Fausses primeurs, photomontages et autres perversions de l'information
Je suis abonné à plusieurs magazines de moto européens depuis une vingtaine d’années. Par intérêt, mais aussi par curiosité professionnelle. Pour voir ce qui se passe là-bas, ce qui intéresse les journalistes et les lecteurs. Pour comprendre comment le marché européen, qui constitue un des deux principaux axes de développement du marché mondial, avec celui de l’Amérique du Nord, au niveau de la recherche en tout cas — puisqu’en ce qui a trait aux ventes, c’est l’Asie qui domine — se développe et évolue.
Depuis quelques années — les mauvaises langues diront depuis l’avènement d’Internet et des blogues, ce qui constitue un raccourci un peu facile et erroné du point de vue de l’analyse objective des faits —, les principaux magazines d’outre-Atlantique se livrent une guerre des scoops qui est en train de miner leur crédibilité et conduit à une dérive dangereuse. J’avais déjà abordé ce sujet l’an dernier, à peu près à la même époque, dans un éditorial intitulé Débarrassons-nous des «motostradamus» qui dénonçait les revues, anglaises et françaises, principalement — car ce sont celles que je lis le plus — qui repiquaient des rumeurs et des photos volées sur Internet et dans les publications japonaises, friandes de ce genre de presse et qui entretiennent des liens de proximité avec les constructeurs nippons, et les présentaient comme des informations.
Un an plus tard, non seulement la situation n’a pas évolué, mais elle a empiré. Pour faire de l’audience, certaines revues ne se gênent pas pour publier des photomontages approximatifs, accompagnés d’estimations et de prédictions tout aussi farfelues. En fait, ces photomontages se généralisent et sèment le doute dans l’esprit des lecteurs. Au point qu’à la veille des salons internationaux, plusieurs magazines ont décidé d’accompagner la présentation des nouveaux modèles 2010 d’un tampon indiquant «photos officielles». Pour bien aviser leurs lecteurs que, cette fois-ci, la moto XYZ était bien réelle. Qu’il ne s’agissait pas d’un délire de graphiste ou de journaliste en mal de primeur. Mais comment a-t-on pu en arriver à une situation aussi loufoque? Comment a-t-on pu pervertir à ce point l’information et trahir le lien de confiance qui unissait les revues et leurs lecteurs? La chute du lectorat dont sont victimes un grand nombre de publications trouve certainement une part de sa justification dans ces pratiques douteuses. Approximation et information ne font pas bon ménage et les lecteurs ne sont pas aveugles. Encore moins stupides.
À motoplus.ca, le webzine que j’ai lancé il y a deux ans, nous avons adopté une politique éditoriale claire à ce sujet. Si la moto n’existe pas réellement, c’est-à-dire, en ce qui nous concerne, si nous n’avons pas reçu de photos officielles ou d’informations émanant du constructeur, nous n’en parlons pas. À moins bien sûr d’avoir des informations sûres et vérifiées provenant de sources inattaquables. Nous ne vous parlerons donc pas de la nouvelle CB1100 que Honda doit présenter au Salon de Tokyo, dans quelques jours et dont on peut voir les photos sur le Net depuis quelques semaines. Ni du dernier joujou de KTM qui devrait être dévoilé à Milan, au début de novembre. Ni de la BMW R1300RT que la rumeur annonce également au même salon. Quand nous le ferons, ça sera pour vous donner les faits, vous montrer les vraies photos, commenter des caractéristiques techniques vérifiées. En agissant ainsi, nous serons peut-être en retard sur certains de nos compétiteurs, mais nous respecterons la confiance que vous nous témoignez. En espérant que ça sera payant sur le long terme. Pour vous et pour nous. Car nous bien l’intention d’être présents encore longtemps.