Et l'ennui naquit de l'uniformité...
Dans quelques jours, je partirai pour Milan afin d’assister à l’EICMA, le plus gros salon de moto au monde. Avec l’espoir que l’industrie nous surprendra enfin et présentera plus de nouveautės qu’à Cologne, le mois dernier. Peut-être aura-t-on la chance de dėcouvrir de nouveaux concepts, des machines innovantes qui vont revitaliser la pratique de la moto. Parce que, franchement, depuis quelques années, l’industrie tourne en rond. Elle a perdu la capacité de se réinventer et de nous émerveiller.
C’est bien beau de faire des motos de plus en plus perfectionnées, de plus en plus fiables, bardées d’électronique, encore faudrait-il qu’elles nous fassent frémir, qu’elles nous fassent rêver. À quelques exceptions près (Triumph Street Triple, MV Agusta F3 et B3, KTM SuperDuke, BMW S1000RR, Ducati 1199 Panigale…), ce n’est plus vraiment la norme aujourd’hui. Et c’est triste.
Personnellement, je veux plus. J’ai envie de retomber en amour. De me faire surprendre. D’être désarçonné. De retrouver des plaisirs démodés. Je veux avoir le cœur qui bat la chamade quand je vais retrouver ma Belle. Sentir ma gorge se nouer quand je la vois, posée nonchalamment sur sa béquille. Vibrer de tous mes os quand je l’enfourche.
Cet été, j’ai parcouru plus de 10 000 km en Europe, au guidon de ma vieille Inazuma 750 de 1999 qui affiche 54 000 km au compteur. Malgré son 4-en ligne à refroidissement air/huile démodé, qui crache à peine 85 chevaux, son châssis d’une autre époque et son look dénudé à l’extrême, elle me donne des frissons et me met la banane sur le visage chaque fois que je la pilote.
Alors, que s’est-il passé depuis le passage à l’an 2000? Les ingénieurs ont-ils vendu leur créativité au diable? Ou ont-ils succombé au chant des sirènes de l’automobile? Ont-ils peur d’oser et de braver les interdits? À l’heure de la sécurité à tout crin, il semblerait que l’industrie ait baissé les bras devant les bien-pensants et ait oublié pourquoi et pour qui elle fabriquait des motos. Pas étonnant que les jeunes pensent que la moto est un sport de vieux…
Allez, Messieurs les constructeurs! Un petit effort! Concoctez-nous un petit roadster délinquant, sans électronique, boosté aux hormones. Une sportive simple, mais explosive, le genre de monture politiquement incorrecte, qui vibre, qui fait du bruit et qui fume bleu. Pourquoi pas un deux-temps moderne, genre NSR500 Replica? Ou encore un gros trail routier, façon BMW R1200GS ou KTM 1090 Adventure, mais ultraléger, maniable et rebelle. Un truc de fou, sans aide au pilotage, qui vous donne des frissons dès que vous lancez le démarreur. Avec lequel on peut sauter les trottoirs (ou les dos d’âne, ce n’est pas ce qui manque au Québec), faire des travers de porc et des freinages de bucheron, pour ensuite tailler 800 km de routes secondaires et viroleuses dans un coin paradisiaque, sans radars, sans flics, sans circulation… Je sais, je délire. Mais c’est bon. Et ça donne l’impression d’être vivant!
Antoine Houdar de La Motte a écrit un jour : « Et l’ennui naquit de l’uniformité! ». Il ne croyait pas si bien dire le bougre. Je suis persuadé que s’il revenait parmi nous, il trouverait le monde bien ennuyeux aujourd’hui.