La petite F3 est devenue grande et flirte avec l’excellence
Publié le 8 septembre 2014
En fin de semaine dernière, j’ai enfin eu la chance d’essayer la MV Agusta F3 800 au circuit de l’Autodrome Saint-Eustache. En plus d’être sensuelle et aguicheuse, la F3 800 s’est révélée être une superbe sportive sur piste. Et si j’avais bien aimé sa petite sœur de 675 cc, là je suis carrément tombé en amour. Compte-rendu d’un coup de foudre…
Photos: © Pierre Desilets, MV Agusta
Après trois rendez-vous manqués avec la MV, au Circuit Mont-Tremblant puis à Calabogie, ma chance de poser mes fesses sur la selle de la diva de Varèse s’est enfin présentée. Profitant de la tenue d’une journée de roulage de l’ASM Motosport à l’Autodrome Saint-Eustache, en ouverture de la dernière manche du championnat de la VRRA (Vintage Road Racing Association), j’ai pu obtenir de MV Agusta Canada de piloter la F3 800 de Tim Massarelli, le responsable de la marque au pays pendant cette journée. Cependant, la moto étant préparée pour la piste et chaussée de pneus slicks Pirelli Diablo Superbike, pas question d’aller sur route. De plus, j’ai été avisé que la chute n’était pas une option, à moins de vouloir devenir propriétaire de cette magnifique MV Agusta F3 800 se détaillant 16 995$, une somme que je n’ai malheureusement pas dans mon compte de banque. Et que je ne peux pas emprunter, même si je le voulais.
Belle, belle, belle comme l’amour!
Installée sur ses béquilles de course et équipée de ses couvertures chauffantes, la F3 800 à l’air d’une véritable moto de compétition sous l’auvent MV Agusta. Elle respire la classe et la performance, particulièrement dans cette sublime livrée blanche et noire qui met ses lignes en valeur. En écoutant les directives de Tim, je ne peux m’empêcher d’admirer ses courbes sensuelles (à la F3, pas à Tim). Le design de cette machine est vraiment réussi. Elle donne envie et excite les sens. Si elle était divinité, elle serait Vénus, déesse de la beauté et de l’amour chez les Romains. Si elle était femme, elle serait Monica Belucci. Si elle était peinture, elle serait La Joconde.
Avec ses lignes taillées à la serpe, la F3 respire la performance et la sportivité. Dessinée par le concepteur britannique Adrian Morton, elle s’éloigne suffisamment de la superlative F4 créée par Massimo Tamburini pour s’en distinguer, mais garde tout de même une certaine filiation avec sa sœur à quatre cylindres. Belle à se damner, la MV est un ravissement pour l’œil et plusieurs de ses pièces comme le magnifique monobras oscillant en aluminium ou la fourche inversée sont de véritables œuvres d’art mécaniques. Un hommage au savoir-faire italien en la matière.
Même si la ligne générale de la F3 800 n’est plus inédite puisqu’inaugurée par sa petite sœur à sa sortie en 2012, elle est toujours actuelle et délicieusement exotique. Par rapport à sa devancière, la qualité de la finition s’est améliorée et les petits reproches que l’on pouvait faire à cette dernière (fils apparents, boîte de fusible exposée à la vue) n’ont plus raison d’être aujourd’hui. La F3 800 s’est nettement bonifiée en deux ans et semble impeccablement réalisée.
La MV Agusta n’est pas qu’une belle mécanique, c’est aussi une moto très performante, diablement plaisante à piloter. Compacte, effilée, racée, son ergonomie est certes sportive, mais pas radicale à la façon d’une Yamaha R6. Courte (elle affiche un empattement de seulement 1 380 mm), dotée d’une géométrie de direction agressive (chasse de 24° et déport de 99 mm), elle favorise la maniabilité et la vivacité. Avec sa selle qui culmine à 805 mm, elle propose une position de conduite basculée vers l’avant en raison des bracelets positionnés bas. À l’arrêt, un pilote de taille moyenne (1,77 m ou 5’10) pose les pieds au sol sans problème grâce à l’étroitesse de l’Italienne au niveau de la jonction entre le réservoir et la selle. Les repose-pieds relevés garantissent une excellente garde au sol sans trop grever le confort du pilote sur piste.
Bien que la bulle de carénage de la F3 800 soit courte et basse, ce qui laisse présager une protection aléatoire sur route, elle est dessinée pour que le pilote puisse s’abriter derrière elle en position de recherche de vitesse. À cette fin, elle est largement échancrée ce qui permet de plaquer le casque sur le réservoir sans qu’il accroche la bulle.
