Et si on allait voir les baleines ?
Publié le 29 août 2016
Profitant d’une fin de mois d’août magnifique, Richard Turenne et moi avons entrepris un périple maritime de deux jours, avec l’intention de nous tremper les orteils dans le Fleuve, à Tadoussac. La météo en a décidé autrement, mais le voyage a été mémorable malgré tout.
Photos : Didier Constant, Guy Parrot, Richard Turenne, Parcs Canada (F. Deland, J. Pleau)
Ça faisait quelques semaines que nous voulions entreprendre un voyage express ensemble au guidon de nos BMW respectives. Richard sur sa R1200GS Adventure, moi sur ma S1000XR. Il restait seulement la question de la destination à régler.
« Et si on allait voir les baleines à Tadoussac ? dis-je à Richard. On pourrait en profiter pour prendre le traversier pour Rivière-du-Loup, aller déjeuner avec mon Oncle Guy — qui n’est pas mon oncle, en passant — à Kamouraska et revenir à Montréal par la Rive-Sud du fleuve. Qu’en dis-tu ? »
Mon projet reçut l’approbation de Richard en deux secondes et au matin du 23 août, à 8 heures, nous décollions de chez moi, faiblement chargés, mais sous un soleil radieux. Et même si la météo annonçait une température clémente, mon habit de pluie et mes gants de kayak étaient rangés dans une de mes sacoches. Mieux vaut prévenir que guérir.
La première partie du chemin, jusqu’à Québec, s’est faite rapidement, par l’autoroute 40. C’est la partie la moins intéressante du périple et nous voulions nous en débarrasser le plus vite possible.
Puis, de la Capitale provinciale, nous avons emprunté la 138 jusqu’à Baie-Saint-Paul où nous sommes arrivés sur l’heure du midi. Là, nous avons fait une pause à la boulangerie/bistro « À chacun son pain », en bordure de la route principale, sans entrer dans le village. Un établissement simple, mais sympathique qui offre des sandwiches délicieux et des desserts succulents, particulièrement le pudding au pain que nous avons tous les deux choisi.
Quand nous avons repris la route, le ciel au-dessus des terres était dégagé. Nous avons donc décidé de suivre la route 381 jusqu’au Lac-Saint-Jean en traversant le Parc des Grands-Jardins. À la sortie de Saint-Hilarion, alors que nous prenions quelques clichés de nos montures, le ciel a commencé à se couvrir tranquillement pour devenir vraiment menaçant à mesure que nous approchions du parc. En arrivant à la Galette, il s’est assombri en quelques minutes et la pluie a fait son apparition. Soudainement et violemment. Arrêt rapide sur le bas-côté — la route est déserte en semaine dans ce coin-la —, enfilage des habits de pluie et vogue la galère.
Mais, ce qui m’inquiétait le plus, en dehors des conditions météo, c’était ma consommation d’essence. Il me restait environ 70 kilomètres d’autonomie et la prochaine station était signalée à Ferland-et-Boileau, à une soixantaine de kilomètres au nord. Ça risquait d’être serré. J’ai alors réduit la cadence et je suis arrivé à la pompe sur les vapeurs d’essence. Sous une pluie de plus en plus forte. Qui devint torrentielle vers Chicoutimi et Saguenay.
À l’origine, j’avais choisi cet itinéraire pour emprunter la route 172 qui longe la rive Est du Saguenay et arrêter dans des endroits pittoresques comme Sainte-Rose-du-Nord et Saint-Basile-de-Tableau pour prendre des photos. Sauf que là, les conditions sont exécrables. Pas question d’arrêter. J’espère que la pluie cessera avant Tadoussac pour immortaliser la XR dans les dunes. Malheureusement, même si la météo prévoyait beau temps à destination, il fait gris et il pleuvote quand nous y arrivons. « C’est vraiment un manque de chance ! me dit Yves, le propriétaire de l’hôtel Georges où nous avons élu de passer la nuit. Il a fait beau toute la journée. Ça fait à peine une demi-heure qu’il flotte. »
Tant pis pour les photos dans les dunes et la trempette dans la baie de Tadoussac. À la place, nous étendons nos habits de pluie dans la chambre pour les faire sécher. Demain il fera beau…
Au terme de cette étape de 644 km, je suis surpris de ne ressentir ni courbature ni douleur. Je suis en pleine forme et j’aurais pu rouler encore une heure ou deux à ce rythme. La S1000XR a été une parfaite compagne, aussi bien sur l’autoroute que sur les routes secondaires. Au fil des kilomètres, je l’apprécie davantage. C’est vraiment une super machine à voyager, rapidement.
