Quel rôle pour la moto dans l’après COVID-19 ?
Publié le 28 avril 2020
Dans la « société des 2 mètres » que les experts nous prédisent et dans laquelle nous devrons garder nos distances dans l’espace public, la moto pourrait s’imposer comme un mode de transport logique et efficace.
Photos : © Didier Constant, STM, Matra, DR
Elle pourrait même devenir prioritaire, pour peu que les autorités reconnaissent son utilité et ses avantages voire la déclarent d’utilité publique, comme l’a fait l’Australie, en 2012.
Pour de nombreux spécialistes et organismes pro moto, dont la FEMA (Federation of European Motorcyclists’ Associations) ou encore la FFMC (Fédération française des motards en colère), la crise sanitaire que nous vivons depuis le début de 2020 pourrait bien constituer une occasion idéale de promouvoir la moto. Un mal pour un bien, pourrait-on dire.
Quand le virus sera maîtrisé et que nous pourrons enfin sortir de nos tanières, les restrictions actuelles seront partiellement ou totalement levées, mais le risque de contamination sera toujours bien présent. Et une nouvelle vague de pandémie hautement probable. Il va donc falloir repenser nos habitudes et nos politiques de transport.
Retour à l’individualisation des transports ?
Notre société est fortement axée sur la mobilité. Le transport des personnes et des marchandises y joue un rôle prépondérant, socialement et économiquement. Nous en sommes tributaires quotidiennement, pour nos approvisionnements, nos déplacements (travail, loisirs) et nos voyages. Aujourd’hui, tout le monde explore la planète, même ceux qui n’en ont théoriquement pas les moyens.
Dans l’optique d’une évolution sanito sécuritariste de notre société, certains groupes de pression, dont les organisations de sécurité routière et les environnementalistes, militent pour imposer leurs solutions. C’est le cas notamment du lobby du vélo qui est particulièrement actif.
En effet, la crise actuelle a généré une certaine défiance vis-à-vis des transports en commun qui sont perçus, à juste titre, comme un des principaux vecteurs de la transmission des microbes et autres virus. C’est vrai pour le métro et le bus, surtout aux heures de pointe, mais aussi pour les trains, les autocars et les avions. Qui dit transports publics dit promiscuité et risque d’infection.
Certains experts prédisent que le nombre de passagers des transports collectifs va chuter drastiquement au cours des prochains mois, surtout dans le cas du métro et du bus, avec comme effet collatéral d’anéantir les efforts de promotion consentis au cours des dernières décennies au risque d’affecter négativement l’environnement. Par ailleurs, si les utilisateurs sont moins nombreux, les coûts vont exploser et devenir prohibitifs, particulièrement pour les citoyens les moins fortunés. Les banlieusards et les personnes qui habitent loin de leur lieu de travail se tourneront alors vers l’automobile.
Pour les déplacements de courte distance, la marche, le vélo et les transports individuels électriques constituent des options agréables et recommandables, mais ils n’offrent aucune alternative viable pour les déplacements longs. De plus, les limites sécuritaires en matière sanitaire seront vite atteintes. Les pistes cyclables et autres voies réservées aux vélos sont déjà très achalandées. Si le nombre d’adeptes augmente et qu’on leur impose de respecter une distance sécuritaire de deux mètres entre eux, on va rapidement arriver à saturation.
Promouvoir la moto et le scooter
Pour les transports urbains et périurbains, la moto et le scooter peuvent constituer un substitut intéressant à l’auto, envahissante et polluante, mais aussi aux transports en commun en perte de vitesse. C’est particulièrement vrai en Europe, où la moto est considérée comme un moyen de locomotion à part entière, bien ancré dans les habitudes des citadins et des banlieusards et non comme un véhicule de loisir, comme c’est le cas ici. Néanmoins, les deux-roues motorisés (DRM) pourraient prendre la place qui leur revient chez nous si les organismes voués à la promotion de la moto et les usagers militaient pour une plus grande reconnaissance et une acceptation progressive des DRM par les autorités publiques (gouvernement, municipalités, ministère du Transport, SAAQ…). Ça passe par une modification de nos habitudes de déplacement (nous devons utiliser davantage notre moto au quotidien, pour aller travailler, par exemple) et une réforme du Code de la sécurité routière afin de favoriser la mobilité urbaine (légalisation de la circulation interfile, partage des voies de bus et de covoiturage, péages et stationnement gratuits pour les DRM, etc.).
