Ou comment le sort est venu gâcher notre plaisir
Publié le 21 octobre 2025
Cette saison aurait dû être magnifique. En effet, le beau temps s’est installé sur le Québec dès la mi-avril et s’est étiré jusqu’à la mi-octobre, nous offrant six mois de roulage ininterrompu. Pourtant, 2025 aura été une de mes saisons les moins prolifiques depuis près de 20 ans.
Photos © Didier Constant, Richard Turenne, Denis Vayer
En fait, tout avait bien commencé. À la mi-juin, j’avais déjà complété plus d’une dizaine d’essais, dont celui d’une moto que j’attendais avec impatience. Grand fan de l’Africa Twin depuis son lancement, il y a une dizaine d’années, je rêvais d’une version routière de cette aventurière efficace depuis des lustres. Il me semblait qu’elle constituait une base idéale pour une moto de tourisme sportif nouveau genre. Honda a répondu à mes prières en 2022 en lançant la NT1100 (NT pour New Touring), en Europe. Malheureusement pour moi — et pour tous ceux qui l’attendaient —, celle-ci n’a pas été distribuée au Canada à ses débuts. Il a fallu attendre trois ans, et sa première refonte, pour qu’elle arrive enfin sur nos terres. Une attente qui a valu la peine, les modifications apportées à la Honda corrigeant ses rares défauts de jeunesse.

La Honda NT1100 a été un de mes coups de cœur de 2025
Tout allait donc bien et nous étions en passe d’enregistrer une année record, jusqu’à ce jour fatidique du 21 juin, il y a exactement 4 mois, jour pour jour. En ce samedi ensoleillé, mon collègue et ami Richard Turenne, au guidon de sa Ducati Multistrada V4S flambant neuve, roulait tranquillement sur la 341 Sud, une route qu’il connaît par cœur, car nous l’empruntons régulièrement pour nos essais routiers, quand, à la sortie de l’Assomption, un motocycliste venant de l’ouest, par le rang de l’Achigan, a omis de faire son stop. Richard n’a pu éviter la collision et l’a percuté de plein fouet. Les deux se sont retrouvés au sol.
Victime de multiples fractures, bien qu’il fut équipé adéquatement de la tête aux pieds, Richard a dû subir plusieurs interventions chirurgicales et n’a toujours pas récupéré. Son bras droit est encore plâtré et il ne peut toujours pas s’en servir. Sa main est paralysée — séquelles des multiples opérations qu’il a subies à son bras droit — et les médecins qui le suivent ne se prononcent pas sur sa guérison totale. Richard ne sais toujours pas s’il sera capable de piloter à nouveau. Pour lui, l’automne et l’hiver vont être très longs. Et le moral plutôt sombre. Quant à sa Multistrada, c’est une perte totale.

À Montréal (Drôme), avec Patrick Latin (à gauche) et Richard Turenne (à droite, sur la KTM)
Au-delà de la peine que me cause cet accident — il n’y a rien de pire que de savoir un ami motocycliste blessé et incapable de piloter, ne fût-ce que momentanément —, les conséquences pour Motoplus.ca sont difficilement mesurables. Richard est un proche collaborateur depuis 2010, date de notre premier voyage en Drôme, en France. Nous travaillons en étroite collaboration depuis une quinzaine d’années et nous avons effectué de nombreux voyages ensemble, principalement en Europe. Sans lui, je n’aurais pas pu faire évoluer le magazine et l’amener au niveau où il est aujourd’hui. Et je m’en rends compte quotidiennement depuis ce sinistre événement. J’ai perdu mon principal compagnon d’aventure, mais aussi mon photographe attitré. Et un conteur talentueux. Et même si d’autres amis — dont Claude Privée que je ne remercierais jamais assez — ont répondu à mon appel désespéré et m’ont accompagné dans mes escapades estivales, le vide est dur à combler.

Claude, sur la BMW F900XR
Mais, je n’étais pas au bout de mes peines. Au début du mois d’août, mon dos entamé par des milliers de kilomètres à moto, par les trous et les bosses du réseau routier québécois, par quelques chutes malencontreuses, mais surtout par d’innombrables heures passées sur ma chaise de bureau, à écrire, a fini par me lâcher. Ça fait trois mois que je peux à peine conduire. Je passe la majorité de mes journées allongé, incapable de m’asseoir sans souffrir le martyre. Et ni les antidouleurs ni les séances de chiropractie ne viennent à bout de mes souffrances. C’est un vrai calvaire. Du coup, je suis nettement moins productif que d’habitude (vous l’aurez sûrement remarqué). Et j’ai pris un retard abyssal. J’ai près d’une vingtaine d’articles en retard. Et j’ai dû annuler plusieurs voyages prévus de longue date, mais aussi renoncer à plusieurs invitations. Autant d’occasions qui ne se représenteront pas.

La Ducati Multistrada V4S de Richard n’est plus, malheureusement
Maintenant que la saison est terminée et que l’hiver pointe le bout de son nez, je vais essayer de me refaire une santé et de retrouver le plaisir de piloter une moto. Pour ma santé mentale, principalement, mais aussi par solidarité avec Richard. En espérant qu’au printemps prochain, nous reprendrons la route ensemble, sur nos fiers destriers, comme depuis plus de 15 ans maintenant.

