La Dragster a-t-elle la gueule de l'emploi?
Publié le 20 mars 2014
Les fuites au sujet des nouveaux modèles, qu'elles soient orchestrées ou fortuites, ont tendance à nous amener à spéculer et à nous faire des idées parfois fausses à leur sujet. C'est ce qui m'est arrivé, deux semaines avant ce lancement, quand quelques photos floues de la nouvelle MV Agusta Dragster 800 ont «fuité» sur Internet. Peut-être en raison de son patronyme suggestif ai-je assumé qu'il s'agissait d'une compétitrice à la Ducati Diavel? À moins que ce fût son large pneu arrière qui m'ait induit en erreur.
Pourtant, je dois reconnaître que je suis seul responsable des ces hypothèses qui se sont révélées dénuées de fondement à l’occasion du lancement de presse officiel de la Dragster tenu près de Marseille, dans le sud de la France. Le fait que nous avons été avisés d’apporter notre équipement de piste aurait de me mettre la puce à l’oreille. Ce que la lecture de la fiche technique confirma aussitôt.
Ma conviction que la Dragster fut une toute nouvelle moto était également fausse. En fait, elle est fortement dérivée de la Brutale 800 dont elle partage en partie le patronyme. Ainsi, elle lui emprunte son cadre, son bras oscillant, sa fourche, son monoamortisseur, ses freins, son moteur et sa carrosserie. Ce qui diffère, cependant, c’est sa boucle de cadre arrière tronquée et sa selle, l’absence de section arrière et le recours à un massif pneu arrière de 200 mm monté sur une jante de 6 pouces de large empruntée à la F4.
Au premier coup d’œil, on ne relève aucune supercherie; la moto n’a pas été conçue pour induire les gens en erreur en leur faisant croire qu’il s’agirait d’une moto différente de la Brutale. D’ailleurs, son nom complet est MV Agusta Brutale 800 Dragster, ou Dragster 800 en abrégé. Selon Giovanni Castiglioni, le président séducteur de MV Agusta, «elle a été dessinée pour offrir une alternative aux amateurs de Brutale 800». Une sorte de moto personnalisée d’usine, assemblée en Italie, pour vous ménager la peine de la faire vous-même.
Visuellement, le résultat est étonnant. L’arrière trapu et réduit à sa plus simple expression donne l’impression que le bras oscillant a été allongé, alors qu’il n’en est rien. L’empattement court, qui s’établit à 1380 mm, n’a pas bougé d’un poil.
Ceux d’entre vous qui ont remarqué la présence de repose-pieds passager et d’une selle minimaliste en ont sûrement déduit que le confort du passager n’était pas le souci principal des concepteurs de la Dragster. Maniant l’humour avec malice, Castiglioni a justifié le choix de ses ingénieurs en affirmant : «Vous devrez être très sélectif dans le choix de votre passagère», en joignant le geste à la parole, mimant la taille du postérieur que cette selle diminutive pourrait accueillir.
La Dragster est propulsée par le même tricylindre en ligne de 798 cc et qui partage les mêmes réglages «brutaux» que celui de sa cousine qui, lui-même est une version «détunée» du bloc de la F3 800 Supersport. Sur la F3, ce moteur développe 148 ch alors que sur la Dragster la puissance a été réduite à 125 ch. Son couple maxi est mesuré à 59,7 lb-pi, comparativement à 64,9 lb-pi sur la F3. Cependant, la Dragster produit son couple maxi à 8600 tr/min, soit 4400 tr/min plus bas. L’artillerie électronique inclut quatre modes de conduite paramétrables — Normal, Sport, Rain et Custom, le dernier étant personnalisable — et un antipatinage réglable sur 8 niveaux.
À part son arrière caractéristique, la Dragster utilise des demi-guidons en aluminium coulé contrairement au guidon tubulaire alu de la Brutale. Ses guidons se règlent en trois positions, proposant sept degrés d’ouverture et 40 mm d’ajustement avant/arrière. Deux écrous hexagonaux sur chaque demi-guidon doivent être retirés pour changer leur position, une opération qui ne prend pas plus de deux minutes.
À l’avant, on retrouve une fourche inversée Marzocchi à tubes plongeurs de 43 mm de diamètre, ajustable en détente, en compression et en précharge. À l’arrière, la suspension est assurée par un monoamortisseur Sachs doté des mêmes réglages. Comparativement à la Brutale, la Dragster propose un amortissement légèrement plus ferme. Le poids à sec s’établit à 167 kg, le même que sur la Brutale. Les freins Supersport avec ABS débrayable sont quant à eux offerts de série.
