L'aventurière discrète
Publié le 5 décembre 2014
En août dernier, j'ai profité de l'essai de la nouvelle Suzuki DL1000 V-Strom 1000 SE pour revisiter certains coins du Québec que j'aime particulièrement et j'ai été charmé par l'aventurière d'Hamamatsu dont le nez*, comme celui de Cléopatre, a changé la face du monde.
Photos : Dave Beaudoin, Didier Constant et Suzuki
Si j’avais les ailes d’un ange…
En arrivant au stationnement du Musée de la Civilisation à Québec, je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire à ma femme qui semble aussi ravie que moi de notre balade. Partis tôt le matin de Montréal pour une escapade en amoureux de quelques jours, nous faisons un premier arrêt à Québec, pour la journée. Québec est une belle ville que nous adorons visiter, même si nous y sommes allés souvent. Nous sommes à la mi-août. Il fait une température idéale et c’est le début de nos vacances. Mais ce qui nous met tant de bonne humeur en cette radieuse journée, c’est la monture qui nous accompagne pour ce périple. Une Suzuki DL1000 V-Strom SE ABS flambant neuve équipée de ses valises assorties.
Depuis sa sortie en 2002, la routière de Suzuki a toujours été une de mes compagnes de voyage favorites. Efficace, sobre et sans autres prétentions que de vous permettre de voyager loin et longtemps en tout confort, la DL 1000 est une excellente moto offerte à un prix très concurrentiel. Elle ne cherche pas à faire de l’esbroufe ni à dominer le créneau des routières d’aventure, contrairement aux Honda Crosstourer, Yamaha Super Ténéré, Ducati Multistrada ou Triumph Tiger Explorer. Elle ne veut pas non plus rivaliser avec la BMW R1200GS sachant très bien que son rôle est tout autre. D’ailleurs, tout le monde ne veut pas forcément piloter une GS ou ne peut pas s’en payer une le cas échéant. Cependant, la Suzuki offre un package solide à une fraction du prix de la BMW (11999$ contre 18850$ pour le modèle de base). Et cela avec beaucoup d’équipements similaires (ABS, antipatinage, bulle ajustable manuellement, prise 12 volts, ordinateur de bord, leviers réglables). En revanche, la V-Strom opte pour une transmission par chaîne tandis que la GS possède un cardan fiable et sans entretien. Enfin, elle s’avère plus accessible que la BMW d’un point de vue dynamique et moins intimidante à piloter, ce que de nombreux motocyclistes apprécieront.
Toujours est-il que la première étape de notre voyage s’est déroulée comme un charme. Après 300 km d’un parcours mixte mêlant autoroute et routes secondaires, je suis séduit par la nouvelle V-Strom. Je retrouve les qualités qui avaient fait la réputation de sa devancière et, même si j’ai l’impression d’être en terrain connu à son guidon, de subtiles différences me font apprécier la nouvelle mouture de l’aventurière de Suzuki.
En dehors de son changement de look, lequel a fait couler beaucoup d’encre, elle est plus polyvalente que son aïeule et s’est améliorée à plusieurs niveaux, se montrant même à l’aise en hors route, particulièrement dans les sentiers larges et rapides, ce qui n’était pas le cas de sa devancière. Ses suspensions maintenant réglables dans tous les sens lui permettent de briller dans un large éventail de conditions, mais surtout de s’avérer une excellente routière. De plus, son pare-brise réglable en hauteur et en inclinaison est enfin efficace à défaut d’être parfait.
L’atout de la simplicité et du prix
Au début de l’année, notre collaborateur Costa Mouzouris a participé au lancement officiel de la V-Strom 1000 en Espagne duquel il était revenu enchanté (n’hésitez pas à relire son article pour découvrir tous les changements apportés à cette machine par Suzuki). À l’occasion de cette prise de contact, il disait avoir été agréablement surpris par le confort de la V-Strom, mais aussi par l’intégrité de sa partie cycle. Costa s’étonnait surtout qu’une moto aussi simple et si peu chère puisse proposer une expérience de conduite si valorisante.
Vue ici sous un angle plutôt positif, la simplicité est la qualité principale de l’aventurière d’Hamamatsu qui s’offre à son propriétaire sans arrière-pensée et sans options aussi coûteuses que nombreuses. Cette simplicité est en plus synonyme de facilité de pilotage, mais aussi d’économie. La Suzuki V-Strom 1000 est en effet l’aventurière la moins chère de sa catégorie et représente un excellent achat. Proposée à 11999$ en version de base, elle constitue une véritable aubaine. Et la version SE, vendue 1000$ de plus, est encore plus attrayante. Pour ce prix, elle est équipée de protège-mains, de sacoches rigides (55 litres de capacité totale), d’un arceau protège-moteur et d’une béquille centrale. Suzuki commercialise également un top case de 35 litres, un sac de réservoir, un pare-brise plus grand, des poignées chauffantes, un sabot moteur, des clignotants DEL, un support GPS, des ampoules HID et différentes protections dans son catalogue d’accessoires.
