En piste avec une Diva
Publié le 21 octobre 2015
Quelques jours avant la fin officielle de la saison, j’ai eu l’insigne honneur de piloter une MV Agusta F4 sur le magnifique circuit de Calabogie Motorsports Park, au nord-ouest d’Ottawa. Et, comme il fallait s’y attendre, j’ai craqué pour la Belle Italienne. Comment ne pas succomber à la tentation en de pareilles circonstances? Chronique d’une idylle annoncée.
Photos: © Pierre Desiltes, Didier Constant, MV Agusta
Avis aux pinailleurs et aux chercheurs de poux : ceci n’est pas un essai au sens classique du terme, mais une prise de contact sur circuit, avec une moto préparée au niveau des suspensions et chaussée de pneus slicks dans le but de performer le mieux possible sur le sublime tracé ontarien.
Une Diva exquise et flamboyante
Quand MV Agusta Canada m’a proposé d’essayer une F4 « de piste », j’ai dit « Oui! ». Tout de suite. Sans réfléchir. Comme si Monica Bellucci m’avait invité à souper. Vous refuseriez vous? La F4 est une icône dans le monde de la moto. Une Diva de plein droit. Lors de son dévoilement, en septembre 1997 — à l’époque elle avait un moteur de 750 cc —, elle m’avait causé un choc émotionnel intense. Comme ce fut le cas pour nombre d’entre nous d’ailleurs.
Les composants utilisés sur la version 2015 — fourche inversée Marzocchi de 50 mm, étriers de frein Brembo Monobloc M50, pneus Pirelli Diablo Supercorsa SP — témoignent d’un souci de perfection évident. De même, certaines pièces, comme le splendide monobras, le cadre treillis tubulaire, les platines alu ou encore le té de fourche supérieur, sont dignes de la haute couture mécanique.
Quand on la déshabille du regard, les superlatifs nous manquent pour la qualifier. Dire qu’elle est belle, magnifique, sublime, est largement en deçà de la vérité et ne lui rend pas justice. Il faut inventer des néologismes, redéfinir le langage amoureux ou bien se taire et la dévorer des yeux. Tout simplement
En 18 ans de carrière, la MV Agusta a connu de nombreuses itérations (Oro, Senna, CC, 312RR, R, Corsa Corta, RR), atteignant parfois des prix faramineux. En 2015, seules la F4 et la F4RR, sans oublier l’exclusive F4RC dérivée du championnat WSBK, restent au catalogue de la marque. À un prix presque raisonnable en regard de leur qualité et des tarifs de la concurrence. La F4 se détaille 22 225 $, contre 29 995 $ pour la F4RR et 54 995 $ pour la RC.
La sportive ultime de MV Agusta entre dans sa troisième génération en évoluant en finesse. Sans changer foncièrement au niveau visuel. Comme quoi son look dû au coup de crayon génial de Massimo Tamburini est non seulement réussi, mais intemporel. La F4 est à la moto ce que la Joconde est à la peinture. Un chef d’œuvre qui traverse le temps sans prendre une ride!
Une pistarde fougueuse
Cette prise de contact avec la F4 n’était pas ma première rencontre avec le Superbike de Varèse. En effet, j’avais déjà eu la chance de découvrir la F4RR (la version suréquipée de luxe) en 2012, au circuit Thunderbolt, au New Jersey Motorsports Park. Un bref tête-à-tête d’une dizaine de tours qui m’avait mis l’eau à la bouche à défaut de me conquérir. Il faut dire que la machine mise à notre disposition à cette occasion était mal ajustée.
