La baroudeuse chic
Publié le 3 août 2015
Imposante et suréquipée, la nouvelle 1290 Super Adventure est le nouveau vaisseau amiral de la gamme Adventure de KTM qui comprend les 1190 et 1190 R mais aussi la 1050, le bébé de la famille qui n’est pas offert en Amérique du Nord. Concurrente directe de la BMW R1200GSA, la KTM impressionne par son luxe et son équipement, mais surtout par une sportivité bluffante pour son gabarit. J’ai eu la chance de passer une semaine en sa compagnie.
Photos © Dave Beaudoin, Didier Constant et KTM (studio)
À sa sortie, la 1290 Super Adventure m’a étonné. Je m’attendais d’autant moins à ce que KTM lance une telle machine que la marque autrichienne avait présenté la 1190 et la 1190R la saison précédente. Pour moi, la messe avait été dite. La 1190 avait pour mission d’affronter la GS de BMW, la reine des routières d’aventure, alors que la version R offrait une alternative aux amateurs d’escapades en sentiers. Mais la firme de Mattighofen avait d’autres visées et voulait investir le créneau des trails-GT, comme disent les Français, dans sa totalité. Avec cette luxueuse grande aventurière, elle propose une routière de très haute facture, richement dotée et confortable qui ne s’adresse pas aux baroudeurs, mais aux motards fortunés à la recherche d’une moto statut avec laquelle parcourir le monde avec classe et luxe.
Voyager à l’Américaine…
On reconnait une authentique routière à sa capacité à transformer la moindre sortie en voyage au long cours. Ainsi, après avoir parcouru les vingt-deux kilomètres qui séparent le bureau de KTM de celui de motoplus.ca, j’avais des fourmis dans les fesses et le goût de rouler sans but et sans arrêt. Le lendemain, je partais pour un périple de 1 200 km en une journée, un aller-retour Montréal-Toronto avec un détour par les Mille Îles.
Comme la BMW R1200GSA qu’elle affronte, la KTM 1290 Super Adventure est une moto haut de gamme misant sur le luxe et la qualité. Quand on prend place à son bord, on découvre une selle haute à 860 mm du sol (elle est réglable à 875 mm pour les grands gabarits) qui élimine les pilotes mesurant moins de 1,70 mm de sa liste de clients potentiels. Confortablement assis sur cette selle en deux sections, je découvre un cockpit richement doté et une position de conduite détendue. Le large réservoir à essence de 30 litres de capacité est relativement étroit à sa base, ce qui me permet de bien caler mes genoux dans ses larges écopes latérales sans devoir écarter les jambes exagérément. Le guidon tubulaire est large et procure une bonne prise en main et un effet de levier important qui facilite le maniement de la bête et de ses 249 kilos en ordre de marche. Cependant, pour un pilote de ma taille (1,77 m), le guidon est un peu trop avancé et placé un poil bas, ce qui me force à tendre les bras et à pencher le buste vers l’avant. Si je devais acquérir une Super Adventure, j’installerais des réhausseurs de guidon pour un confort accru. Dans le même ordre d’idée, la bulle de carénage est un peu haute pour moi, même réglée à sa position la plus basse, son arête supérieure arrivant dans mon champ de vision. Sur l’autoroute, à une vitesse de croisière raisonnable de 120 km/h, je suis parfaitement abrité. Mes jambes sont protégées par le large réservoir tandis que la bulle m’isole adéquatement du vent. Je ressens seulement un filet d’air sur les bras et sur le haut de mon casque.
À cette cadence, boîte calée en sixième (il s’agit d’un rapport surmultiplié qui abaisse le régime moteur à vitesse stabilisée), le gros V-Twin à 75 degrés de 1 301 cc ronronne sous les 5 000 tr/min. On dirait un gros chat qui dort. Mais il suffit d’ouvrir les gaz en grand afin d’effectuer un dépassement pour sentir la cavalerie débarquer à grand renfort de sensations. En effet, le bloc autrichien issu de la 1290 SuperDuke est un monstre de puissance. Il crache 160 ch à 8750 tr/min pour un couple de 103,2 lb-pi à 6750 tr/min. En un clin d’œil, on se retrouve quelques centaines de mètres devant le véhicule que l’on vient de passer, le sourire aux lèvres, en attendant le prochain véhicule lent.
