« Reportages

Le code de Keith

Didier en pleine concentration, sous l’œil vigilant de Misti Hurst.

Texte : Didier Constant (texte principal), Patrick Laurin et Guy Parrot
Photos : Dave Beaudoin, Didier Constant, California Superbike School, Guy Parrot

Niveaux 1 et 2: où je découvre mes défauts et le circuit de Las Vegas Motor Speedway

Novembre 2010, circuit de Las Vegas Motor Speedway. Un vent violent souffle en rafales. Sur la piste, la température frôle les 5 degrés Celsius. Pourtant, hier lors de notre arrivée, le soleil brillait et il faisait 28 degrés. Mon collègue Guy Parrot et moi-même sommes inscrits à un camp de deux jours de la CSS pour y suivre les niveaux 1 et 2 de l’école. Comme je suis plutôt chanceux dans la vie — c’est du moins le commentaire le plus courant que je reçois sur ma page Facebook —, j’ai un instructeur charmant en la personne de Misti Hurst, une pilote pro originaire de Colombie-Britannique qui a couru dans le championnat canadien RACE et dans celui de l’AMA (American Motorcyclist Association), au début des années 2000. En plus d’être belle et très sympathique, elle est extrêmement rapide et talentueuse. Elle va donc me guider au cours des deux jours du camp et m’aider à franchir un nouveau cap au niveau de mon pilotage. C’est du moins le but de ma venue ici. Guy est moins verni; il a aussi un instructeur jeune et charmant. Mais c’est un gars. Un peu macho, en plus. Il n’y a donc pas photo. Je remporte la première épreuve haut la main.

Depuis 2010, l’école a signé une entente avec BMW, après des années de collaboration avec Kawasaki, et utilise la nouvelle S1000RR pour son enseignement. Nous allons donc avoir une S1000RR flambant neuve à disposition pour les deux jours du camp. En discutant avec Keith, je ne peux m’empêcher de lui demander s’il n’y a pas un certain danger à utiliser des motos développant plus de 190 chevaux pour enseigner à des pilotes dont certains sont novices ou peu expérimentés, sur des circuits de classe mondiale. «La S1000RR est une moto facile à appréhender et à maîtriser, malgré sa puissance phénoménale,» me confie Keith, l’air amusé. «Elle dispose d’une électronique de pointe permettant d’adapter la puissance aux conditions rencontrées (conditions de piste, niveau de l’élève, traction, etc.). Lors du niveau 1, les motos sont réglées sur le mode «Rain», une cartographie qui limite la puissance et accroît l’antipatinage. Lors du niveau 2, on les règle en mode «Road». Les élèves ne peuvent passer en mode «Sport» que lors des niveaux 3 et 4. De plus, notre mission est d’apprendre la maîtrise aux élèves. Une moto se contrôle avec le poignet droit, mais avant tout avec le cerveau. Et c’est ce que nous tentons de leur inculquer. Depuis que nous avons acheté les BMW, nous avons eu très peu d’accidents à déplorer. Preuve que nous avons fait le bon choix!»

Puisque l’on parle de sécurité, il faut remarquer que l’école ne fait aucun compromis à ce sujet. Dès le début du cours, Keith nous avise que si nous tombons, surtout avec l’une des motos de l’école — mais ça reste vrai si vous suivez le cours avec votre propre moto —, l’aventure s’arrête là. Pas d’exception. En plus de 30 années d’opération, le dossier de sécurité de la CSS est impeccable. Par ailleurs, tout élève qui ne respecterait pas les consignes données par les instructeurs, qui doublerait les autres participants lorsque c’est interdit ou qui adopterait des comportements dangereux pour lui ou les autres, serait exclu du cours. Sans remboursement. Avis aux «squids» et à ceux qui se prennent pour de futurs Champions du monde!

La caverne d’Ali Baba, version élève de la CSS.

La caverne d’Ali Baba, version élève de la CSS.

Niveau 1

Le déroulement d’une journée de la CSS est très structuré, il n’y a aucune place à l’improvisation ou à l’amateurisme. On alterne cinq cours théoriques en classe et cinq séances en piste. Chacune de ces sorties sur circuit a pour but de mettre en pratique les techniques apprises en classe. Avant de revenir dans la salle de cours, chaque élève a droit à une séance de débreffage avec son instructeur, afin de déterminer si les exercices ont bien été compris et exécutés, mais aussi de vérifier que l’élève les a assimilés correctement et est prêt à passer à l’étape suivante.

