Le roadster allemand réinventé
Publié le 8 décembre 2014
La semaine dernière, notre collaborateur Costa Mouzouris a eu la chance de participer au lancement de presse de la nouvelle BMW R1200R, un modèle qui rompt avec les lignes classiques du roadster créé au début des années 90.
Texte: Costa Mouzouris — Photos: Alberto Martinez, Arnold Debus, Daniel Kraus, Joerg Kuenstle
BMW produit des bicylindres opposés depuis 1923 et l’an dernier, la firme bavaroise a commémoré la sortie de la R32, sa première moto, en présentant la R nineT, une machine au look rétro qui s’est avérée très populaire et dont vous pouvez retrouver l’essai intégral ici.
BMW qui fabrique désormais des monocylindres, des bicylindres parallèles, des quatre cylindres en ligne et des six cylindres en ligne n’en a pour autant pas fini avec le moteur Boxer, autrement dit le bicylindre à plat. Depuis 2013, le constructeur bavarois a présenté quatre nouveaux modèles «R», incluant la nineT et en lance deux autres cette année, soit la R1200R que j’ai eu la chance de piloter à Alicante, en Espagne et la R1200RS qui sera présentée plus tard.
Un roadster dépoussiéré
En 1992, BMW lance la R100R. Il s’agit de la première moto de la marque bénéficiant de l’appellation «roadster», une standard dont les lignes et le flat-twin refroidi à l’air ont été repris par tous ses successeurs jusqu’à aujourd’hui. Le modèle 2015 rompt avec cette tradition en adoptant un look dépoussiéré et rajeuni ainsi que le nouveau bicylindre refroidi au liquide inauguré en 2013 sur la R1200GS et repris l’an dernier par les R1200RT et R1200GS Adventure. En 2015, la R1200R, et sa cousine germaine, la R1200RS, adoptent ce moteur moderne, la nineT restant la dernière BMW utilisant le Boxer original refroidi à l’air. Si vous êtes un traditionaliste, un inconditionnel de ce bloc, courez acheter une nineT au plus vite, avant que le modèle ne soit plus commercialisé.
Tous les modèles précités, à l’exception de la nineT, utilisent une version très proche du bicylindre à plat refroidi au liquide dont les différences se situent au niveau du filtre à air et de l’échappement lesquelles dictent des réglages distincts. Il développe une puissance de 125 chevaux pour un couple de 92 lb-pi, mais est ajusté pour produire plus de couple à bas régime sur la R1200R.
La plus grosse surprise vient du tout nouveau châssis basé autour d’un cadre treillis tubulaire en acier qui expose le moteur à la vue de tous et est rattaché à une magnifique fourche inversée, laquelle remplace le Telelever iconique des motos de la marque à l’hélice. Ce renoncement à une technologie propre à BMW et présentée comme révolutionnaire à sa sortie, a été l’un des sujets de discussion favoris des journalistes présents au lancement.
Interrogés sur les raisons de ce choix, les responsables techniques de la marque en ont évoqué plusieurs, dont un meilleur comportement dynamique et une rétroaction plus nette, sans oublier une allure plus en adéquation avec le style roadster tel que défini aujourd’hui. Le recours à une fourche télescopique libère également de l’espace pour loger le radiateur central — un Telelever aurait imposé l’utilisation de deux radiateurs latéraux — et fludifie l’allure. Malgré l’adoption d’une fourche inversée sur les roadsters, BMW nous a confirmé ne pas avoir abandonné le Telelever qui continuera sa carrière sur les GS/GSA et la RT, ainsi que sur les modèles K1600.
Le châssis adopte une géométrie de direction adoucie et un empattement légèrement plus long que celui de la nineT, ce qui change le comportement de la R1200R par rapport au modèle Rétro.
Le dernier Boxer est équipé d’une électronique dernier cri, incluant un système de contrôle de la stabilité, un antipatinage dynamique avec capteurs d’angle d’inclinaison, différents modes de pilotage, le contrôle électronique des suspensions ESA et un shifter électronique évolué qui permet de passer les rapports sans recourir à l’embrayage, même pour rétrograder. Sans oublier, bien entendu, un système de freinage ABS Intégral débrayable.