La soirée à Tadoussac se passe en douceur. La pluie a cessé, la température est fraîche et les rues sont calmes. Quelques touristes français errent à la recherche d’un bon resto, ou d’un souvenir à ramener à la famille ou aux amis restés en France. On les reconnait immédiatement à leur accent, mais surtout à leur façon de parler fort et souvent de façon peu courtoise.
Richard et moi décidons d’aller prendre une bière du cru au Gibard, un des rares bistros sympas de l’endroit. Comme à l’accoutumée, la salle est presque pleine. Un groupe local anime la soirée. Personnellement, leur musique me laisse froid, pour ne pas dire qu’elle m’ennuie, mais les habitués semblent apprécier. Certains pourraient écouter n’importe quelle musique dans l’état où ils sont, même du Céline Dion. Ça ne changerait pas grand-chose dans leur cas. Nous, nous avons la soirée libre. Notre seule activité au menu, c’est le cas de le dire, est d’aller souper avant que je ne tombe d’inanition. Et même s’il est difficile de s’entendre dans cette cacophonie ambiante, Richard et moi revenons sur les péripéties de la journée avant d’aller prendre une marche.
Pour souper, nous avons jeté notre dévolu sur Le Café Bohême, une des bonnes tables de Tadoussac. Le décor est chaleureux, l’ambiance feutrée et le service avenant. Quant à la bouffe, personnellement, je n’ai que des compliments à servir au chef. Le potage carottes/panais était délicieux, la brandade de morue excellente et le dessert exquis. Richard a quant à lui longuement hésité entre l’omble chevalier de Charlevoix que lui recommandait chaudement la serveuse et les cannellonis des bois. Il opta pour les pâtes, malgré les avertissements de la serveuse qui lui reprocha presque son choix, gentiment cependant : « c’est le seul plat qui n’est pas confectionné par le chef ! L’omble est une meilleure option, si vous voulez mon avis ! »
Le lendemain matin, la brume recouvre la baie de Tadoussac. Au-dessus de nos têtes, le soleil annonce une belle journée. Levé tôt, je vais prendre une marche jusqu’au quai pour faire quelques photos. Le petit-déjeuner est servi à 7 h 30 et nous devons traverser à 8 h si nous voulons être à l’heure pour prendre le traversier entre Saint-Siméon et Rivière-du-Loup, à 9 h 30. Nous avons tout le temps qu’il faut. Nos motos sont chargées et nous sommes prêts à tailler la route.
Nous sommes les premiers à débarquer du ferry, à Baie-Sainte-Catherine. Nous en profitons pour faire quelques photo en cours de route. Quand nous arrivons à Saint-Siméon, la fraîcheur matinale s’est dissipée, le brouillard également. La traversée d’environ une heure se déroule sans anicroche. Le fleuve est calme. Pas trop de vagues, pas trop de vent. Juste quelques embruns venus du large. Ça sent la mer ! Les vacances !
Nous arrivons à Rivière-du-Loup, à 10 h 45. Ce qui nous donne le temps de faire le plein des motos avant de rejoindre notre ami Guy au café-bistro Côté Est, à Kamouraska. Un restaurant situé en face de l’église, à côté de la boulangerie Niemand, dans un bâtiment magnifique, avec une terrasse offrant une vue sublime sur le fleuve. Guy est un ami de longue date et un jeune retraité actif. Il a converti sa résidence secondaire de Kamouraska en maison principale et y passe le plus clair de son temps. Guy et moi avons souvent voyagé ensemble à moto, principalement en Europe (salon de Milan, salon de Cologne, Drôme, sud de la France, Languedoc-Roussillon, Pays basque), aux États-Unis (Las Vegas, New Jersey, Californie) et aussi au Québec. Depuis son exil à Kamouraska, l’an dernier, nous nous voyons une fois ou deux par année seulement, mais là, l’occasion est trop belle. On passe quasiment devant chez lui, ce serait dommage de ne pas arrêter dire bonjour.