Personnellement, j’ai eu la chance d’avoir Keith Code lui-même comme professeur, pour la partie théorique, lors des deux premiers niveaux. En tant qu’ex-enseignant, j’ai adoré sa façon de nous exposer des concepts abstraits et de les rendre limpides, très faciles à comprendre. Sa manière de décortiquer une action en piste, de l’analyser et de la partager avec nous. Il a cette faculté rare de transposer son expérience en termes simples et de vous la transmettre de telle sorte que vous reteniez la leçon à jamais. En plus, et ça ne gâte rien, il a un sens de l’humour que j’aime beaucoup. Et une manière de remettre les imbéciles à leur place avec un sourire, sans qu’ils se sentent insultés. Certains diraient qu’il est un peu baveux, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Il s’arrange seulement pour être écouté. Et c’est un communicateur naturel.

Rarement aura-t-on vu des élèves aussi attentifs.

Rarement aura-t-on vu des élèves aussi attentifs.

Le programme de la CSS se compose de quatre niveaux qui suivent une séquence logique et chronologique. Impossible de brûler les étapes et de débuter au niveau 2 ou 3 sous prétexte qu’on a déjà suivi la formation d’une autre école. Car avant d’apprendre de nouvelles techniques, Keith Code et son équipe doivent vous «déconstruire», vous débarrasser de vos mauvaises habitudes et de vos idées préconçues — sans parler de vous apprendre l’humilité —, afin de partir d’une feuille la plus blanche possible. Lors des trois premiers niveaux, vous devez acquérir de nouvelles techniques, une étape à la fois. À l’ancienne. Chacune de ces compétences s’appuie sur la dernière ayant été assimilée afin de créer un ensemble cohérent de techniques qui favoriseront le contrôle de votre moto et «boosteront» votre confiance. Lorsque les pilotes se questionnent sur leur vitesse d’entrée en virage, les trajectoires idéales à suivre, la stabilité de leur moto et leurs propres erreurs, ils courent un danger. En abordant ces peurs et ces incertitudes sans artifice ni faux-fuyant avec les instructeurs et en les remplaçant par des techniques adéquates, les étudiants peuvent accroître leur vitesse et leur sécurité en piste.

Le Niveau 1 aborde les six erreurs les plus courantes commises par les pilotes, du novice au coureur de classe mondiale. Des erreurs qui ralentissent leur progression, quand elles n’y mettent pas un terme. À chaque sortie, notre instructeur observe les difficultés que nous rencontrons et nous aide à les corriger. Chaque pilote reçoit ainsi un enseignement personnalisé, en fonction de son niveau propre. Dans le cadre d’un camp de deux jours, chaque instructeur en piste supervise deux élèves (3 lors d’un cours normal) et peut ainsi suivre leur évolution sans difficulté. Pour les étudiants, c’est le gage d’un enseignement répondant adéquatement à leurs besoins et à leurs compétences.

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Une flotte de BMW S1000RR de l’année attend les élèves.

L’aspect de l’école qui m’a le plus étonné, surtout lors de ce camp de deux jours au Nevada, c’est la taille de l’école, des installations (locaux, camions, équipements, etc.) et la qualité des services offerts. En dehors de Keith et des professeurs, dont son fils Dylan, on comptait une vingtaine d’instructeurs pour 24 élèves présents, trois mécanos, une responsable administrative (inscriptions, paiements, remise des diplômes…), une préposée à l’équipement et une autre à la restauration. Une organisation professionnelle et très bien rodée.

À l’occasion du premier exercice pratique — il s’agit de rouler en groupe autour du circuit, sur un rapport prédéterminé, sans toucher au frein ni à l’embrayage —, je me suis senti un peu désarçonné, comme la plupart des élèves d’ailleurs. «Si ça continue comme ça, ça ne va pas durer!» me suis-je dit sur un ton ironique. Pourtant, l’exercice a pour but de nous apprendre à contrôler la moto avec l’accélérateur, une technique qui est à la base de la philosophie et de l’enseignement de Keith Code. C’est la formule qui a donné le titre de ses livres les plus connus «A twist of the wrist», volumes 1 et 2. En effet, et nous le confirmerons tout au long du programme, une moto se contrôle avant tout avec l’accélérateur. Une fois que l’on sait doser celui-ci en fonction des situations, on atteint un niveau de pilotage supérieur. Les autres outils (frein, embrayage, boîte de vitesses) n’étant que des aides supplémentaires à la conduite.

