Techno prisoners!*
À l’occasion de mon dernier voyage à Bar Harbor, dans le Maine et à Kamouraska, j’ai eu quelques raisons de pester contre l’électronique envahissante de la K1600GTL à bord de laquelle ma femme et moi voyagions. Durant toute la seconde moitié de ce périple, ma conjointe n’a pu utiliser son système de communication pour écouter sa musique, car le module Bluetooth de la moto l’en empêchait. Il cherchait constamment à se jumeler avec ledit système et coupait la musique sans cesse. J’ai eu beau chercher à le désactiver, rien à faire. Dès que je remettais le contact, il se réactivait. À devenir fou.
Même chose pour les poignées chauffantes. Auparavant, sur les Béhèmes, un bouton à trois niveaux d’intensité, situé sur un des guidons, permettait de les règler. Il s’agissait d’un mécanisme simple et efficace. Et sûrement peu coûteux. Là, sur la GTL, le réglage se trouve caché au troisième niveau du menu interactif que l’on opère à l’aide de la roulette multifonction située sur le guidon de droite. On suit les informations sur l’écran de l’ordinateur de bord, sauf que l’opération est hasardeuse quand on roule. Voire extrêmement dangereuse, comme j’ai eu l’occasion de le vérifier sur l’autoroute entre Sherbrooke et Drummondville. J’ai failli prendre le champ en essayant de les mettre en marche.
Depuis quelques années, les constructeurs axent tous leurs efforts sur l’électronique et tentent de nous imposer des systèmes développés initialement pour l’automobile, comme les GPS, les clefs codées, les clefs électroniques, les ordinateurs de bord, les cartographies d’injections réglables, l’antipatinage multimode, les suspensions électroniques, l’ABS voire les coussins gonflables. Même si ces technologies fonctionnent à merveille sur les autos et rendent parfois de grands services à leurs utilisateurs, il en va tout autrement en moto où on ne peut pas, par exemple, demander au passager de les contrôler alors qu’on roule. Il faut arrêter et perdre son temps avec ces gadgets que l’on n’a pas réclamés et qui nous nuisent plus qu’ils ne sous aident. Quand ils ne tombent tout simplement pas en panne au moment le plus inopportun.
Au cours des trois dernières saisons, nous avons connu diverses mésaventures avec certaines motos dotées de clefs électroniques qu’il n’est plus nécessaire de garder en permanence dans le contact (Ducati Multistrada 1200, Ducati Diavel, Harley-Davidson Electra Glide, Kawasaki Concours 14…). Soit nous les avons oubliées dans une poche de blouson ou sur une étagère dans le garage, soit elles ont cessé de fonctionner. Dans tous les cas, nous sommes restés immobilisés loin de la maison, sans pouvoir demander l’aide d’un serrurier. Quand une telle situation se produit, il faut soit faire appel à un centre d’assistance routière gratuite (BMW), soit à une compagnie de remorquage payant (pour les autres constructeurs). Une perte de temps inimaginable, sans parler du coût du service, ni du remplacement de ces clefs électroniques, lequel est exorbitant (de 200 $ à 450 $ selon les modèles, quand une clef normale vaut une dizaine de dollars). Un vrai scandale!
Il y a deux ans, nous avons failli annuler nos vacances estivales quand la moto que nous avions en essai a cessé de reconnaître sa clef codée. Soudainement, nous n’avions plus de courant. Impossible de démarrer la moto d’une quelconque façon. J’ai été contraint d’appeler le centre d’assistance routière, lequel a répondu rapidement à mon appel, mais nous avons perdu une journée complète à attendre une moto qui aurait été parfaitement fonctionnelle sans cette satanée clef codée. Que se serait-il passé si j’étais tombé en panne dans un coin perdu, loin de tout concessionnaire de la marque? Avouez qu’il y a de quoi rager.
Quand elle est au service de l’utilisateur et lui facilite la vie, la technologie est une merveilleuse découverte. Mais quand elle devient une entrave à son plaisir et ne lui apporte aucun gain, elle est nulle et non avenue! Inutile! Et son coût est alors prohibitif. Personnellement, je souhaiterais que les constructeurs fassent marche arrière en la matière. Et qu’ils concentrent leurs énergies à nous procurer des dispositifs utiles que nous réclamons à cor et à cri depuis des lustres, comme un indicateur de rapport engagé, un régulateur de vitesse simple et facile à utiliser, une béquille centrale de série gratuite, des bulles de carénage vraiment aérodynamiques, des selles confortables ou encore des points d’ancrage bien conçus pour arrimer nos bagages. Et je ne leur demande même pas de nous construire des motos assez basses pour que n’importe qui puisse les piloter. Quand les constructeurs vont-ils comprendre que nous sommes des motocyclistes, non des automobilistes? Et enfin répondre à nos besoins véritables?
* Formule détournée de l’expression idiomatique anglaise « Take No Prisoners! » qui signifie « Pas de quartier! » en français.