De l’allure et du caractère
À notre arrivée à Alicante, nos hôtes étaient heureux de nous dire qu’il ne pleuvait que trois jours par année dans cette région. Hélas pour nous, le sud de l’Espagne a connu des températures inhabituelles dernièrement. Alors qu’il fait statistiquement chaud et sec en cette période de l’année, nous avons eu droit à des températures froides, sous les 10 degrés, et à de la pluie!
Le dernier roadster BMW que j’ai piloté était la nineT, une machine bien différente à maints égards. Alors que vous êtes assis SUR la nineT, dans une pose typique des motos classiques, vous avez l’impression d’être assis DANS la R1200R, même avec la selle haute optionnelle. De plus, le guidon tubulaire est plus étroit et vous voyez plus le devant de la moto.
Avec la selle d’origine non ajustable qui culmine à 790 mm du sol, la position de conduite est détendue et droite. Cependant, vous pouvez la remplacer par une des trois selles optionnelles (760 mm, 820 mm, 840 mm), à la commande de votre moto. La moto que je pilotais était pourvue d’une selle Sport (820 mm) qui me donnait plus de place pour détendre mes jambes.
Le nouveau tableau de bord affiche une forme de clef. Il comporte un large compteur de vitesse circulaire situé à gauche et un écran à matrice active de forme rectangulaire qui s’étend sur la droite et au bout duquel sont situés les réglages des modes de pilotage (Rain, Road, Dynamic) et de l’ESA, les compteurs kilométriques, l’indicateur de rapport engagé, la jauge à essence et le thermomètre.
Ma moto d’essai était richement équipée et incluait l’option «phare Pro» qui se distingue par un éclairage diurne à diodes électro-luminescentes (DEL) ainsi qu’un système de démarrage et un bouchon de réservoir qui fonctionnent sans clef, une première sur une moto en ce qui concerne la deuxième option. Pour ouvrir le bouchon de réservoir, il suffit d’appuyer dessus après avoir coupé le moteur, en prenant soin de garder le transpondeur proche à défaut de quoi le bouchon restera fermé. Le boîtier inclut une clef physique pour débloquer le siège.
En démarrant, j’ai immédiatement remarqué une autre différence avec la nineT: la sonorité de l’échappement. Bien que l’échappement de la R1200R émette une sonorité riche et profonde, celle-ci est légèrement étouffée par rapport à celle de la nineT.
Comme il pleuvait lors de cette prise de contact, j’ai sélectionné le mode «Rain» qui adoucit la courbe de puissance du moteur et accroît l’intervention de l’antipatinage. J’ai également réglé l’ESA en mode «Road» (plus doux que «Dynamic») ce qui m’a procuré un amortissement ferme, mais nettement plus souple que celui de la nineT, lequel correspond grosso modo au réglage «Dynamic» de la R1200R.
Ma moto disposait également du sélecteur de vitesse électronique que j’ai déjà essayé auparavant sur d’autres BMW. Bien qu’il soit très efficace à haut régime, se montrant aussi précis en montant les rapports qu’en rétrogradant, il manque un peu de douceur bas dans les tours. Cependant, on s’y fait rapidement au point où il devient vite indispensable.
La moto tire avec vigueur dès les bas régimes, avec une réponse très douce à l’accélérateur typique des Boxers de dernière génération et une montée rapide dans les tours à l’accélération. Le mode de pilotage «Dynamic» transforme le caractère du moteur qui procure alors des accélérations vigoureuses dès le ralenti, mais sans aucune brusquerie. Le bicylindre à plat aime révolutionner haut dans les tours et tire de façon solide et linéaire jusqu’à la zone rouge située à 9000 tr/min, même s’il n’est pas nécessaire de tirer les rapports jusque là en raison du couple omniprésent à bas et moyen régimes.