À l’origine, nous devions faire une balade dans les montagnes de l’arrière-pays de la Cote d’Azur la première journée et passer la deuxième journée sur le magnifique circuit Paul Ricard. Cependant, les conditions météos en ont décidé autrement, des pluies torrentielles et des températures anormalement basses pour la saison ont forcé les organisateurs à annuler la parte routière de ce lancement. Ils ont condensé les deux journées en une, mélangeant route et piste le second jour. Heureusement pour nous, le lendemain était ensoleillé et chaud.
Nous avons débuté à la piste ou le comportement de la Dragster était tout le contraire de ce que son nom laissait présager. En fait, elle se manie avec aisance et se montre à l’aise sur circuit. Si vous mesurez plus de 1,80 m, l’ergonomie de la MV est plutôt compacte, sans être inconfortablement pour autant.
La direction est exceptionnellement légère, à la limite de la nervosité, mais elle ne bouge pas d’un poil. On ne note aucune tendance au louvoiement dans les grandes courbes rapides. En virage, la moto avait de la difficulté à resserrer son arc, particulièrement dans le virage no. 11, une courbe à rayon décroissant qui se négocie à haute vitesse. Quand il fallait tourner et pencher plus alors que le virage se refermait sur lui-même, avant de s’ouvrir en ressortant, la moto résistait à la mise sur l’angle.
Sur circuit, j’ai sélectionné le mode Sport afin d’avoir un comportement plus agressif, tout en conservant une modulation de l’accélérateur relativement douce, même à basse vitesse, un problème auquel les ingénieurs de MV Agusta font face depuis l’adoption d’un accélérateur électronique Ride-by-Wire. Sur les modèles récents, ce problème est enfin corrigé et les propriétaires de MV Agusta plus anciens peuvent faire mettre leur machine à niveau chez leur concessionnaire, gratuitement. Sur la Dragster, le moteur livre sa puissance de façon douce, sur une large bande utile, sans pic ni creux.
La MV Agusta ne recourt pas à un embrayage antidribble, bien que la Dragster possède un frein moteur copieux. Pourtant, la roue arrière n’a pas tendance à bloquer ou à sauter au rétrogradage ou lors de freinages puissants. Comme j’ai pu le vérifier dans une épingle en V située au bout d’une ligne droite que l’on négociait à 230 km/h. Les virages très serrés donnent des maux de tête à la Dragster, qui a tendance à élargir la trajectoire en sortie de virage, un phénomène dont le pneu arrière large est en partie responsable.
Pour l’antipatinage, j’ai opté pour une intervention minimale du système en sélectionnant le niveau trois qui ne se manifestait que dans une transition gauche-droite très rapide, alors que la moto se redressait en pleine accélération. Aucun voyant dans le tableau de bord ne vous indique que l’antipatinage entre en action, mais on peut ressentir une légère hésitation dans l’accélération quand le système détecte un patinage de la route arrière.
La Dragster propose également un shifter électronique que j’utilisais en permanence sur piste et sur route. Il fonctionne de façon transparente, tout comme la boîte de vitesses qui est l’une des plus efficaces que j’ai eu l’occasion de tester. Les rapports passent d’une légère poussée sur le levier, qu’on utilise le shifter ou l’embrayage, et les rapports de boîte sont bien adaptés au moteur.
Les contacts sur piste sont souvent trompeurs et ils ne vous apprennent pas tout ce que vous souhaiteriez sur la machine. J’attendais donc beaucoup de la partie routière de ce lancement et j’étais un peu déçu qu’elle fût écourtée. La première chose que j’ai remarquée, avec bonheur, c’est la bonne image retransmise par les rétroviseurs repliables. Cependant, quand le moteur atteint des régimes de 4000 tr/min, les vibrations brouillent les images au point ou on ne voit rien. Heureusement, ces vibrations ne sont pas rédhibitoires.
Une fois sur route, j’ai noté que notre guide italien adoptait un rythme qui faisait passer notre séance sur piste pour un échauffement. Et les routes! Quel plaisir? En sortant de la piste, nous avons emprunté un chemin asphalté étroit (deux voitures ne peuvent s’y croiser) et bien pavé qui tournicotait à foison. Nous roulions en groupe de sept et, dans cet environnement particulier, la Dragster fait encore mentir son patronyme.