En attendant de sortir en piste pour la première fois, les élèves ont des papillons dans l’estomac.

En attendant de sortir en piste pour la première fois, les élèves ont des papillons dans l’estomac.

Au fur et à mesure que la journée avance, les exercices prennent plus de sens et, dès leur présentation, on commence à en deviner le but. Lentement, mais sûrement, notre cerveau se met au diapason de celui de Keith et de ses instructeurs. Nous sommes en symbiose.

À la fin de la journée, nos professeurs respectifs nous rejoignent avec les feuilles de temps de façon à observer notre évolution. Par discrétion, les instructeurs s’adressent à leurs élèves en privé, afin de ne pas froisser les sensibilités. De toute façon, chacun sait où il se situe dans son groupe respectif. Nul besoin de créer des dissensions au sein des groupes en établissant une hiérarchie basée sur les chronos. Nous sommes là pour apprendre, chacun à notre rythme, pas pour nous mesurer aux autres. Pour cette raison, Guy et moi qui avons été séparés dans deux groupes différents, gardons nos chronos secrets. Match nul pour cette deuxième épreuve.

Premiers tours de roues au Las Vegas Motorspeedway. La glace est brisée.

Premiers tours de roues au Las Vegas Motorspeedway. La glace est brisée.

Niveau 2

Le deuxième jour du camp, je débute par une séance sur le «lean-bike», une moto dotée de bras d’équilibrage grâce à laquelle nous travaillons notre position sur la moto, en virage. Trois autres exercices exclusifs sont au programme du camp de deux jours: le «braking bike» sur lequel on met en pratique des exercices de freinage, le «slide-bike» (niveau 4 seulement), qui permet de tester les dérapages contrôlés et la moto-caméra. Il s’agit d’une moto équipée d’une caméra installée en position haute, au-dessus du pilote, qui filme la séance en caméra subjective, c’est-à-dire comme l’élève la vit et la voit. À la fin de la séance, l’instructeur vidéo analyse les images avec ce dernier afin de l’amener à réaliser comment il se comporte en piste et comment il peut corriger ses erreurs.

L’exercice suivant ne m’a pas séduit d’emblée — il faut faire trois tours du circuit selon trois trajectoires distinctes, une à l’extérieur du tracé, une au centre et la dernière à l’intérieur —, en utilisant seulement deux rapports (3 et 4), sans toucher aux freins. Cet exercice a pour but de découvrir la piste sous tous les angles possibles. Ceci permet de vérifier les conditions d’adhérence, de constater l’état de la piste, afin de pouvoir sortir de la trajectoire de course idéale sans crainte et en toute sécurité pour effectuer un dépassement, par exemple, ou éviter un obstacle. À ma grande surprise, j’ai découvert que cet exercice de lecture de la piste était riche en enseignements. Plusieurs pilotes pros l’utilisent régulièrement quand ils découvrent un nouveau circuit.

Dylan Code, l’instructeur-chef de l’école, prodigue les enseignements de son père.

Dylan Code, l’instructeur-chef de l’école, prodigue les enseignements de son père.

En fait, la vision est le thème central du niveau 2. Keith a été un des premiers à s’attaquer à ce problème et à établir une corrélation entre la vision et le niveau de pilotage. Il a mis au point des exercices spécifiques qui permettent aux élèves d’améliorer leur pilotage en apprenant à mieux regarder, mais surtout à analyser ce qu’ils voient. Une fois que l’on a compris ce qu’était une moto, ce qu’elle pouvait et devait faire pour nous — c’est le but du niveau 1 —, il faut aiguiser ses aptitudes visuelles, étape par étape, une fois encore. Lors de cette journée, nous définissons nos «ennemis visuels» et nous apprenons comment les surmonter. Tout le monde sait que fixer une cible est dangereux — on se dirige là où l’on regarde —, mais encore faut-il savoir comment et où regarder, selon les situations. Comment, grâce à des procédures logiques, faire que vos yeux deviennent des instruments de précision et vos meilleurs alliés. Les résultats du niveau 2 sont probants. Pour la majorité des élèves, il s’agit d’une révélation. Ils voient la piste d’un nouvel œil et perdent leur inhibition visuelle, particulièrement à l’approche des virages. Une fois ces techniques assimilées, elles vous restent pour la vie et vous aident aussi bien sur piste que sur route.