Si on fait exception de quelques vibrations légères, le moteur à contrebalancier est doux sur toute la plage de régimes. Sur chaussée humide, en mode «Dynamic», la R1200R est aussi facile à contrôler qu’en mode «Rain», un comportement qui démontre la large plage d’utilisation du Boxer et sa douceur.
La direction est légère et neutre. La géométrie adoucie de la R1200R contribue à la stabilité de la moto qui semble bien plantée et plus stable que la nineT. En raison de sa fourche inversée, la moto plonge désormais légèrement au freinage, ce qui a pour avantage de réduire le rayon en virage tout en permettant d’appliquer moins d’effort sur le guidon que sur les machines équipées du Telelever.
Avec son réservoir de 18 litres, la R1200R peut effectuer de longs parcours sans devoir arrêter à tout bout de champ pour faire le plein. En raison de sa consommation moyenne relativement basse, on peut parcourir environ 380 km sur un plein, ce qui est dans la bonne moyenne pour une moto aux prétentions routières. À ce sujet, de nombreux accessoires optionnels (valises latérales, coffre arrière, sac de réservoir, pare-brise, etc.) permettent de transformer la R1200R en routière sportive efficace.
Une moto aboutie
En dehors de son prix, la nouvelle R1200R n’a rien à voir avec son aïeule. En effet, le modèle de base se détaille 16050$, soit le même prix que la version 2014. Elle est offerte en trois styles distincts; de base (peinture bleue et cadre noir), Style 1 (peinture blanche avec graphiques sur le réservoir, cadre rouge racing, étriers de frein anodisés or, mini saute-vent, sabot moteur et protection de réservoir en acier inoxydable pour 540$ d’extra) et Style 2, ma préférée (peinture noire et cadre gris anthracite, étriers de frein anodisés or et protection de réservoir en acier inoxydable pour 385$ de plus). La version de base est vendue 150$ de moins que la nineT et propose l’antipatinage et les poignées chauffantes de série à ce tarif, deux options absentes sur la nineT. Cependant, je demeure ambivalent et je n’arrive pas à savoir laquelle des deux «R» je préfère. La R1200R est, selon BMW, le Boxer le plus performant jamais construit par la compagnie, mais la nineT, même si elle est moins sophistiquée, est plus viscérale à piloter, ce qui explique son succès. En 2014, elle est devenue la quatrième moto la plus vendue de BMW. Pas mal pour une standard!
Si vous êtes attirés par un roadster BMW, la R1200R est certainement l’option la plus intéressante. Elle offre un champ d’utilisation plus large, une ergonomie plus accueillante, un potentiel routier plus étendu et un confort accru. Mais si l’émotion et l’impulsion guident votre choix, vous préférerez certainement la nineT… la passion a ses raisons que la raison ignore!
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits : 222 kg
- Hauteur de selle : 790 mm
- Capacité essence : 18 litres
- Consommation : non mesurée
- Autonomie : non mesurée
- Durée de l’essai: 120 km
- Prix : 16050$ (modèle de base), 16590$ (Style 1), 16435$ (Style 2)
- Coloris : bleu, blanc, noir
MOTEUR
- Moteur : bicylindre à plat (Boxer) 4-temps refroidi au liquide, DACT, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 125 ch à 7 750 tr/min
- Couple : 92 lb-pi à 6 500 tr/min
- Cylindrée : 1 170 cc
- Alésage x course : 101 x 73 mm
- Rapport volumétrique: 12,5:1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : 6 rapports
- Entraînement : par cardan
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée à poteaux de 45 mm, non ajustable; monoamortisseur ajustable en détente jumelé à un monobras Paralever. Suspension électronique ESA proposée en option.
- Empattement : 1 515 mm
- Chasse/Déport : 27,7°/125,6 mm
- Freins :
AV — double disque de 320 mm pincé par des étriers radiaux à 4 pistons
AR — monodisque de 276 mm avec étrier double piston. ABS de série (partiellement intégral, déconnectable) - Pneus : Metzeler Z8 Interact
120/70ZR17 à l’avant
180/55ZR17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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