Les premiers tours de roue au guidon du Superbike de Varèse sont particuliers. Son gabarit impressionnant (selle haute, réservoir long et large, poids élevé), son rayon de braquage important, sa direction lourde, son châssis rigide, son moteur qui tire comme un pitbull sur sa chaîne et son embrayage ferme demandent du doigté. Sans parler de son freinage hyperpuissant, digne des meilleures sportives de course. Mais après quelques tours, on trouve ses marques et on est subjugué par la Belle MV. Particulièrement quand on a assimilé le mode d’emploi de son shifter électronique évolué qui fonctionne dans les deux sens, soit en montant les rapports et en rétrogradant. Le système est transparent, très précis et d’une efficacité bluffante. Au point où l’on ne peut plus s’en passer.
Cela dit, la F4 a besoin de beaucoup d’espace pour laisser son potentiel énorme s’exprimer. Le circuit de Calabogie, long de 5,05 km, comportant 20 virages, dont certains très techniques ou rapides, est l’endroit idéal pour tirer la quintessence de la MV Agusta. Sa substantifique moelle.
Le quatre cylindres de 998 cc est un authentique moteur à sensations. Et pas seulement parce qu’il développe 195 ch à 13 400 tr/min. La sonorité qu’émet le sublime échappement à quatre flûtes est virile, enivrante. Elle vous met immédiatement dans une ambiance course. Tout comme la bande de puissance haut perchée de la moto. Si le moteur est doux à bas régime, au point où on se questionne sur sa puissance réelle, il se métamorphose passé 8 000 tr/min pour tirer furieusement jusqu’à 13 700 tr/min, moment où le rupteur entre en action. À tel point qu’on a l’impression qu’un turbo embarque. C’est une image, bien sûr, car il n’y a pas de turbo sur la F4. Le pilotage devient alors exaltant. Électrisant!
L’électronique est perfectible. On note toujours une certaine rudesse au niveau de l’accélérateur Ride-by-Wire, particulièrement à la remise des gaz et il est parfois difficile de conserver une accélération neutre sur l’angle. Sinon, tous les systèmes présents sur la centrale MVICS (Motor & Vehicle Integrated Control System) — cartographies, modes de conduite, anticabrage, antipatinage, shifter électronique EAS — se paramètrent à volonté et fonctionnent comme ils le doivent.
Contrairement à la Ducati 1299S Panigale que nous avions également en essai au même moment, la MV Agusta F4 est moins brutale, plus facile à appréhender. Les deux Divas italiennes n’interprètent pas leur partition de la même manière. La Ducati est l’archétype du Superbike moderne, puissante, caractérielle, agile, hyper précise, mais nerveuse, alors que la MV trahit ses origines remontant à la fin du 20e siècle. Elle demande plus de travail sur piste — des poussées plus franches sur le guidon pour s’inscrire en courbe, un engagement physique plus intense de la part du pilote —, et fait preuve d’une certaine lenteur dans les transitions. En revanche, elle est parfaitement plantée et stable, particulièrement dans les grandes courbes rapides. Il faut dire que ses suspensions étaient adéquatement réglées pour la piste et performaient à la perfection.
Annoncée à 191 kg à sec, la MV Agusta n’est pas à proprement parler un poids plume (la Ducati 1299S Panigale pèse la même chose, tous pleins faits, soit près de 20 kg de moins dans les mêmes conditions), mais ce n’est pas un camion non plus. Elle se manie relativement facilement, spécialement sur une piste rapide et ouverte comme Calabogie.
Son freinage qui a recours à des composants de qualité de marque Brembo est très efficace. La puissance initiale, lors de la phase d’attaque, n’est pas phénoménale, mais par la suite, les étriers M50 monoblocs à quatre pistons et les deux disques de 320 mm offrent beaucoup de mordant, tout en étant faciles à moduler. L’ABS de série est transparent et ne nuit pas à la conduite sur piste.
La partie cycle est impériale, grâce au cadre treillis tubulaire rigide et précis. Le train avant est incisif et fait preuve d’un guidage d’une précision chirurgicale. Quant à la garde au sol, elle est insondable, grâce en partie aux commandes reculées et relevées.
En ce qui a trait aux pneus, les slicks qui équipaient la MV Agusta sont irréprochables et permettent de venir jouer avec les limites de la tenue de route. Un must dans les circonstances.
