Julie, tu charries un pneu!
Depuis quelques jours, la température s’adoucit, la neige fond, à tout le moins sur les grandes routes urbaines et périurbaines. L’asphalte s’assèche et fait monter en nous l’irrésistible envie de rouler. Pourtant, je ne saurais trop vous conseiller de patienter jusqu’au 16 mars avant de succomber à vos bas instincts. Même si les routes devenaient soudainement tout à fait praticables.
Je dis «bas instincts» à dessein, car, selon les termes de la nouvelle loi sur l’obligation d’installer des pneus d’hiver sur les véhicules de promenade entre le 15 décembre et le 15 mars, les motos sont chassées des routes durant cette période. Rendues illégales. Pour la simple et bonne raison qu’il n’existe pas de pneus d’hiver pour les motos, pour l’instant. Je sais que beaucoup d’entre vous tombent des nues en lisant ceci. C’est complètement ubuesque. Mais ça se passe ici, chez nous. Et nulle part ailleurs. Les libéraux peuvent se vanter d’avoir réalisé la société distincte — à ce chapitre en tout cas —, chère aux péquistes.
Et, une fois de plus, nous devons cette loi loufoque à Julie Boulet, «La pharmacienne de St-Tite», députée de Laviolette et, malheureusement pour nous, ministre des Transports. Il faudrait réfléchir un peu plus sérieusement quand vient le temps de voter… Surtout quand on commet deux fois d’affilée la même erreur. Mais ça, c’est une autre histoire. Une que je vous raconterai un autre jour…
Même si on limitait l’application de cette loi aux autos et aux camions, elle ne tiendrait pas vraiment la route. À moins d’affirmer une volonté délibérée d’enrichir les manufacturiers de pneus et les propriétaires de garage, on ne voit pas vraiment la nécessité d’un tel règlement. D’autant qu’une vaste majorité d’automobilistes québécois, en ville comme en campagne, utilisaient déjà des pneus d’hiver. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, les routes du Québec sont pavées de mauvaises dispositions.
Qui plus est, les statistiques officielles de la SAAQ ne démontrent aucune hécatombe motocycliste durant cette période de l’année. Et ce, depuis des lustres. Si Mme Boulet cherche à nous protéger de nous-mêmes à tout prix — comme si on était assez stupides pour rouler sur des routes glacées —, pourquoi a-t-elle pris la peine de prévoir une exemption dans le règlement pour les motos de police? La vie des policiers à moto vaut-elle moins que celle du citoyen lambda (S.V.P., ne répondez pas à cette question purement rhétorique) pour que la ministre les autorise à prendre des risques indus — c’est-à-dire se servir de leur jugement, ce qu’elle nous refuse — au péril de leur vie? Si c’est le cas, elle fait preuve d’un cynisme sans bornes.
Au cours des dernières semaines, plusieurs motocyclistes téméraires — ou devrait-on dire des délinquants notoires? — ont goûté à la médecine de «La pharmacienne de St-Tite» et ont reçu des contraventions allant de 100$ à 200$ selon les rumeurs pour avoir osé rouler — ô crime odieux — sur nos routes durant la période bannie.
Si vous êtes dans ce cas-là, je vous conseille de contacter le Comité d’action politique motocycliste (CAPM) au 514-253-2276 ou encore S.O.S. Ticket (service payant) et de leur fait part de votre mésaventure. Car il semblerait, selon Me Éric Lamontagne, avocat en chef de S.O.S. Ticket, qu’il soit possible de contester avec succès ces billets d’infraction. En effet, bien que le ministère des Transports affirme que les motos sont assujetties aux mêmes règles que les voitures, dans l’article 440.1. le Code de la sécurité routière (CSR) définit les véhicules de promenade comme des véhicules automobiles et ne fait nullement mention des motos… On pourrait donc plaider que celles-ci ne sont pas incluses dans les véhicules de promenade au sens strict du Code de la sécurité routière.
Comment en est-on arrivé à de telles inepties? N’y a-t-il personne au gouvernement qui soit suffisamment intelligent ou influent pour mettre un frein à la mégalomanie de Julie? À sa boulimie réglementaire? À sa crise de «sécurite» aigue? J’ai hâte de voir la réaction des juges qui vont devoir statuer en cas de contestation. Ça risque de valoir le déplacement.
Tout ça me rappelle une citation fort à propos d’Arthur Adamov, un des initiateurs du Théâtre de l’absurde : «L’homme ne saurait connaître la loi, mesurer ses limites, qu’en passant outre.» Voilà qui mérite réflexion. Et nous fournit une voie à explorer si on veut contester ce règlement stupide. Entre le 15 décembre 2009 et le 15 mars 2010?