Sur les voies rapides, la suspension électronique semi-active WP qui équipe la KTM fait des miracles. Le confort est au rendez-vous, les suspensions s’adaptant en temps réel aux conditions de revêtement rencontrées. De plus, la fourche inversée WP possède un système antiplongée qui limite les transferts de charge au freinage, malgré son débattement de 200 mm.
Équipée de ses sacoches latérales optionnelles offrant une grande facilité de chargement grâce à leur système d’ouverture bien étudié (attention de bien enclencher le loquet d’un coup sec de la main pour éviter qu’elles ne s’ouvrent inopinément), elle permet de s’adonner au tourisme rapide avec armes et bagages sans aucune crainte. D’autant plus que la selle est relativement confortable, même pour le passager.
À l’occasion de ce périple de 1 200 km, j’ai maintenu une vitesse moyenne de 90 km/h tout en faisant deux arrêts repas et une pause photo dans les Mille Îles. Quand je suis arrivé à la maison, en fin de soirée, j’étais frais et dispos et j’aurais pu rouler un peu plus, voire compléter un Iron Butt (1 600 km en 24 heures).
… ou rouler à l’Européenne?
Parcourir de longues distances sur les voies rapides, c’est bien quand on est pressé par le temps. Sinon, je préfère nettement rouler à l’Européenne, c’est-à-dire rapidement, par les routes secondaires, de préférence sinueuses. Mes autres sorties ont donc été plus courtes, mais très enthousiasmantes quand même. Dans ce type d’environnement, la KTM 1290 Super Adventure est parfaitement à l’aise. C’est même là qu’elle brille. Facile à prendre en main malgré son gabarit imposant, elle favorise une conduite sportive — difficile de renier son héritage génétique — récompensant son pilote par une tenue de route impériale et des performances inattendues de la part d’une grosse aventurière.
Relativement souple, le V-Twin de la Super Adventure reprend sans broncher dès 3000 tr/min. Bien que sa puissance soit amputée de 20 chevaux par rapport au V2 du roadster, il conserve le caractère fougueux et rebelle de ce dernier. En bas de 6500 tr/min, il est docile, même s’il fait étalage d’un couple élevé de 103,2 lb-pi à 6750 tr/min et offre une poussée impressionnante. Les accélérations sont franches et le moteur fait preuve d’une faible inertie, montant rapidement dans les tours. Puis, passé ce cap, le V2 autrichien explose, tirant sans faillir jusqu’au rupteur. Il suffit de rester dans sa bande de puissance, soit entre 6000 et 10000 tr/min pour atteindre le nirvana version moto. Quelle santé! En comparaison, le Boxer de la BMW semble presque anémique, ce qui est un comble.
L’injection et le Ride-by-Wire sont bien contrôlés par la centrale électronique sophistiquée qui équipe la KTM et ne génèrent aucun à-coup ni aucun trou à l’accélération. C’est nickel! Moins castratrice que sur la SuperDuke, l’électronique propose quatre modes de conduite (Sport, Street, Rain et Off-Road) qui agissent sur les réglages des suspensions électroniques semi-actives. L’antipatinage qui se montrait trop interventionniste sur la 1290 SuperDuke est mieux ajusté et est débrayable, dans tous les modes de conduite.
Sur l’ordinateur de bord, on retrouve également un système de contrôle de la pression des pneus TPMS, (Tyre Pressure Monitoring Système), un dispositif de régulation MSR (Motor Slip Regulation) qui complète l’embrayage antidribble et un système de démarrage en côte HHC (Hill Hold Control) qui maintient le frein avant engagé pendant cinq secondes. Néanmoins, on regrette que trop de réglages (en particulier la remise à zéro des compteurs kilométriques partiels) se retrouvent regroupés dans l’ordinateur de bord qui affiche trop d’écrans et dont les menus sont compliqués à maîtriser. KTM aurait intérêt à simplifier ses menus afin de rendre sa centrale électronique plus ergonomique et plus conviviale.