Une expérience incomparable
Passer une journée en compagnie de la MV Agusta F4 (ou la F4RR) sur un circuit du calibre de Calabogie est une expérience unique que je souhaite à tous les amateurs de pilotage sur piste. Si la plastique de l’Italienne ne suffit pas à faire grimper la sève en vous (vous devriez faire vérifier votre taux de testostérone), ses performances en piste vous convaincront et vous procureront une joie intense, à la limite de l’extase. Car, en plus de son comportement très sportif, sa mystique joue à plein. La sonorité du quatre cylindres, la qualité superlative de certains composants, l’excellence de la finition et l’aura incroyable dont jouit la F4 viendront à bout de vos objections et de vos réticences. Le Superbike de Varèse n’est pas parfait. Comme une Diva, il a ses défauts, son caractère entier, mais quand vous parvenez à travailler à l’unisson avec lui et la piste, quand vous maîtrisez son tempérament impétueux, ses caprices, alors vous atteignez le nirvana. Vous filez de courbe en courbe avec aisance et volupté dans une sorte de ballet mécanique envoutant. Et vous comprenez pourquoi la F4 jouit d’une telle réputation.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids à sec : 191 kg
- Hauteur de selle : 830 mm
- Capacité essence : 17 L
- Consommation : N.C.
- Autonomie : N.C.
- Durée de l’essai : 4 séances de piste au Calabogie Motorsports Park
- Coloris : blanc avec cadre rouge/roue et argent avec cadre noir
- Prix : 22 225 $
MOTEUR
- Moteur : quatre cylindres, quatre temps, refroidi au liquide, DACT, 4 soupapes radiales par cylindre
- Puissance : 195 ch à 13 400 tr/min
- Couple : 110,8 lb-pi à 9 600 tr/min
- Cylindrée : 998 cc
- Alésage x course : 79 x 50,9 mm
- Rapport volumétrique : 13,4 : 1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Cadre : treillis tubulaire en acier au chrome-molybdène
- Suspension : fourche inversée Marzocchi de 50 mm. Monoamortisseur Sachs. Suspensions entièrement réglables
- Empattement : 1 430 mm
- Chasse/Déport : 24 degrés/100,4 mm
- Freins : 2 disques de 320 mm et étriers Brembo Monobloc M50, 4 pistons radiaux à l’avant; simple disque de 210 mm avec étrier à 4 pistons à l’arrière. ABS de série.
- Pneus : Pirelli Diablo Supercorsa SP
120/70ZR17 à l’avant
200/55ZR17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
- La ligne racée et classique
- Le caractère explosif du quatre cylindres
- La partie cycle affûtée
- Les suspensions Marzocchi/Sachs efficaces
ON AIME MOINS
- La position de conduite radicale
- Le pilotage sur piste exigeant
Principales caractéristiques de la MV Augusta F4 ABS
- Moteur quatre-cylindres en ligne à courte course avec chaîne de distribution centrale et soupapes radiales.
- Technologie MVICS (Motor & Vehicle Integrated Control System)
- Ensemble électronique ELDOR avec système « Ride-By-Wire » et quatre cartographies moteur.
- Sensibilité de la poignée des gaz ajustable (sélectionnable entre normal, sport et pluie)
- Trois modes de conduite (normal, sport et pluie)
- Réponse variable du moteur (sélectionnable entre normal, sport et pluie)
- Frein moteur (sélectionnable entre normal, sport et pluie)
- Limiteur de régime (sélectionnable entre normal, sport et pluie)
- Capteur d’angle d’inclinaison du véhicule inertiel
- Contrôle de traction ajustable sur huit niveaux
- Anti-cabrage
- EAS électronique (changement de vitesse assisté électroniquement)
- Châssis modulaire à structure mixte avec treillis tubulaire en acier et plaques en aluminium soudés à la main TIG.