorties inhabituellement longues (20 minutes plutôt que les 15 minutes usuelles) ce qui m’a permis de constater, à la fin de chaque séance en piste, que la 959 était beaucoup moins physique et fatigante à piloter que la 1299. La puissance, bien que substantielle, n’a rien d’exceptionnel comparativement à celle de la grosse Panigale qui crache plus de 200 chevaux et vous allonge les bras à chaque accélération. En plus de chercher à vous catapulter chaque fois que vous ouvrez les gaz en grand. Après quatre séances en piste, il était évident pour moi que la 959 était une moto plus facile à piloter que sa grande sœur et que je pourrais passer une journée complète à son guidon sur piste, ce qui n’est pas le cas de la 1299 qui réclame toute votre attention et puise toute votre énergie.
Si vous avez l’intention de prendre part régulièrement à des journées de roulage sur certains circuits locaux (ce que vous devriez faire si vous achetez une telle moto même si Ducati affirme qu’il s’agit d’une authentique moto de route), je ne saurais que vous conseiller l’achat de l’analyseur de données de Ducati, une option facturée 650 $ qui s’avèrera très utile. Le système recueille les informations des divers capteurs EFI et utilise un GPS pour enregistrer diverses données, dont les temps au tour et d’autres aussi pertinentes.
À la fin de ma dernière session, je suis descendu de la 959 avec la satisfaction de constater que la puissance supplémentaire par rapport à la 899 était réellement présente et bienvenue. En revanche, j’étais confus quant au positionnement de cette nouvelle Panigale. En tant que descendante directe de la 748 qui était considérée comme une authentique sportive de moyenne cylindrée, la 959 ne semble plus faire partie de la même catégorie. En fait, elle est à quelques centimètres cubes d’être une moto d’un litre, ce qui prouve à quel point les constructeurs ont fait évoluer la classe des motos de classe ouverte. Celles-ci développent aujourd’hui plus de 200 chevaux et cubent à 998 cc, pour les quatre-en-ligne à tout le moins.
Quelle que soit sa place réelle dans le marché actuel, la Ducati Panigale 959 2016 est une excellente pistarde qui offre des performances dignes d’une sportive de classe ouverte dans un ensemble plus facile à appréhender. Et à 15 999 $, elle coûte 5 400 $ de moins que la superlative 1299. À moins que vous ne soyez accro à la puissance, la 959 reste un meilleur choix.
Ce qui change par rapport à la 899
- Esthétique de la 1299
- Tête de carénage élargie et bulle allongée
- Cylindrée : + 57 cc
- Puissance : + 9 ch
- Couple : + 6,2 lb-pi
- Poids : + 2 kg seulement
- Empattement : + 6 mm
- Embrayage antidribble
- Repose-pieds usinés en aluminium
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 195 kg
- Hauteur de selle : 830 mm
- Capacité essence : 17 L
- Consommation : N.C.
- Autonomie : N.C.
- Durée de l’essai : 4 séances de 20 min sur le circuit Ricardo Tormo de Valence
- Prix : 15 995 $
MOTEUR
- Moteur : Bicylindre en L, quatre temps, refroidi au liquide, distribution desmodromique, DACT, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 157 ch à 10 500 tr/min
- Couple : 79,2 lb-pi à 9 000 tr/min
- Cylindrée : 955 cc
- Alésage x course : 100 x 60,8 mm
- Rapport volumétrique : 12,5 : 1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Cadre : monocoque en aluminium
- Suspension : fourche inversée Showa 43 mm entièrement réglable. Monoamortisseur Sachs entièrement réglable
- Empattement : 1 431 mm
- Chasse/Déport : 24 degrés/96 mm
- Freins : 2 disques de 320 mm et étriers Brembo Monobloc, 4 pistons radiaux M50 à l’avant; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS de série.
- Pneus : Pirelli Diablo Rosso Corsa
- 120/70ZR17 à l’avant
- 180/60ZR17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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