Roadster ou sportive déguisée?
Publié le 9 octobre 2014
Dérivée de la sportive la plus évoluée et la plus puissante du moment, la S1000R se présente comme un roadster extrême performant capable de rivaliser avec les meilleures motos du marché. Pourtant, la BMW est facile à prendre en main et très équilibrée. Alors, cette S1000R? Simple roadster ou sportive déguisée?
Photos: Dave Beaudoin, Didier Constant et Pierre Desilets
Depuis la sortie de la BMW S1000R, deux questions me turlupinent. La S1000R peut-elle rivaliser avec les meilleures sportives du moment et que vaut-elle face à la KTM SuperDuke 1290R, le roadster le plus délinquant qu’il m’ait été donné de piloter à ce jour? Pour répondre à ces interrogations, j’ai emprunté une S1000R blanche, bardée de toutes les options, dont les suspensions électroniques semi-actives DDC (Dynamic Damping Control), quelques jours seulement après avoir testé la KTM. Ensuite, pour déterminer s’il s’agissait d’un roadster ou d’une sportive déguisée, je l’ai amenée à l’Autodrome St-Eustache par une belle journée d’été.
Notre collaborateur Costa Mouzouris a participé au lancement de presse international de la BMW en décembre dernier. Il nous a expliqué en détail la genèse de la S1000R dans un article complet, technique et très détaillé. Je ne reviendrais donc pas sur ces aspects puisqu’ils ont été abondamment couverts dans ce reportage que vous pouvez relire au besoin, pas plus que je ne m’étendrais sur les performances de la S1000R sur route, elles aussi abordées dans cette prise de contact. Je vais plutôt me concentrer sur son comportement sur piste, particulièrement sur la performance de son châssis et celle de son moteur, bien que ce ne soit pas un sujet d’inquiétude étant donné l’héritage génétique du moulin allemand.
Dompter le fauve
Avant de m’élancer en piste avec la S1000R, j’ai parcouru plusieurs centaines de kilomètres à son guidon sur les routes sinueuses des Laurentides afin de me familiariser avec le fauve. Dès les premiers tours de roue, ce qui m’a surpris c’est la facilité avec laquelle cette moto s’apprivoise. Il est impressionnant de voir à quel point les roadsters extrêmes modernes sont dociles pour des machines aussi puissantes. Dans le cas de la BMW, son quatre cylindres en ligne de 999 cc développe 160 ch, — à la conduite, on a l’impression que sa puissance est nettement plus élevée — et délivre un couple de 83 lb-pi. Les rapports de boîte sont identiques à ceux de la sportive RR, mais le rapport de transmission final est plus court, ce qui favorise les accélérations.
Souple, doux et hyper puissant, le bloc de la S1000R crache une puissance phénoménale passé 7 500 tr/min et tire sans faiblir jusqu’à 12 000 tr/min, soit au-delà de la zone rouge qui débute à 11 000 tr/min. Il procure des accélérations époustouflantes et des reprises incroyables. Dans la partie grasse de la bande de puissance, les chevaux arrivent au galop et la vitesse grimpe à toute allure. Vos bras s’allongent soudainement et le paysage se met à défiler à rebours. Vous prenez une grosse claque dans la gueule à chaque accélération soutenue. Spécialement si vous disposez du shifter électronique, comme c’était le cas sur notre moto d’essai. Le shifter permet en effet de passer les rapports sans couper les gaz et de ressentir intégralement toute la poussée du quatre en ligne. Le passage des vitesses s’accompagne alors d’une détonation jouissive. Avec ce shifter haut de gamme, on peut également rétrograder sans utiliser l’embrayage. Génial!
L’un des domaines dans lequel la BMW excelle, c’est celui de la gestion du moteur. Le roadster se montre docile à souhait quand on le désire, comme lorsque l’on évolue dans la circulation dense, et se mute en machine à sensations quand on sélectionne un des modes «Dynamic» (offerts seulement avec le Pack d’options Sport). La S1000R se transforme alors en moto délinquante qui fait grimper votre rythme cardiaque à toute vitesse. Si la BMW semble plus docile que la KTM à bas et moyen régimes, elle fait jeu égal au-delà de 7 500 tr/min. La principale différence entre les deux machines, outre la façon dont elles délivrent leur puissance, c’est au niveau des assistances électroniques. Autant elles sont intrusives sur l’Autrichienne, voire cause de frustration, autant elles sont transparentes sur l’Allemande (dans les modes «Dynamic» surtout), au point où on les oublie rapidement. Sur les deux roadsters, il est possible de désactiver l’ABS, l’antipatinage et l’anticabrage, mais sur la BMW il faut disposer du pack d’options «Sport» pour y parvenir.
