Ne nourrissons pas les trolls, pinailleurs, preneurs de tête et autres plaies du Web 2.0
Publié le 10 décembre 2013
Par moments, il m'arrive, comme à beaucoup d'entre vous, d'être aux prises avec des casse-pieds. Des gens sans intérêt, mais auxquels je dois répondre pour éviter qu’ils véhiculent des inepties à mon sujet.
J’utilise Internet de façon intensive à mon corps défendant. En raison de la nature de mon activité professionnelle. Je trouve que le Web est un merveilleux outil de travail et de communication. Pourtant, j’entretiens encore une certaine méfiance à son égard. En particulier à propos des forums et des réseaux sociaux que je considère comme un mal nécessaire et auxquels je recours avec certaines réserves. En effet, ces espaces de communication prétendus libres le sont de moins en moins tant ils sont envahis par les trolls et autres preneurs de têtes professionnels qui trouvent toujours le moyen de nous pourrir la vie. Internet a donné la parole — et de ce fait une certaine importance — à des individus qui ne la méritent pas.
Si la différence entre troll et chieur est ténue, elle est néanmoins significative, par la manière dont les deux s’expriment, mais surtout par la nature de leurs intentions et de leurs motivations. Contrairement au troll, électron libre de la Toile ou Webanarchiste, le preneur de tête n’agit pas par volonté de semer la discorde ou de nuire, mais par un besoin impérieux de montrer qu’il existe, de prouver sa prétendue valeur ou ses connaissances supposées, lesquelles sont inférieures à l’idée qu’il s’en fait. De plus, quand le preneur de tête nuit, c’est souvent involontairement, ce qui est encore plus insupportable.
Avec Internet, les pinailleurs et autres preneurs de tête ont trouvé un terreau fertile pour prospérer. Avant, ils étaient limités à des sphères d’intervention restreintes — réunions de famille, rencontres entre amis ou collègues de travail, événements sociaux — et ne nous pourrissaient pas la vie à longueur de journée, leur influence étant limitée dans l’espace, mais aussi dans le temps, la durée d’une rencontre. Leur auditoire était également restreint aux cercles dans lesquels ils évoluaient. Aujourd’hui, ils peuvent intervenir à leur guise, à tout moment de la journée et s’immiscer dans de nombreux cercles, que se soit sur les forums ou sur les réseaux sociaux. Ils ne sont jamais à plus d’un clic de souris de vous prendre le chou.
Même s’ils sont animés par les mêmes motivations, les pinailleurs et les preneurs de tête se distinguent par leur modus operandi. Les premiers sont souvent passionnés par un sujet qu’ils pensent connaître parfaitement et cherchent à faire étalage de leur science à tout propos, pour peu qu’on leur en donne l’occasion. «La culture, c’est comme la confiture: moins on en a, plus on l’étale!» prétend l’adage. Il suffit de lancer une discussion sur leur thème de prédilection pour les voir se radiner comme une volée de mouettes ayant découvert une frite sur le stationnement d’un McDo. Les seconds sont spécialistes de rien, mais ils ont un avis sur tout et meurent de le partager avec la terre entière. Quel que soit le sujet que vous aborderez, ils le connaîtront mieux que vous et vous prendront la tête pour des détails insignifiants ou vous raconteront des anecdotes banales et dont vous n’avez rien à faire.
Le problème avec ces chieurs, c’est qu’ils veulent toujours avoir le dernier mot, même si c’est pour répéter des choses qui ont déjà été dites, souvent en mieux. Dès que vous leur répondez, vous êtes pris dans un engrenage infernal. Vous pouvez les envoyer paître, vous pouvez vous moquer d’eux, ils reviendront quand même à la charge. Leur égo est plus gros que leur intelligence. Comme disait Coluche dans un de ses sketches, paraphrasant Descartes: «L’intelligence c’est la chose la mieux répartie chez les hommes parce que quoi qu’il en soit pourvu, il a toujours l’impression d’en avoir assez vu que c’est avec ça qu’il juge».
Très calés en théorie, mais souvent nuls en pratique, les chieurs savent tout mieux que tout le monde. Ils peuvent expliquer la mécanique à un ingénieur, l’enseignement à un pédagogue, la médecine à un docteur, la photographie à un chasseur d’images professionnel. Sans aucune gêne. D’ailleurs, ils n’ont pas peur du ridicule. C’est à ça qu’on les reconnait. Tout le monde sait que le ridicule ne tue pas, malheureusement.
Les pinailleurs ne supportent pas que vous puissiez avoir une discussion légère sur un sujet qu’ils considèrent comme important. Ils se plaisent à l’expliquer dans le détail, jusqu’à ce qu’il devienne incompréhensible ou jusqu’à ce que vous ayez le ciboulot qui surchauffe. Par ailleurs, ils se complaisent dans la critique, mais rarement dans l’action. C’est trop trivial pour eux, trop terre à terre.
Ce dont les pinailleurs et les preneurs de tête ne se rendent pas compte, c’est qu’en cherchant à défendre une cause qui leur tient à cœur, ils finissent souvent par lui nuire. Leurs interventions deviennent alors contre-productives, spécialement quand ils s’attaquent aux journalistes qui essaient de promouvoir leur cause. Créer le buzz n’est pas facile, mais le réduire à néant est d’une simplicité enfantine.
Le meilleur moyen de se débarrasser de ces empêcheurs de discuter en rond serait de ne pas leur répondre, mais parfois il est dangereux de leur laisser le dernier mot, spécialement quand ils véhiculent des inepties ou propagent des rumeurs vous concernant. Car ça, c’est leur réponse ultime quand ils sont à court d’arguments. Essayer de vous discréditer pour avoir raison malgré tout.
La seule chose efficace à faire, pour ne plus être importuné par ces gêneurs, c’est de les éliminer de tous les cercles dans lesquels ils s’immiscent. De les rayer de nos listes d’amis respectives. Les chieurs de mes amis sont aussi mes chieurs. À nous de faire le ménage dans nos carnets d’adresses pour que nos preneurs de tête ne sévissent pas chez nos amis. Arrêtons l’épidémie maintenant!