Au terme de ce camp de deux jours, j’ai réellement l’impression d’avoir progressé. Plus qu’auparavant. Des écoles, j’en ai suivi plus d’une — RACE, FAST, ASM, Turn2, Freddie Spencer, Kevin Schwantz —, c’est mon dada. Et si chacune d’elles m’a donné de nouveaux outils afin de devenir un meilleur pilote, laCalifornia Superbike School m’a permis de mieux analyser mon comportement, mais surtout de mieux comprendre les interactions entre mes actions et les résultats de celles-ci. De mieux anticiper et réagir. Mais il reste encore à passer à l’étape supérieure et à suivre les niveaux 3 et 4 pour compléter ma formation. Rendez-vous est pris pour la saison suivante. Mais sans Guy cette fois-ci. Lui reviendra compléter sa formation au printemps 2013.

Niveau 1, au Las Vegas Motor Speedway. Première étape: se débarrasser des mauvaises habitudes.

Niveau 1, au Las Vegas Motor Speedway. Première étape: se débarrasser des mauvaises habitudes.

Niveaux 3 et 4: où je passe au niveau supérieur et je m’éclate au circuit de Thunderbolt, au New Jersey Motorsport Park

En juillet 2011, je me suis donc inscrit aux niveaux 3 et 4 de la CSS. Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un camp, mais de deux journées simples, consécutives. J’ai profité de l’occasion pour inviter un groupe d’amis à se joindre à moi et à découvrir l’école ainsi que le superbe circuit Thunderbolt au New Jersey Motorsport Park, une piste que j’adore. Cette fois, je ne louerais pas une des BMW de l’école. Je suivrais le cours avec une Honda CBR1000RR Repsol Replica d’essai avec laquelle je ferais la route de Montréal à Milville, au New Jersey (environ 800 km). Question de tester la nouvelle Honda et de me familiariser avec elle, mais aussi de voir si mes éventuels progrès dépendront ou non de la moto.

Après un voyage sans anicroche, nous sommes arrivés à Milville, une cinquantaine de kilomètres au nord d’Atlantic City, en fin d’après-midi. Il faisait encore très chaud. Une journée d’été typique de cette région des États-Unis. Le soir, après un bon repas entre amis — bon repas pour la région, on s’entend —, nous nous retrouvons au motel. Aucun de nous n’est prêt à aller se coucher, même si nous savons tous qu’il faudrait nous lever de bonne heure le lendemain matin et être en forme pour attaquer la journée. Un d’entre nous a acheté une caisse de bière au dépanneur du coin. Nous sommes restés longtemps à discuter devant nos chambres, une bière à la main. Tout le monde est tendu. Pas nerveux ni inquiet. Tendu. Positivement parlant. En attendant que débutent les hostilités.

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Le circuit Thunderbolt du New Jersey Motorsport Park, où j’ai suivi les niveaux 3 et 4.

Niveau 3

À Thunderbolt, nous avons droit à une journée torride. Dès notre arrivée, à 7 heures tapantes, le soleil frappe fort. Une chaleur extrême régne sur le circuit où il n’y a aucun arbre ni aucune zone d’ombre, si ce n’est sous l’auvent du camion de l’école, ou dans les garages. Après avoir complété notre inscription et passé le contrôle technique (je suis le seul soumis à cette obligation, puisque les autres louent une moto de l’école), nous nous changeons dans la salle de classe. Nous sommes prêts une bonne heure d’avance. C’est ce qu’on appelle avoir l’envie d’apprendre… je ne me souviens pas que ça me soit arrivé lors de ma scolarité. Mes amis qui suivaient les niveaux 1 et 2 sont tous dans le même groupe, tandis que je me retrouve seul dans un autre, plus petit, les inscrits au niveau 3 étant moins nombreux. Ça me permet de les observer et de suivre leur progression pendant mes pauses.

Le niveau 3 est le dernier niveau où l’on suit un cours structuré. En effet, au niveau 4, c’est l’élève qui détermine les aspects de son pilotage qu’il doit améliorer. Pour certains, il s’agit d’une occasion de réviser les connaissances acquises lors des cours précédents et de les peaufiner, pour d’autres, il s’agit d’une journée de roulage supervisée par un instructeur. Dans les deux cas, c’est une magnifique journée, la raison pour laquelle j’ai suivi les trois niveaux précédents.