Le châssis s’articule autour de l’excellent cadre treillis en tubes d’acier iconique de la marque. Partagé par toutes les motos de la gamme Adventure, il s’avère à la fois rigide et intègre. Il renvoie un maximum d’informations au pilote qui se sent en contrôle de la situation en tout temps. Le train avant, avec sa roue de 19 pouces, est affûté et permet de piloter à un rythme très soutenu faisant passer la grosse aventurière pour une sportive. Il suffit d’une poussée sur le large guidon tubulaire Renthal pour inscrire la 1290 Super Adventure en courbe. Une fois placée sur l’angle, elle conserve sa trajectoire et ne bouge pas d’un poil. Malgré son poids conséquent, elle se montre vive et maniable. À son guidon, on se régale aussi bien dans les virages serrés que dans les épingles et les grandes courbes rapides où la machine semble posée sur un rail. Très réactive, la partie cycle est joueuse et permet d’improviser selon les circonstances et notre humeur. Les suspensions semi-actives WP participent à cette tenue de route impériale et s’avèrent un atout certain pour l’Autrichienne, lui permettant de rouler très vite, en toute sécurité et en tout confort.
Les magnifiques jantes à rayons sont chaussées en première monte de pneus Continental Conti Trail Attack II tubeless. Ils procurent une bonne adhérence, renforcent l’agilité de la KTM et facilitent les transitions. Ces gommes mixtes route/sentier sont tout simplement superbes. Personnellement, je les adore.
Le système de freinage est confié à deux disques de 320 mm pincés par des étriers Brembo à quatre pistons radiaux à l’avant. À l’arrière, on retrouve un simple disque de 267 mm avec étrier double piston. L’ABS combiné Bosch 9ME est livré de série. Il est actif en virage et offre un mode hors route débrayable. Puissant, progressif et combiné, il constitue un des points forts de la KTM. L’ABS est transparent dans son action et permet de poursuivre le freinage en courbe, sans que la machine cherche à se relever.
Des équipements complets et une qualité de fabrication soignée
Comme toute aventurière haut de gamme qui se respecte, la 1290 Super Adventure est richement dotée. Elle reçoit, de série, des feux DEL de chaque côté du carénage, qui éclairent l’intérieur du virage lorsque la moto s’incline, un régulateur de vitesse, une prise accessoire 12V, des protège-mains, des protections moteur tubulaires, un pare-brise réglable manuellement en hauteur, des poignées et des sièges chauffants réglables indépendamment (pilote/passager), sur deux niveaux, une prise de maintien pour le passager, un porte-paquet, un support de valises intégré, des repose-pieds pilote réglables et une béquille centrale. Le guidon s’ajuste d’avant en arrière, alors que l’éloignement des leviers de frein et d’embrayage se règle sur plusieurs crans. Par ailleurs, une liste exhaustive d’équipements et d’accessoires optionnels (sacoches, top case, sac de réservoir, sac de queue, bagages étanches, bulles de différentes grandeurs, GPS, porte paquets, etc.) est proposée au catalogue de la marque.
Quant à la qualité de fabrication, elle est tout simplement inattaquable. La peinture au coloris blanc/gris, avec accents orange et noir est à la fois discrète et classieuse, Elle met bien en valeur la KTM.
Une voyageuse luxueuse
Véritable alternative à la BMW R1200GSA qui reste une référence dans le créneau, la KTM 1290 Super Adventure est une baroudeuse chic, une grande voyageuse pour les gens riches et célèbres. Une moto qui sent bon l’aventure. C’est l’outil idéal pour se pavaner à Monaco, St-Tropez ou Deauville, mais surtout pour voyager en première classe, en solo comme en duo, avec armes et bagages. Une machine qui, fidèle à son ADN, est également à l’aise en sentiers. Superlative, l’Autrichienne propose un comportement plus sportif que l’Allemande. Il s’agit d’une moto équilibrée, performante et diablement séduisante. Le genre de moto qui ne restera pas longtemps à rien faire dans le garage de ses propriétaires. La KTM est faite pour avaler des kilomètres rapidement, en tout confort et avec un degré de sophistication élevé. Les grincheux lui reprocheront sa transmission par chaîne (laquelle fonctionne pourtant parfaitement), son gabarit impressionnant et son tarif élevé, mais en dehors de cela, il est difficile de trouver à redire. D’autant que la 1290 Super Adventure est agile et affûtée. Et super agréable à piloter sur routes sinueuses ou sur autoroute.
