Ultraconnectés, mais ultradépendants
Publié le 10 mai 2021
« Pour vivre heureux, vivons débranchés ! » serais-je tenté de dire pour paraphraser un dicton célèbre. Surtout à moto où nous multiplions les chaînes en échange d’un confort et d’une sécurité illusoires.
La pénurie de semi-conducteurs que nous vivons depuis le début de l’année affecte lourdement le secteur des transports, causant des retards de production et de livraison de tous les types de véhicules, à deux comme à quatre roues. Cette carence en puces génère des effets en cascade et est éminemment problématique. Mais, surtout, elle met en exergue notre dépendance face à l’électronique.
Il y a encore quelques années, une moto c’était un moteur, un châssis simple pour ne pas dire simpliste, deux roues et un guidon. Et, pendant des décennies, ça a suffi à faire notre bonheur. L’homo motardus était alors une espèce primitive, mais heureuse.
Puis, au début des années 2000, les constructeurs qui étaient dans la mire de la Commission Européenne en raison des puissances et des vitesses extravagantes que leurs motos atteignaient — la Hayabusa et ses plus de 300 km/h ont frappé les esprits des bureaucrates de l’époque — ont accepté d’implanter l’électronique sur leurs motos afin d’éviter une législation restrictive. Une vision à court terme aux effets pernicieux puisqu’aujourd’hui, les instances politiques menacent d’utiliser ces mêmes systèmes électroniques pour brider les motos et nos libertés par la même occasion. Nous sommes plus que jamais une espèce menacée.
Personnellement, j’ai toujours été défavorable à la prolifération de l’électronique sur les motos. Certes, la technologie est efficace — trop peut-être ? — et nous apporte une protection inégalable, mais la contrepartie à assumer est trop élevée à mon avis. Si nous voulions absolument être protégés de tout, nous ne roulerions pas à moto, mais en auto.
De plus, la complexité de l’électronique sur les motos modernes, spécialement les sportives, rend les réglages ardus et peut conduire à des aberrations au niveau des ajustements. Tout le monde n’est pas ingénieur, ni informaticien, encore moins metteur au point.
En fait, je me méfie de l’électronique en raison de son potentiel liberticide, un potentiel que les autorités — forces de l’ordre et assureurs inclus —, s’empressent d’exploiter sans vergogne. Il suffit de constater à quel point nos téléphones et autres GPS servent à nous espionner pour réaliser que nous sommes désormais en liberté surveillée. Avec notre assentiment. Les chaînes que l’on choisit sont les plus à difficile à briser.
En optant d’être ultraconnectés, nous acceptons d’être épiés en permanence, suivis à la trace. Le confort plus ou moins réel que nous apportent ces milliers d’applications branchées et le sentiment de sécurité (illusoire) qu’elles nous procurent nous amènent à les adopter sans y réfléchir, sans mesurer vraiment les incidences qu’elles ont sur notre vie. À ce sujet, les régulateurs de vitesse intelligents couplés à des radars embarqués constituent, à mon avis, un danger insidieux qui nous menace à court terme.
Mais, l’électronique pose aussi des problèmes d’ordre financier. Aujourd’hui, à de très rares exceptions (Yamaha Ténéré 700, entre autres), toutes les motos sont dotées d’un arsenal électronique impressionnant qui complexifie les machines, les alourdit et fait exploser leurs coûts de production autant que leur prix. Les motos vendues plus de 20 000 $ sont désormais monnaie courante. À titre d’exemple, une sportive de plus de 1000cc se vendait environ 5 000 $ en 1981. Quarante ans plus tard, une moto équivalente peut atteindre voire dépasser les 30 000 $ selon les modèles, sans parler des motos d’exception qui, elles, atteignent des tarifs complètement délirants. Vous avez dit flambée des prix ?
En ce qui concerne les tarifs, il s’agit là d’une double peine puisque nous sommes frappés par une inflation galopante à l’achat, mais aussi au niveau de l’entretien (plus complexe et plus dispendieux) et de l’assurance (les coûts de réparation et d’indemnisation ont décuplé au cours des dernières années).
Je vous accorde qu’il est difficile de faire marche arrière aujourd’hui — les mauvaises habitudes ont la vie dure. D’autant que tout le monde ou presque y trouve son compte. En ce qui me concerne, je vais continuer de favoriser les motos dénuées d’électronique ou celles qui en offrent le moins possible. J’y gagnerai en simplicité d’utilisation et en tranquillité d’esprit en plus d’économiser. Déconnexion et simplicité volontaires, en quelque sorte.