Les avantages des deux-roues motorisés
L’étude menée par Transport & Mobility Leuven pour la Fébiac (Fédération belge de l’Industrie de l’Automobile et du Cycle), en 2011, sur un parcours autoroutier de 30 km entre Louvain et Bruxelles ayant la réputation d’être très achalandé et souvent congestionné aux heures de pointe, a conclu que si 10% des automobilistes délaissaient leur auto pour un DRM, les heures perdues dans les embouteillages seraient réduites de près de 40%. La Fébiac affirme même que si l’on parvenait à remplacer 25% des autos par des DRM, les embouteillages disparaîtraient complètement. L’étude poursuit en soulignant que la réduction des bouchons observée durant cette période a entraîné une baisse de 6 à 10% des émissions polluantes.
À la même époque, deux études américaines, une menée par le chercheur californien Steve Guderian, intitulée « Lane sharing : a global solution for motorcycle safety » et l’autre conduite par Myra Sperley et Amanda Joy Pietz du ministère des Transports de l’Oregon, intitulée « Motorcycle Lane-Sharing », ont prouvé que la circulation interfile était efficace, sécuritaire et permettrait de sauver des vies.
Les DRM favorisent la distanciation sociale, peuvent parcourir de longues et de courtes distances, prennent beaucoup moins de place que les voitures, consomment moins de carburant et favorisent la fluidification du trafic. De plus, ils aident à réduire les embouteillages, la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre (normes Euro4/Euro5) et contribuent à l’amélioration du stationnement.
Plusieurs tests réalisés en Europe par des organismes privés et publics, ainsi que par des magazines spécialisés, ont montré que les deux-roues motorisés sont de loin le moyen le plus rapide de se déplacer. Ils sont également moins chers que la voiture ou les transports publics et toujours disponibles.
Transports citadins
Dans les zones urbaines et périurbaines, il faut repenser les déplacements des individus, mais surtout réinventer le transport de marchandises de toute urgence. Remplacer les camions de livraison, les camionnettes des facteurs et des livreurs de colis, les automobiles de compagnie et les véhicules municipaux par des vélos cargo et des triporteurs électrifiés, voire des drones et, chaque fois que c’est possible, par des DRM (motos, scooters, scooters électriques, vélos électriques, speed-pedelecs, etc.).
On gagnerait également à promouvoir l’utilisation des transports ferroviaires et du ferroutage entre les centres de production et de distribution, souvent éloignés de plusieurs centaines de kilomètres, de façon à réduire la circulation des camions sur les grands axes routiers (autoroutes 401, 40, 20…) et dans les villes.
Pour les transports personnels en ville, le partage de cyclomoteurs et de voiturettes électriques est également une option à considérer. Lorsque davantage de personnes optent pour les DRM et les autres options mentionnées ci-dessus, on laisse plus de place pour les autres usagers de la route comme les cyclistes, les piétons et les utilisateurs d’autres types de micromobilité. Au final, tout le monde, même les automobilistes, en profitent.
Il ne faut pas rater le coche !
En 2012, Jean-Pierre Belmonte, président de la Fondation Promocycle et moi-même avions organisé une table ronde sur l’avenir de la moto au Québec regroupant divers intervenants du milieu. À l’époque, donc bien avant l’apparition du coronavirus, nous avions déjà fait des recommandations similaires. Lesquelles sont encore plus d’actualité en cette période de pandémie.
Quand on est en mesure de le faire, il est préférable d’utiliser la moto plutôt que l’auto. C’est bon pour la circulation routière, pour l’économie et pour l’environnement. La moto nous apporte un grand sentiment de liberté et d’indépendance en plus d’être bénéfique à notre santé mentale, comme je l’expliquais dans un récent éditorial. Alors, pourquoi s’en priver?
Les solutions existent. Il ne tient qu’à nous d’en faire la promotion et de militer en faveur de la moto.