À ce stade, les cours théoriques sont prodigués par Dylan, le fils de Keith Code. Plus professoral que son père, Dylan est un chirurgien de l’enseignement. Il dissèque chaque technique au scalpel, méthodiquement, mais efficacement. Avec lui, pas le temps de plaisanter — l’humour n’est pas au menu —, on passe directement aux choses sérieuses. À la CSS, il est clair que les enseignants sont extrêmement bien formés et qu’ils maîtrisent leur sujet à merveille, mais on s’aperçoit rapidement que ce sont avant tout des passionnés. Chacun d’eux possède son style propre, sa manière de transmettre l’information de façon claire et précise, mais tous ont une lueur dans les yeux quand ils parlent de trajectoires, de position sur la moto, de freinage sur l’angle, d’accélération en sortie de courbe… le pilotage, c’est leur passion!

Seulement au niveau 3 et déjà numéro 1. Wouah!

Seulement au niveau 3 et déjà numéro 1. Wouah!

Le niveau 3 aborde cinq points techniques du pilotage, de façon proactive. Nous travaillons sur la façon dont nous interagissons avec la moto, et plus particulièrement sur la position de notre corps sur la machine. Nous voyons comme celle-ci peut influencer la manière dont nous négocions les virages. Une fois la position assimilée et les techniques de virages comprises, on peut accéder à des options de sélection de trajectoires que nous n’avons jamais imaginées. Les cinq exercices effectués dans le niveau 3 sont des outils indispensables qui nous permettent d’être en parfait contrôle dans n’importe quel virage ou succession de virages. Le dernier exercice appelé «Angle d’attaque» nous offre même une toute nouvelle approche sur la manière d’aborder un virage avec un plan prédéterminé.

À la fin de la journée, je retrouve mes copains au débreffage. Un d’eux a décidé de ne pas faire le niveau 2 le lendemain, en raison de douleurs persistantes au cou. Il cèdera sa place à un autre de nos amis qui ne s’était inscrit qu’au niveau 1 et qui, ravi de l’expérience, veut poursuivre avec le reste du groupe. Tout le monde est heureux et fourbu le soir venu.

Didier (à droite) en pleine conversation avec Keith Code.

Didier (à droite) en pleine conversation avec Keith Code.

Niveau 4

À mon arrivée au circuit, à 8 h du matin, je suis détendu. Ça m’arrive rarement lors d’une journée de roulage. Habituellement, je suis toujours un peu inquiet. Et je dors moyennement bien la nuit précédente. Mais là, tout va bien. Je me promène dans les puits, en combinaison de cuir, prêt à m’élancer en piste. Je jase avec les copains; on fait des blagues et on essaie de relaxer. Difficile, car il fait déjà chaud. Il faut veiller à s’hydrater suffisamment afin de survivre à cette journée que j’attends depuis le jour «un» à l’école. Le programme de la veille s’est bien déroulé pour moi. J’ai travaillé sur ma position de conduite avec l’aide de mon instructeur et je me sens de plus en plus à l’aise sur la moto. De plus, les virages s’enchaînent presque naturellement maintenant. Il faut dire que je commence à bien connaître le circuit. Le tracé se dessine dans mon cerveau comme une suite de points qu’il suffit de relier entre eux. La moto devient le crayon qui permettra de dessiner une trajectoire parfaite et moi, je suis la main qui la guide d’un point à l’autre. Plus besoin de cônes pour m’indiquer les points de braquage, de corde et de sortie. Plus besoin d’un instructeur en bordure de piste pour me dire si je dois ajuster ma vitesse, modifier mon angle d’inclinaison, changer ma position sur la moto. Tout est clair dans ma tête. J’entends même les instructions de Keith et de Dylan, les conseils de mon prof Jon Groom, un des instructeurs du niveau 4. Un gars vraiment bien qui a à peu près le même âge que moi (on se comprend lorsque l’on parle de nos bobos respectifs) et qui roule vraiment bien. C’est un vrai plaisir de le suivre en piste.

Patrick Laurin en action sur le «Lean Bike».

Patrick Laurin en action sur le «Lean Bike».