À ce chapitre, la S1000R reprend l’ensemble des caractéristiques haut de gamme de la RR, à savoir un embrayage antidribble, un accélérateur électronique Ride-by-Wire, des modes paramétrables, un ABS course partiellement intégral, un contrôle de stabilité ASC (Automatic Stability Control), une suspension complètement ajustable et un amortisseur de direction. En option, on retrouve certaines caractéristiques pointues, comme l’antipatinage DTC (Dynamic Traction Control) et la suspension semi-active DDC (Dynamic Damping Control), ajustable électroniquement sur trois modes, «soft» (souple), «normal» et «hard» (dur).
Cette dernière brille surtout sur route, comme nous avons pu le constater sur notre moto d’essai qui en était équipée, et s’adapte automatiquement et instantanément à toutes les conditions de revêtement. Cette suspension semi-active plus molle que sur la sportive fait du bon boulot et absorbe bien les irrégularités de la chaussée. Elle contribue au confort général ressenti au guidon de la BMW, lequel n’est entamé que par la position de conduite relativement penchée vers l’avant en raison de l’éloignement du guidon qui induit un appui éxagéré sur les poignets pour un roadster. En ce qui a trait au confort, la KTM fait mieux. Sa selle est plus accueillante et sa position de conduite relevée plus efficace sur route.
Le freinage est très puissant et modulable. L’ABS paramétrable et débrayable est transparent, surtout dans les modes «Dynamic» ou «Dynamic Pro» et se fait presque oublier. Les deux étriers avant radiaux de marque Brembo offrent énormément de mordant et de contrôle et il faut pousser le système dans ses derniers retranchements pour que l’ABS se déclenche. Dans les modes «Rain» (pluie) ou «Road» (route), le système se montre plus interventionniste, mais c’est voulu.
L’épreuve de la piste
Même si la S1000R ne se destine pas à la piste (la RR est là pour ça), il s’agit d’une moto au fort potentiel sportif et ses propriétaires pourraient vouloir s’amuser occasionnellement sur circuit. C’est la raison qui nous a incités à nous rendre à l’Autodrome St-Eustache afin de tester ses aptitudes sportives, ce qu’on ne peut pas raisonnablement faire sur route.
Pour répondre à ceux qui penseraient que la S1000R n’a pas sa place sur un circuit, notons que ses concepteurs l’ont non seulement dotée de modes de pilotage Pro (en option, avec le Pack Sport), mais aussi d’un tableau de bord paramétrable qui offre plusieurs réglages spécifiques dédiés à une utilisation sur piste, ce qui témoigne bien de son caractère de sportive assumé. Le pilote peut par exemple le mettre en mode circuit et consulter des informations sur le tour actuel, le meilleur tour ou bien les derniers tours bouclés. Il peut même vérifier les pourcentages de freinage et d’accélération ou bien le nombre de passages de rapports par tour. En association avec le chronomètre infrarouge HP proposé dans la gamme des accessoires, il peut aussi prendre les chronos précis pour une analyse ultérieure. Un shift-light réglable dans une plage de régimes comprise entre 7 000 tr/min et 12 000 tr/min, permet au pilote de trouver facilement le régime optimal pour passer les rapports.
Après avoir effectué les principaux réglages pour rouler efficacement sur circuit (suspensions, pression des pneus, etc.), je me suis élancé pour quelques tours de réchauffement. Là encore, j’ai été surpris par la facilité avec laquelle la BMW se pilote. Dès les premiers tours, elle met son pilote en confiance et rassure par un comportement sain et rigoureux. Grâce à sa partie cycle affûtée, stable et précise, on se sent immédiatement à l’aise. D’autant que la position de conduite agressive favorise l’attaque.
Pourtant, quand on commence à rouler fort, le châssis bouge un peu. Rien d’alarmant cependant, mais on découvre là une des principales différences entre le roadster et la sportive. En effet, en raison de sa géométrie de direction adoucie, la R n’est pas aussi bien plantée que cette dernière. Son train avant est un poil léger et sa fourche plus souple plonge davantage au freinage. Du coup, l’avant se verrouille et la R cherche à se redresser au freinage, en virage. J’ai alors sélectionné le mode «Dynamic Pro», réglé l’ajustement de la suspension à «Hard» et la situation s’est améliorée. Ainsi ajustée, la moto s’est montrée plus stable et moins sensible aux impulsions du pilote, un phénomène typique des roadsters, amplifié par le large guidon.
Les Pirelli Diablo Rosso Corsa à gomme molle offrent énormément de grip une fois qu’ils ont atteint leur température optimale de fonctionnement. Ils permettent d’exploiter le potentiel sportif de la S1000R sans craindre pour sa sécurité.