Cette simplicité passe par l’absence de modes de conduite paramétrables, l’arsenal électronique de la V-Strom se limitant à un antipatinage débrayable réglable sur deux niveaux et à un système de freinage ABS non débrayable et dépourvu de réglages. L’ajustement de l’antipatinage s’effectue facilement, en roulant, mais il faut couper les gaz pour valider votre sélection.
C’est au fil des kilomètres que la Suzuki se laisse apprécier
Après une journée magnifique à Québec, nous avons poursuivi notre escapade romantique dans Charlevoix et au Lac Saint-Jean, avant de rejoindre Tadoussac. Des coins du Québec que nous connaissons comme le fond de notre poche, mais que nous avons toujours plaisir à revisiter. Sur la route 138 qui nous mène jusqu’à Baie Saint-Paul, la DL1000 fait étalage de ses capacités routières bonifiées. Le moteur qui serait plus puissant et coupleux qu’auparavant, selon Suzuki, est surtout beaucoup plus doux et exempt de vibrations, même à des vitesses élevées. Très souple, il tire avec force dès le ralenti. Il reprend à partir de 1500 tr/min, sans broncher, même sur les trois derniers rapports. Bien rempli entre 3000 et 6500 tr/min, il offre un couple élevé et se montre très linéaire par la suite. Il flirte sans problème avec la zone rouge qui débute à 9250 tr/min pour atteindre une vitesse de pointe d’environ 220 km au compteur. Les accélérations sont franches et sont plus efficaces quand on passe les rapports dès les mi-régimes, soit avant 7500 tr/min, sans les étirer jusqu’à la zone rouge. Le V2 à 90 degrés de la Suzuki ne démontre pas autant d’allonge que le flat-twin liquide de la BMW, mais s’avère néanmoins très agréable à l’usage, en mode tourisme. D’autant que l’injection est bien maîtrisée. Il n’y a que lourdement chargé, en duo, que le moteur en arrachait un peu au passage des Caps de Charlevoix. Il convenait alors de rétrograder pour bénéficier d’une bonne accélération.
L’embrayage hydraulique manque un peu de progressivité et offre un point de friction tardif. Heureusement, la boîte de vitesse est sans reproches.
Sur route rapide, la protection contre le vent est bonne, ce qui constitue une amélioration notable par rapport à l’ancienne V-Strom. La bulle de carénage ajustable en inclinaison et en hauteur protège adéquatement le buste et les épaules du pilote, sans créer de turbulences excessives à des vitesses raisonnables, c’est-à-dire en bas de 140 km/h. Le flux d’air est alors dévié vers le haut du casque (pour un pilote de 1,77 m). Pour relever cette bulle, il faut utiliser un tournevis alors que pour changer son inclinaison, il suffit de pousser ou de tirer dessus.
Une véritable moto de tourisme-aventure
À la sortie de Baie-Saint-Paul, nous avons emprunté la route 381 qui mène à La Baie en traversant le Parc national des Grands-Jardins. Au nord de St-Urbain, cette route sinueuse qui parcourt les monts de la région devient désertique par endroits et sillonne des décors sauvages d’une beauté majestueuse. Dans ce parc densément boisé, refuge des pêcheurs et autres randonneurs, les lacs abondent. On est en pleine taïga. Pour un peu, on se croirait dans le Grand Nord sauvage. Puis, après une centaine de kilomètres, nous arrivons à la Baie que nous traversons sans nous y arrêter, poursuivant notre chemin par la route 170 qui longe la rive sud du fjord du Saguenay jusqu’à Saint-Siméon d’où nous rallierons Tadoussac.
Sur cette portion de notre itinéaire, la V-Strom s’avère efficace autant que confortable. Sa position de conduite est détendue, le dos droit, les bras et les jambes légèrement repliés. Le guidon a été reculé de 34 mm et les repose-pieds de 15 mm. La distance réservoir/selle a été réduite pour faciliter la conduite debout. La selle plus étroite culmine à 850 mm en position normale et offre plus de place pour les fesses. Abondemment rembourrée, elle se montre confortable en toute occasion. Son revêtement texturé antidérapant permet de bien rester en place, particulièrement pour le passager qui ne glisse plus à chaque accélération soutenue ou à chaque freinage appuyé. De plus, ce dernier bénéficie d’une position plus détendue et de larges poignées de maintien.
Le confort est amplifié par la qualité des suspensions entièrement ajustables qui offrent un excellent compromis confort/rigueur. Sur la V-Strom 2014, Suzuki a installé des éléments de qualité. À l’avant, on retrouve une fourche inversée Kayaba de 43 mm de diamètre, réglable en compression, en détente et en précontrainte alors qu’à l’arrière, un combiné Showa, également réglable dans tous les sens, se charge de l’amortissement. Le transfert de masses à l’accélération et au freinage est bien contrôlé et l’hydraulique fait des miracles permettant au pilote d’adopter un rythme de pilotage sportif sans risque aucun.