Une évolution intelligente
Le châssis des deux F3 est identique. Il fait appel au même cadre qui conserve des valeurs de géométrie identiques. Il est le résultat d’une combinaison efficace entre le treillis en tubes d’acier ALS et les deux platines en alliage d’aluminium, sans oublier le long monobras (576,5 mm), conçu pour obtenir une adhérence maximum. Le raffinement de la fourche Marzocchi à poteaux de 43 mm de diamètre, réglable à la fois en précharge, en compression et en détente, bénéficie d’un calibrage permettant d’optimiser les performances. L’amortisseur Sachs avec réservoir d’azote séparé est également réglable dans tous les sens.
Le système de freinage a fait l’objet d’une nouvelle évolution, avec le montage d’étriers Brembo monobloc à l’avant qui garantissent une meilleure puissance de freinage dans les conditions d’utilisation les plus difficiles, par exemple sur piste. Ils pincent un double disque Brembo de 320 mm. À l’arrière, on retrouve un simple disque de 220 mm de diamètre mordu par un étrier à double piston. Le freinage est complété par un système ABS léger et performant. Mais aussi débrayable.
Si la partie cycle ne change pour ainsi dire pas, le moteur reçoit de nombreuses modifications. Le trois cylindres en ligne conserve son alésage de 79,0 mm. L’accroissement de la cylindrée à 798 cc est obtenu par un allongement de la course de 45,9 mm à 54,3 mm. Sa puissance atteint désormais l’incroyable valeur de 148 ch à 13 000 tr/min, une hausse de 20 chevaux par rapport à la 675 alors que le couple passe de 52,4 lb-pi à 64,90 lb-pi à 10 600 tr/min. La distribution est assurée par un double arbre à cames en tête et quatre soupapes par cylindre, toutes en titane, pour de meilleures performances, en particulier à des vitesses très élevées. Les injecteurs, désormais fournis par Dellorto, garantissent une capacité supérieure de remplissage.
Extrêmement compact et léger (il pèse seulement 52 kg), le trois cylindres intègre les circuits d’eau et d’huile dont les pompes respectives se trouvent à l’intérieur du moteur, avec des avantages évidents en termes d’esthétisme et d’encombrement. Parmi les particularités du trois cylindres de la MV Agusta F3 800, il est important de rappeler le vilebrequin contrarotatif commun aux deux F3, une solution technique auparavant utilisée uniquement en MotoGP. L’objectif? Réduire l’inertie durant les changements de direction, améliorer l’équilibre du moteur et par conséquent la maniabilité de la F3.
Contrairement à sa petite sœur, la F3 800 affiche une injection mieux maîtrisée et une électronique parfaitement contrôlée. Les à-coups du Ride-by-Wire de la 675 ont quasiment disparu et la moto est plus docile dans toutes les modes de conduite (au nombre de quatre: Sport, Normal, Pluie et Personnalisé). La réponse de l’accélérateur est plus franche et le délai de réaction est raccourci quoiqu’encore trop long. Le rapport de transmission final a été allongé de 16/43 à 17/41, ce qui permet d’atteindre une vitesse terminale théorique de 269 km/h (la 675 atteignait 260 km/h). Enfin, l’embrayage antidribble mécanique développé par MV Agusta permet d’obtenir les meilleures performances, dans toutes les conditions.
Dans la peau de Jules Cluzel pendant une journée
En cette journée, je me sens comme Jules Cluzel, le pilote d’usine de l’équipe MV Agusta Reparto Corse en Championnat du Monde Supersport. La MV est ajustée pour moi, particulièrement au niveau de la suspension, mais aussi de l’électronique. Elle est réglée en mode Sport avec l’antipatinage calé sur le troisième cran (sur 8 disponibles). Cependant, à la troisième session, après discussion avec Dominic Aubry, un pilote VRRA travaillant pour Motovan, le distributeur MV Agusta au Canada, on décide de limiter l’action du contrôle de traction en passant au deuxième cran. En effet, à la sortie du «bol», je trouve que le moteur de la F3 coupe et que l’avant a tendance à bouger un peu à l’accélération. Dominic essaye la machine à son tour et détermine que cette instabilité résulte de l’entrée en action prématurée de l’antipatinage.