Le temps passe vite quand on est en bonne compagnie et il faut déjà reprendre la route. Nous choisissons de suivre la 132 en direction ouest, jusqu’à Lévis où nous rejoindrons l’autoroute 20 pour rentrer rapidement à Montréal.
En sortant du village touristique de Saint-Jean-Port-Joli, nous arrêtons à La Bigorne, une forge artisanale tenue par Clermont Guay. Un personnage chaleureux et haut en couleur. Chaque fois que je passe dans le coin, j’arrête le saluer, même si nous ne sommes ni intimes ni amis. J’aime son magasin-atelier, mais aussi le personnage. Affable, aimable, charismatique. Droit dans ses bottes ! Richard et moi passons une petite heure en sa compagnie avant de poursuivre notre route.
La 132 est une magnifique route. Particulièrement en semaine. Tranquille, panoramique et pleine de beaux coins à photographier.
À peine avons-nous rejoint la 20 que les problèmes commencent. Le trafic est quasiment arrêté à la hauteur de Saint-Romulad et si n’avions pas été à moto, nous aurions passé une partie de l’après-midi à cuire dans la circulation. Difficile de croire que nous sommes en milieu de semaine, hors des périodes de retour de vacances. Circuler au Québec devient un réel problème et je commence à faire une overdose de cônes oranges.
Après un arrêt carburant entre Val Alain et Saint-Léonard-d’Aston, Richard et moi roulons à bon rythme jusqu’à l’embranchement de l’autoroute 30 où nos chemins se séparent. Une centaine de mètres plus loin, la circulation est bloquée sur la 20. Rien ne bouge. Je me faufile jusqu’à la sortie du Boulevard Montarville et je vais rejoindre la route 132 par des petits chemins tranquilles que je connais. Je finis par me tailler tant bien que mal un chemin jusqu’au tunnel Hippolyte-Lafontaine pour arriver à destination quelques minutes plus tard, fourbu et découragé par la circulation.
Curieusement, les 514 km que j’ai avalés aujourd’hui m’ont paru plus longs que les 644 km de la veille, dont près de 200 ont été parcourus sous la pluie. La chaleur et les nombreux ralentissements ont eu raison de ma patience, mais aussi de mon humeur. Rouler au Québec est une torture, surtout à l’approche de Québec ou de Montréal. Personnellement, c’est devenu un frein à mes escapades à moto, surtout le week-end, où je choisis plutôt de faire des activités en ville pour éviter la circulation.
Ce qui est d’autant plus dommage que la BMW S1000XR est une fantastique machine à rouler. Vite et loin. Avec armes et bagages. J’aime son caractère sportif, son équipement pléthorique, son moteur explosif, son shifter électronique addictif. Même la protection offerte par le pare-brise de petite taille est correcte. En fait, le seul reproche que je pourrais lui adresser est son autonomie moyenne pour une routière. Elle tombe sur la réserve dès 250 km et il faut se mettre à chercher une station à essence rapidement pour ne pas tomber en panne sèche. Ah, si seulement elle pouvait rouler sur l’eau. Je l’emmènerais en Drôme, sur mon terrain de jeu favori 😉
Là, je lui donne quelques jours de repos avant de repartir à l’aventure, en compagnie de la Yamaha FZ-10 qui est dans mon garage. Je vous tiendrai au courant quand je serai prêt à prendre la route.
STATISTIQUES
- Kilométrage total : 2 962 km
- Distance parcourue depuis notre dernière sortie : 1 158 km
- Consommation moyenne : 6,3 L/100 km
- Autonomie : environ 317 km