Le freinage est lui aussi à la hauteur de la tâche, c’est-à-dire puissant, progressif et modulable. Digne d’une moto Supersport. Les deux gros disques avant de 310 mm de diamètre sont pincés par des étriers Tokico à quatre pistons. À l’arrière, le simple disque de 260 mm de diamètre est mordu par un étrier Nissin à deux pistons. Le freinage est complété par un système ABS Bosch. Même lorsque la Suzuki est lourdement chargée et évolue à haute vitesse, les freins se montrent puissants, faisant preuve d’un mordant étonnant. Ce qui ne les empêche pas d’être facilement dosables. L’ABS est relativement transparent et n’affecte pas la conduite négativement. En conduite sportive, la DL1000 se permet de rentrer en courbe sur les freins, mais l’avant vérouille légèrement si on attrape le levier sur l’angle, forçant la moto à se redresser.
Avec sa partie cycle rigide et homogène, la V-Strom est dotée d’une excellente tenue de route. Stable en ligne droite, elle ne bouge pas d’un poil dans les grandes courbes négociées à haute vitesse et brille dans les courbes serrées où sa maniabilité et son agilité lui permettent de changer d’angle rapidement et avec précision, sans effort. La garde au sol est suffisante et il faut vraiment attaquer fort pour faire frotter les ergots des repose-pieds.
L’équipement de la version SE dont je disposais permet de partir quelques jours à l’aventure, en couple. Les valises de 55 litres de capacité sont logeables en plus d’être étanches. Elles s’installent et s’enlèvent en un clin d’œil. Elles sont complétées par un porte-paquet pratique sur lequel j’avais amarré un sac marin qui contenait nos vêtements, les gardant parfaitement à l’abri et facilement accessibles. Suzuki offre une longue liste d’accessoires optionnels qui complètent à merveille le potentiel touristique de la V-Strom. Enfin, grâce à la pratique prise 12 volts de série, je pouvais utiliser mon GPS ou recharger mon iPod.
Un bilan plus que flatteur
Le matin du troisième jour, nous avons traversé le fleuve à Saint-Siméon afin de rallier Rivière-du-Loup et rentrer à Montréal par la Rive-Sud. Nous avons profité de l’occasion pour flâner en route, faire des haltes à Kamouraska et à Saint-Jean-Port-Joli avant d’emprunter l’autoroute 20 à la sortie de Lévis, question de rentrer rapidement à la maison pour le souper.
Après environ 900 km de routes diverses en trois jours, ma femme et moi avons convenu que la Suzuki était une excellente monture de tourisme d’aventure. Si j’avais eu une autorisation pour traverser la frontière américaine avec la V-Strom, nous serions allés à New York avec elle, tellement elle s’est montrée efficace et agréable à piloter.
Offerte à un prix qui défie toute concurrence, compte tenu de son niveau d’équipement, la Suzuki DL1000 V-Strom SE ABS est une très bonne moto, sans défauts majeurs, polyvalente et performante. Elle perpétue la tradition d’excellence de sa devancière tout en conservant un équilibre parfait entre confort et sportivité. Et ça, sans succomber au chant des sirènes de l’électronique. Ce qui est de plus en plus rare…
*NOTE
Ceux d’entre vous qui sont assez vieux pour avoir vu de leurs yeux la Suzuki DR 750S de 1988 (photo ci-dessus), aussi appelée DR Big, se souviendront que Suzuki est la première compagnie à avoir équiper sa moto d’aventure d’un nez/garde-boue proéminent, un appendice rappelant un bec d’oiseau repris ensuite par plusieurs compagnies dont BMW (R1200GS) et Ducati (Multistrada 1200). Que Suzuki reprenne aujourd’hui cet élément à son compte et l’intègre à sa nouvelle V-Strom 1000 n’est qu’un juste retour des choses.
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits: 228 kg
- Hauteur de selle : 850 mm
- Capacité essence : 20 L
- Consommation : 6,2 L/100 km
- Autonomie : 322 km
- Durée de l’essai: 1200 km
- Prix : 11 999$ (de base) — 12 999$ (SE)
MOTEUR
- Moteur : bicylindre en V ouvert à 90 degrés, 4-temps, double arbre à cames en tête, refroidi par eau, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 99 ch à 8 000 tr/min
- Couple : 75 lb-pi à 4 000 tr/min
- Cylindrée : 1 037 cc
- Alésage x course : 100 x 66 mm
- Rapport volumétrique: 11,3:1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Suspension : Fourche inversée Kayaba Ø 43 mm, réglable en compression, en détente et en précontrainte; monoamortisseur Showa, réglable en compression, en détente et en précontrainte.
- Empattement : 1 555 mm
- Chasse/déport : 25,30 degrés/109 mm
- Freins : deux disques avant Ø 310 mm avec étriers Tokico à 4 pistons; simple disque arrière Ø 260 mm avec étrier Nissin à 2 pistons; ABS Bosch.
- Pneus : Bridgestone BW501/502
110/80R19 à l’avant;
150/70R17 à l’arrière.
Verdict rapide
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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