Et la journée se déroule harmonieusement, sans soucis particuliers, en dehors de la chaleur. J’alterne les sorties en piste avec des pauses dans la salle climatisée, à la recherche d’un peu de fraîcheur. Quand je descends de la CBR1000RR, je prends cinq minutes pour discuter avec Jon. Il me suit en piste et nous nous amusons comme des fous. Tout en travaillant avec sérieux. Il me donne un ou deux conseils et m’aide à corriger des points de détails.

Puis, après le lunch, je retourne en piste pour ma première sortie de l’après-midi. Les deux premiers tours sont magiques. Tout marche à merveille. Anticipation, équilibre, réflexes, plaisir. C’est le nirvana. Au troisième tour, j’arrive à fond au bout de la ligne droite, la tête dans la bulle. Je commence à ralentir pour négocier le virage numéro «un», je descends deux rapports et, au moment où je pose le genou droit à terre, j’entends une explosion. Je sens alors la moto s’affaisser d’un coup. Le pneu arrière vient d’éclater, sans préavis (on découvrira ensuite qu’une vis était plantée dans la bande de roulement). Par réflexe, je tire l’embrayage, je coupe les gaz sans toucher au frein et je me laisse dériver vers le virage numéro «deux» où je finis par m’immobiliser à l’extérieur de la piste, sur l’asphalte. Je descends et je pousse la moto hors de la trajectoire empruntée par mes collègues et je retire mon casque. Il fait chaud! Sur le coup, je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. J’ai agi par automatisme, non par instinct. Je me rappelle clairement avoir décomposé dans ma tête la suite logique des gestes à poser et ceux à éviter. Cependant, au fur et à mesure que je reprends mes esprits, je réalise que cet incident aurait pu avoir des conséquences fâcheuses et que l’issue aurait sûrement été tout autre si je n’avais pas suivi le cours de la CSS.

La pression monte dans les puits.

La pression monte dans les puits.

À cet instant précis, je réalise pleinement la valeur de l’enseignement que j’ai reçu. Je sais que l’expérience n’est pas étrangère à ma réaction, mais il est clair que grâce à cet enseignement, j’ai pu réagir calmement, sans précipitation, en analysant clairement la situation. À la fin de la séance, un pick-up passe me prendre, avec ma moto. J’achete un pneu neuf de l’école, je le fait installer par un des mécaniciens et je retourne en piste pour les deux dernières séances de la journée. Sans réelle appréhension. J’ai bien un petit pincement au cœur lorsque j’arrive dans le virage «un» pour la première fois, mais après deux tours, tout est rentré dans l’ordre.

I’ll be back! (je reviendrais!)…

…comme disait Arnold Schwarzenegger dans Terminator. Ça ne fait aucun doute. Car, et c’est là la beauté de l’école CSS, vous pouvez reprendre le cours de niveau 4 autant de fois que vous le désirez. Plusieurs pilotes pros le font régulièrement, pour remettre leurs savoirs à plat. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. De savoirs. C’est-à-dire un ensemble des connaissances acquises par l’étude, l’observation, l’apprentissage et l’expérience. Personnellement, je sais que mon apprentissage n’est pas terminé. Même si le temps m’est compté — je vois pointer la soixantaine à l’horizon —, je sais que j’ai encore la capacité d’apprendre. Et le besoin, aussi. Et, une fois que j’aurais acquis toutes les compétences qui me font encore défaut, il me restera alors à ajouter la vitesse à l’équation. Einstein n’avait-il pas une formule pour exprimer cela?

Durant le camp de deux jours, chaque élève passe une session complète au guidon de la moto caméra, afin d’analyser son comportement en piste et l’évolution de son apprentissage. Un exercice qui demande une certaine dose d’humilité.

Durant le camp de deux jours, chaque élève passe une session complète au guidon de la moto caméra, afin d’analyser son comportement en piste et l’évolution de son apprentissage. Un exercice qui demande une certaine dose d’humilité.

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Informations pratiques

Les origines de l’école

Keith Code fonde la California Superbike School(CSS) en 1980, avec le soutien de Kawasaki, Lockhart, Kerker et d’autres commanditaires. La CSS donne son premier cours la même année, à la piste de Riverside Raceway.

Au début des années 80, l’école compte plusieurs pilotes de renom parmi ses instructeurs, dont Eddie Lawson, alors pilote officiel Kawasaki en Superbike, dans l’AMA. Il deviendra par la suite quadruple Champion du monde 500 cc.