La nervosité de la direction remarquée sur la piste s’est confirmée sur route. Ce qui n’empêcha pas la Dragster de se comporter parfaitement et de se diriger là où je la menais. Les seules occasions où la MV requérait toute mon attention s’était dans des virages serrés se négociant en première, lesquels sont nombreux sur les routes de l’arrière-pays azuréen. Il suffisait alors de surveiller la trajectoire en poussant sur le guidon.
Une ultime sortie aux commandes d’une Brutale 800 m’a permis de confirmer que ce trait de caractère est dû au large pneu arrière. La direction de la Brutale est plus neutre, plus précise et la moto est plus stable. Le pneu arrière de la Dragster affecte aussi le train avant dont la rétroaction est légèrement vague, sans affecter le confort. Cependant, à moins de conduire les deux motos l’une après l’autre, il est difficile de noter une différence de comportement. Globalement, la Dragster s’avère plus agile que la Ducati Diavel, même si les deux machines sont aux antipodes; la Diavel est plus grosse, plus lourde, plus longue et adopte un pneu arrière de 240 mm.
Maintenant que l’alimentation est corrigée, le trois cylindres révèle son véritable potentiel — on comprend pourquoi les gens de MV Agusta ont décidé de le mettre sur toutes leurs nouvelles machines — se montrant absolument sublime. Il tire sans fin, jusqu’à la zone rouge, rendant les passages des rapports superflus. À la piste, j’ai eu l’occasion de faire une séance au guidon de la F3 800 et le surplus de puissance dont elle dispose rendrait la Dragster encore plus attrayante si elle en bénéficiait, mais uniquement sur circuit.
Sur route, les 125 ch sont amplement suffisants, d’autant que le tricylindre s’avère doux, bourré de couple et puissant que l’on roule à haute vitesse sur les routes de montagne sinueuses ou que l’on se déplace à des vitesses plus modérées — voire légales — particulièrement en ville.
Globalement, les concepteurs responsables de la création de la Dragster ont fait un excellent boulot, parvenant à gérer les problèmes de comportement induits par l’utilisation d’un gros pneu arrière. Ils doivent, après tout, répondre aux demandes de pilotes pour qui les gros boudins sont à la mode. Le réel casse-tête tient au fait que cette compagnie familiale commence à produire des motos qui se montrent compétitives et menacent les réalisations de constructeurs classiques. Leur gamme continue de croître, passant de seulement quatre modèles en 2010 à 14 à la fin de 2014 (incluant ceux qui n’ont pas encore été dévoilés).
La Dragster se détaille 15995$, soit 1600$ de plus que la Brutale. Il s’agit d’un montant considérable, mais comme le note Castiglioni, elle offre une alternative valable. Si vous ne désirez pas dépenser le surplus demandé pour la Dragster, mais voulez l’exclusivité italienne, optez pour la Brutale. Elle se comporte marginalement mieux et partage tous les autres éléments de la Dragster.
Néanmoins, la Dragster a l’air méchant et se défend mieux que son patronyme le laisse supposer. En prime, elle incite votre épouse à surveiller sa ligne pour continuer à vous accompagner dans vos sorties délinquantes. Aucune fortune dépensée en régimes de tout acabit ne peut y parvenir aussi facilement et à si bon compte.
INFORMATIONS GÉNÉRALES
- Poids à sec : 167 kg
- Hauteur de selle : 811 mm
- Capacité essence : 16,6 L
- Consommation : N.C.
- Autonomie : N.C.
- Durée de l’essai: N.C.
- Prix : 15 995 $
MOTEUR
- Moteur : Tricylindre en ligne, quatre temps, refroidi au liquide, DACT, 4 soupapes par cylindre
- Puissance : 125 ch à 11 600 tr/min
- Couple : 60 lb-pi à 8 600 tr/min
- Cylindrée : 798 cc
- Alésage x course :79 x 54,3 mm
- Rapport volumétrique: 13,3:1
- Alimentation : injection électronique
- Transmission : six rapports
- Entraînement : par chaîne
PARTIE-CYCLE
- Suspension : fourche inversée Marzocchi, tubes de 43 mm réglable en détente, en compression et en précontrainte du ressort; mono-amortisseur Sachs réglable en détente, en compression et en précontrainte du ressort
- Empattement : 1 410 mm
- Chasse/Déport : 23,5 degrés/105 mm
- Freins : 2 disques de 320 mm et étriers 4 pistons radiaux à l’avant; simple disque de 240 mm avec étrier double piston à l’arrière.
- Pneus : Pirelli Diablo Rosso II
120/70-17 à l’avant
200/55-17 à l’arrière
Verdict Rapide
ON AIME BIEN
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ON AIME MOINS
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