Malgré la chaleur accablante et le stress que je ressens à l’évocation d’une chute malencontreuse, je trouve rapidement mes marques sur la MV Agusta. Il faut dire que j’ai eu l’occasion de piloter la F3 originelle en juillet 2012, au circuit Thunderbolt du New Jersey Motorsport Park et que je l’ai adorée. Les deux machines partagent la même partie cycle, le même habillage et le même poids. La seule distinction majeure entre les deux tient à la puissance développée par le trois cylindres à courte course qui passe de 128 ch sur la 675 à 148 ch sur la 800. Au fil des tours, je me sens de plus en plus en confiance et j’adopte un rythme plus soutenu. Le surplus de puissance et de couple du «Trepistoni Corsa Corta» se fait immédiatement sentir. En sortie de virage, il suffit de tourner la poignée dans le bon sens pour sentir le bloc trois cylindres vous tirer vers l’avant avec vigueur. Le moteur de la 675 n’était pas avare de sensations, mais celui de la 800 est encore plus expressif. Le shifter électronique permet de tirer pleinement profit des performances accrues de la F3 800 tandis que l’embrayage antidribble annihile les sautillements de la roue arrière au rétrogradage. La moto reste alors plus stable au freinage, ce qui est un atout en entrée de virage.
Puisqu’on parle du freinage, il est à noter que celui de la MV est superlatif. Ses énormes étriers monobloc Brembo à fixation radiale, combinés à d’énormes disques de 320 mm offrent un mordant incroyable et une puissance de freinage phénoménale. Le retour d’information au levier est fantastique et le système fait preuve d’une endurance à toute épreuve, sans jamais être victime de «fading». Et si par hasard vous vous faisiez surprendre à devoir effectuer un freinage en catastrophe, le système ABS, efficace et transparent, vous sauvera la peau.
Danse lascive
Sur piste, la position est naturelle et favorise l’attaque. Pourtant, un pilote de grand gabarit a de la difficulté à se cacher derrière la courte bulle de carénage à la recherche du dernier dixième de seconde, tellement la selle est courte. Sur le tracé étroit et court de l’Autodrome Saint-Eustache, la compacité et l’agilité de la F3 800 sont un atout non négligeable, tout comme l’intégrité du cadre. À aucun moment la moto n’est déstabilisée ni ne bouge. Avec «sa taille faite au tour, ses hanches pleines», elle chasse le chrono avec maestria et négocie les courbes avec aplomb et facilité. En passant d’un virage à l’autre, on a l’impression d’exécuter une danse lascive au bras d’une femme voluptueuse. Les pneus slicks Pirelli collent comme du papier tue-mouches et m’incitent à explorer les limites de la garde au sol qui est insondable à la vitesse où je roule. Je ne me traine pas comme une larve — j’ai même un rythme plutôt rapide —, mais je n’évolue pas à la vitesse des pros qui tournent en même temps que moi. Dans les deux chicanes du circuit, la F3 800 passe d’un angle à l’autre avec une facilité déconcertante. Il suffit d’une légère poussée sur les bracelets pour changer de cap. Dans le «bol», j’ai le genou collé à terre, les yeux rivés vers la sortie. La moto est stable, comme posée sur un rail et découpe la trajectoire avec une précision chirurgicale. Le train avant est impérial et inspire confiance au pilote qui peut alors se concentrer sur les trajectoires sans craindre de chuter.
Le bloc trois cylindres est impressionnant. Bien rempli à tous les régimes, il répond avec vigueur dès 3 000 tr/min. À mi-régime, soit entre 4 000 et 8 000 tr/min, il tire avec autorité. La faible inertie du vilebrequin facilite les montées en régime et on arrive rapidement au rupteur situé à 13 500 tr/min (15 000 tr/min sur la 675). Le moteur possède une bonne allonge et ne s’essouffle pas à l’approche de la zone rouge. Lorsqu’il atteint les hauts régimes, soit au-delà de 8 000 tr/min, le bloc devient carrément caractériel. Sa sonorité est alors plus bestiale, enivrante. Ses sensations plus intenses. Le tachymètre se met à s’affoler et on atteint des vitesses impressionnantes. Le paysage défile à vive allure et les repères de freinage vous sautent au visage.