Première du genre, la CSS devient rapidement une école de renommée mondiale. Ses enseignements et son mode de fonctionnement ont été repris par de nombreuses écoles à travers le monde, même chez nous, au Canada.

Au cours des 33 dernières années, plus de 150 000 élèves ont amélioré leur pilotage à la CSS. Au fil des ans, des cours ont été dispensés dans une quinzaine de pays. Deux écoles permanentes ont également été ouvertes à l’étranger, une en Australie et une en Grande-Bretagne. Keith aimerait ajouter de nouvelles franchises en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. La CSS a aussi été la première école de haut calibre, aux États-Unis, à offrir des cours spécifiques destinés aux femmes.

Les cours de la CSS sont dispensés de février à novembre sur certains des plus beaux circuits de États-Unis (Las Vegas Motor Speedway, Streets of Willow Springs, Sonoma Raceway, Mazda Raceway Laguna Seca, Virginia International Raceway, New Jersey Motorsports Park (Thunderbolt), New Orleans Motorsports Park, Barber Motorsports Park, Miller Motorsports Park, The Ridge Motorsports Park).

Depuis 2010, la CSS est parainée par BMW. Les élèves de l’école peuvent apprendre à piloter sur la BMW S1000RR, la sportive ultime, selon de nombreux magazines spécialisés.

Keith Code

Keith Code

Keith a commencé à piloter dans les années 1950. Il a fait ses premiers pas en compétition à l’âge de 16 ans, dans les années 60, mais a dû marquer une pause en raison de problèmes de toxicomane. Il guérit de sa dépendance grâce à la Dianétique (théorie d’éveil spirituel enseignée par l’église de Scientologie). Il revient à la course dans les années 70, à la faveur de l’avènement des Superbikes. À cette époque, il court sur Kawasaki, pour Pop Yoshimura. Il poursuivra sa carrière professionnelle jusqu’en 1979, puis de façon épisodique, jusque dans les années 90.

Au cours de sa vie, Keith a étudié dans divers domaines et effectué une foule de métiers. Il a suivi des cours dans une école de design, a travaillé comme photographe professionnel, a conçu des chaussures pour les vedettes californiennes, a vendu des bretzels sur la rue et j’en passe. Il est ensuite devenu écrivain et inventeur.

Aujourd’hui, il se consacre à la compréhension et à l’enseignement de l’art de piloter une moto. Sa quête se poursuit toujours, après plus de 60 ans d’un parcours moto aucours duquel il a cotoyé et conseillé les plus grands pilotes au monde. Il a enseigné ses théories à une cinquantaine de Champions nationaux et mondiaux, parmi lesquels Ricky Graham, Bubba Shobert, Wayne Rainey, Doug Chandler, Fred Merkel, Scott Russell, John Kocinski, Ben et Eric Bostrom, Jake Zemke, Tommy et Nicky Hayden, James Toseland, Leon Camier et Thomas Lüthi, pour ne citer que les plus connus.

Keith vit à Glendale, en Californie, avec celle qu’il appelle «son âme soeur» depuis 40 ans, sa compagne Judy. Ils ont un fils, Dylan, qui enseigne avec Keith à la CSS.

Keith a publié plusieurs livres à succès, qui ont ensuite fait l’objet de vidéos, dont les plus connus sont The soft science of road-racing motorcycles, A Twist of the wrist (I et II).


Tiré de la biographie de Keith Code, sur le site de l’école.

Pour de plus amples informations, consultez le site web de la California Superbike School ou contacter l’école directement:

California Superbike School
940 N. San Fernando Road
Los Angeles, CA 90065
(323) 224-2734
(323) 227-7877 fax

L’expérience des autres pilotes

N’importe quelle formation est un plus pour les motocyclistes décidés à survivre dans la jungle de nos routes. Cependant, il y a une école qui représente le nec plus ultra quand il vient le temps d’apprendre les techniques de pointe. Il s’agit de la California Superbike School. Une école où j’ai été pour la première fois en novembre 2010. Ce cours m’a ouvert les yeux à un point tel que j’ai décidé d’y retourner en avril 2013. Et il y a de fortes probabilités que j’y retourne encore dans un avenir pas trop éloigné.