Même chose au niveau du freinage Race-ABS que l’on peut ajuster aux petits oignons et qui se montre extrêmement performant en toute circonstance. Aussi efficace sur circuit que sur route, le freinage de la BMW est difficile à prendre en défaut.
Avec ses 160 chevaux et son couple généreux, le quatre cylindres en ligne de la S1000R offre une puissance étonnante, parfaitement exploitable sur piste. Même si celle-ci est inférieure d’une trentaine de chevaux à celle de la RR, le plaisir qu’on éprouve en piste n’est pas entamé. Dans sa zone de régimes optimale, soit entre 7 500 tr/min et 12 000 tr/min, le bloc allemand est explosif. Une véritable machine à sensations fortes. Il offre des accélérations hallucinantes. De plus, l’antipatinage paramétrable et débrayable contrôle parfaitement la transmission de la puissance à la roue arrière et on peut ouvrir les gaz en sortie de virage sans arrière pensée.
Cette puissance est accompagnée d’une sonorité virile qui s’amplifie au fur et à mesure que le moteur crache toute sa puissance, avec des retours de gaz à la décélération qui raviront les plus mélomanes d’entre vous. Ajoutez à cela la détonation produite par le shifter au passage des rapports et vous frôlez l’extase. En piste, la S1000R distille des sensations enivrantes dignes d’une authentique sportive. Tout dans son équipement et sa performance concourt à vous mettre dans un environnement sportif et à vous faire oublier que vous pilotez un roadster.
Un roadster superlatif
Personnellement, j’adore les roadsters et plus particulièrement ceux à vocation sportive (Aprilia Tuono V4, Honda CB1000R, Kawasaki Z1000, KTM SuperDuke 1290R, MV Agusta Brutale 1090RR, Triumph Speed Triple) car ils combinent les performances et l’efficacité des sportives à la polyvalence et au confort des routières. Mais surtout, ils ont un côté bestial, délinquant et sensuel qui vous prend aux tripes dès que vous les enfourchez. Sans oublier leur ligne virile et sexy à la fois. Auparavant nommés «Streetfighter», un nom qui décrit bien leur caractère, les roadsters extrêmes n’ont aujourd’hui plus rien à envier aux sportives, sur route à tout le moins. Avec leur moteur gavé de chevaux et de couple, leur partie cycle intègre et leurs pneus à gomme tendre, ils savent nous faire ressentir des sensations fortes et replonger dans un environnement sportif qui nous rappelle l’exubérance de notre jeunesse.
La S1000R ne fait pas exception à la règle. En fait, elle s’installe au sommet de la hiérarchie de la catégorie, avec la KTM. Équipée de ses suspensions semi-actives et de son shifter électronique, elle figure parmi les motos les plus électrisantes à piloter, sur route, mais aussi sur piste, tant que c’est pour s’y amuser et non pour claquer un chrono. La BMW est une authentique sportive dotée d’un guidon tubulaire large et relevé. Une moto aux performances époustouflantes, mais facile à prendre en main et éminemment docile au vu de sa puissance. Et il suffit de l’équiper de l’ensemble de bagages conçus spécifiquement pour elle pour la transformer en GT et partir à l’aventure. Personnellement, je suis prêt à partir n’importe où et n’importe quand à son guidon. Donnez-moi seulement le temps de recharger un peu ma carte de crédit…
FICHE TECHNIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids tous pleins faits: 207 kg
- Hauteur de selle : 814 mm
- Capacité essence : 17,5 L
- Consommation : Non mesurée
- Autonomie : Non mesurée
- Durée de l’essai: 300 km
- Prix : 14 700 $ (de base)
MOTEUR
- Moteur : 4-cylindres en ligne, 4-temps, double arbre à cames en tête, refroidi par eau, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 160 ch à 11 000 tr/min
- Couple : 82,60 lb-pi à 9 250 tr/min
- Cylindrée : 999 cc
- Alésage x course : 80 x 49,7 mm
- Rapport volumétrique: 12,0:1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Suspension : Fourche inversée Ø 46 mm, réglable en compression et en amortissement; monoamortisseur arrière simple, ajustable en précontrainte et détente.
- Empattement : 1 439 mm
- Chasse/déport : 24,6 degrés/98,5 mm
- Freins : deux disques avant Ø 320 mm avec étriers à 4 pistons à fixation radiale; simple disque arrière Ø 220 mm avec étrier à 2 pistons; ABS BMW Motorrad Race débrayable
- Pneus : Pirelli Diablo Rosso Corsa
120/70ZR17 à l’avant;
190/55ZR17 à l’arrière.
Verdict rapide
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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