Fiche technique
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids en ordre de marche : 249 kg
- Hauteur de selle : 860/875 mm
- Capacité essence : 30 L
- Consommation : 5,8 L/100
- Autonomie : 517 km
- Durée de l’essai : environ 1 500 km
- Coloris : blanc/gris
- Prix : 22 995 $
MOTEUR
- Moteur : bicylindre en V ouvert à 75 degrés, 4-temps, refroidissement liquide
- Distribution : DACT entraîné par chaîne, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 160 ch à 8 750 tr/min
- Couple : 103,2 lb-pi à 6 750 tr/min
- Cylindrée : 1 301 cc
- Alésage x course : 108 x 71 mm
- Rapport volumétrique : 12,5:1
- Alimentation : Injection électronique, 2 corps de 52 mm
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée WP semi-active, tubes de 48 mm; monoamortisseur WP semi-actif.
- Empattement : 1 560 mm
- Chasse/Déport : 26 degrés/120 mm
- Freins : 2 disques de 320 mm et étriers Brembo 4 pistons radiaux à l’avant; simple disque de 267 mm avec étrier double piston à l’arrière. ABS combiné Bosch 9ME de série. Inclut l’ABS en virage et un mode hors route débrayable.
- Pneus : Continental Conti Trail Attack II
- 120/70-19 à l’avant
- 170/60-17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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Seconde opinion
N’est pas une GSA qui veut
Mon essai de la KTM1290 a été court, mais néanmoins suffisant pour dresser un portrait comparatif avec ma GSA 2014. Si dans les petits pots les meilleurs onguents, les 90 cc supplémentaires que développe le moteur de la KTM sont un baume qui fera s’accrocher un sourire à votre visage à chaque coup de poignet. Cette fois, les 160 chevaux sont tous là, contrairement aux 150 ch de la 1190, qui m’avait parue faiblarde lors de petites bourres amicales avec une R1200GS 2013.
J’ai particulièrement ressenti la faible inertie du moteur à la coupure des gaz. Je m’attendais à ce qu’un gros V2 de cet acabit possède un frein moteur important et nous fasse décélérer en douceur, sans avoir à toucher aux freins. Or, il n’en est rien. Quand on ralentit, la moto continue à filer comme si on était assis sur un quatre cylindres, ce qui m’a surpris un peu au début du trajet.
Côté ergonomie, la KTM pêche face à la BMW. Le guidon est trop bas et trop éloigné du pilote, ce qui le force à adopter une position penchée vers l’avant pour ne pas avoir les coudes droits et bloqués, induisant de ce fait de la fatigue au niveau des épaules et du dos. Le pare-brise est perfectible, mais je peux concevoir qu’il constitue une amélioration par rapport aux modèles KTM Adventure précédents. À part le fait qu’on doive naviguer dans les menus et réglages tel un marin d’eau douce saoul dans une marina bondée, les commodos s’acquittent bien de leur mission, même s’ils ont une allure un peu archaïque.
Sur la moto que j’ai essayée, l’affaissement de la suspension n’était pas bien réglé pour moi; l’arrière s’enfonçait trop alors que l’avant ne bougeait pas d’un poil. Les changements apportés aux réglages de la suspension électronique n’ont rien changé, cependant la tenue de route n’a pas semblé en être affectée lors de ma balade à un rythme détendu. La meilleure utilité du système hill climb assist se manifeste lorsqu’on stationne la moto dans une pente et que la moto est inclinée vers l’avant. On peut alors tirer la moto vers l’arrière et une fois la suspension étirée et la moto inclinée, le système va tout bloquer en position, garantissant qu’une simple brise ne viendra pas faire basculer la moto.
La nouvelle KTM 1290 est une bonne machine. Les amateurs de puissance pourront s’en donner à cœur joie alors que les baroudeurs ajouteront quelques accessoires pour agrémenter le confort sur de longs trajets.
Dave Beaudoin
Propriétaire d’une BMW R1200GS Adventure 2014 et ex-propriétaire d’une BMW R1200GS 2009