Dans la courte ligne droite de l’Autodrome, après le «bol», le trois cylindres monte rapidement dans les tours et j’ai à peine le temps de passer la cinquième. Juste le temps de tomber deux rapports pour négocier le pif paf derrière les estrades de l’ovale. Puis de tout balancer à droite en descendant un autre rapport avant d’attaquer le gauche relevé et la ligne des stands. On passe tout juste le quatrième rapport qu’il faut déjà couper les gaz, descendre un rapport et se jeter dans le gauche/droite des puits. On enquille ensuite le gauche de la montée et on freine pour négocier le «bol». Les pilotes les plus rapides, en Superbike et en Supersport, négocient un tour du circuit de Saint-Eustache dans des temps oscillant entre 55 et 45 secondes. Pour ma part, impossible de déterminer mon temps au tour, en l’absence de chronométrage, mais je sais que je n’ai jamais tourné aussi vite à Saint-Eustache que sur la F3 800. C’est la première fois que je me sens si à l’aise, si détendu sur cette piste que je connais pourtant bien. À l’exception peut-être de ma participation au Challenge Honda CBR250R en 2012.
L’excellence à l’Italienne
À la fin de l’essai, je suis brûlé. Pas à cause de la moto, mais de la chaleur accablante. Je sue à grosses gouttes et je sens le sang battre dans mes tempes. Pourtant, je suis heureux. L’expérience est plus que concluante. Sur la F3 800, j’ai retrouvé toutes les bonnes sensations que j’avais éprouvées au guidon de la 675, en 2012, au circuit Thunderbolt du New Jersey Motorsport Park. Sauf que tous les irritants que j’avais alors relevés ont disparu au point où il est difficile de trouver à redire à la belle de Varèse.
Plus performante que sa devancière, elle possède un moteur explosif qui permet à la 800 de faire jeu égal avec plusieurs motos de classe ouverte sur un circuit court comme celui de Saint-Eustache. Agile, compacte, la 800 se manie comme une moyenne cylindrée sportive. Sa partie cycle affûtée permet de s’amuser comme un p’tit fou et d’explorer les limites de la machine. Avec ses 148 ch pour 173 kg à sec, la MV a du répondant et vous fait vivre des sensations fortes. L’antipatinage n’est pas trop intrusif. Sur les niveaux 1 et 2, il laisse le moteur délivrer sa puissance sans le museler, même si c’est au prix de petites glissades du pneu arrière. À partir du niveau 3, on le sent brider la réponse du moteur. Les crans 4 à 8 sont à mon avis réservés à la route ou à la conduite sur piste mouillée. Attention cependant, la MV Agusta F3 800 est une moto hyper performante à ne pas mettre entre toutes les mains. Pour l’exploiter pleinement sur piste, il faut une bonne expérience de pilotage. Débutants s’abstenir! Mais quand on est en mesure de la maîtriser, la trois cylindres sportive est un véritable jouet. Une moto aboutie et jouissive! Et exclusive! L’excellence à l’Italienne au prix d’une Japonaise en quelque sorte.
À 16 995$, soit à peine 2 000$ plus cher que la F3 675, la F3 800 est presque une aubaine. Il va falloir que j’offre une bouteille de champagne et des chocolats fins à mon banquier…
Fiche technique
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids à sec : 173 kg
- Hauteur de selle : 805 mm
- Capacité essence : 16,5 L
- Consommation : Non mesurée
- Autonomie : Non mesurée
- Durée de l’essai: Non mesurée
- Prix : 16 995 $
- Coloris : Rouge, Blanc, Noir
MOTEUR
- Moteur : 3 cylindres en ligne refroidis par liquide, DACT, 4 soup./cylindres
- Puissance : 148 ch à 13 000 tr/min
- Couple : 64,90 lb-pi à 10 600 tr/min
- Cylindrée : 798 cc
- Alésage x course : 79 mm x 54,3 mm
- Rapport volumétrique: 13,3:1
- Alimentation : injection
- Transmission : 6 rapports (shifter électronique débrayable)
- Entraînement : par chaîne
PARTIE CYCLE
- Suspension : fourche inversée Marzocchi de 43mm de diam. réglable en précharge, détente et compression; monoamortisseur Sachs réglable en précharge, détente et compression
- Empattement : 1 380 mm
- Chasse/Déport : 24°/ 99 mm
- Freins : Avant, 2 disques de 320 mm avec étriers radiaux Brembo monoblocs à 4-pistons; Arrière, disque de 220 mm avec étrier à deux pistons. ABS débrayable de série
- Pneus : Pirelli Diablo Rosso Corsa
120/70ZR—17 à l’avant
180/55ZR—17 à l’arrière
VERDICT RAPIDE
ON A AIMÉ
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ON A MOINS AIMÉ
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