À l’occasion des niveaux 1 et 2, on apprend à développer les rudiments du pilotage d’une moto. Ce cours s’adresse aux motocyclistes détenant un permis de conduire valide et ayant déjà une expérience de conduite sur route. Il vous ouvrira les yeux sur un univers nouveau. Vous y apprendrez toutes sortes de techniques qui vous permettront de dépasser vos limites, en toute sécurité. Et en parlant de vision — c’est le programme du niveau 2 —, c’est peut-être à cette occasion que j’ai le plus appris. Par exemple, saviez-vous que quand vos yeux scannent le paysage rapidement, d’un côté à l’autre, votre cerveau se met à «pause» temporairement? D’où l’importance de fixer son regard très tôt à l’endroit où l’on veut aller et de ne pas regarder tout autour quand on attaque un virage!

Guy Parrot

Guy Parrot

Ces deux journées ont été les plus bénéfiques pour moi. J’y ai acquis des connaissances qui me servent encore aujourd’hui quand je me promène sur les routes de nos campagnes. Les niveaux 3 et 4 s’adressent surtout à tous ceux qui ont le désir de faire de la course. Je m’y suis plié avec un peu moins d’enthousiasme, sachant que je ne suis pas et ne serai jamais un coureur. Néanmoins, à ma grande surprise, mon instructeur insistait pour que je ralentisse la cadence pour mieux apprendre et intégrer la leçon en cours, alors que je croyais qu’il fallait au contraire que j’ouvre les gaz à plein. C’est ainsi que j’ai pu apprendre les techniques du déhanchement et du transfert de poids en virage. J’avais l’impression d’être à la télé, avec les Rossi, Marquez et Lorenzo. Sauf que même si ça parait simple à la télé, je sais aujourd’hui qu’il y a plusieurs mouvements exécutés en synchronisation pour enfiler les virages avec autant d’inclinaison. Et, quand on voit les coureurs répéter tous ces gestes virage après virage ,en sachant que leurs chances de rester en piste dépend de l’exécution de ces gestes, on ne peut qu’avoir du respect pour eux.

Personnellement, je veux retourner à la CSS, ne serait-ce que pour avoir le plaisir de rouler en S1000RR sur piste. Mais aussi parce que je voudrais bien savoir que sont ces 71 autres techniques que je n’ai pas encore vues. En effet, le cours 4 vient d’évoluer encore et comprend des techniques inédites. Malade du détail, Keith Code s’arrange pour qu’on ait envie d’en apprendre encore plus et qu’on veuille retourner en classe le plus souvent possible. Mission accomplie!

— Guy Parrot


Il y a de ces journées dans la vie qui sont tout simplement parfaites. Les deux jours de stages que j’ai faits avec California Superbike School, au New Jersey, en font partie. Lorsque je suis arrivé sur le site, il faisait déjà chaud et j’étais déjà dans le «beat» comme ont dit. Le site est magnifique et le circuit de haut calibre, je ne sais comment expliquer ça, mais chaque fois que j’arrive à une journée sur piste, je ressens une odeur particulière. Elle est mémorisée dans mon cerveau. Et plus l’odeur est forte, plus je sais que j’aurai du plaisir. Au circuit Thunderbolt Raceway, elle était très prégnante. Ça s’annonçait bien.

Patrick Laurin

Patrick Laurin

J’ai fait quelques stages avec d’autres écoles, mais celle-ci est de calibre supérieur. Tout d’abord, l’enseignement est de haut niveau et le ratio de trois pilotes par instructeur favorise l’apprentissage. L’autre aspect qui distingue ce stage de pilotage, se sont les groupes non homogènes, c’est dire que des gens de tout calibre tournent en même temps sur la piste. Il en résulte que durant votre séjour, vous allez devoir effectuer des dépassements, mais aussi que vous vous ferez larguer par les pilotes plus rapides que vous. Ça amène une autre dimension à l’expérience. C’est un aspect qui m’a beaucoup plu, d’autant que les instructeurs veillent au grain.

Malgré le fait que le tout se déroule en anglais, je n’ai pas eu de difficulté à suivre les cours théoriques ni les explications entre les séances en piste. Ceux-ci sont bien illustrés et les enseignants s’expriment avec clarté. Mes instructeurs lors de ces deux jours se sont comportés avec professionnalisme et m’ont fait progresser énormément. Je n’ai eu aucune difficulté à recueillir leurs observations sur mon pilotage ni leurs conseils. De vrais passionnés!

Les exercices au programme de chacune des sorties sont pertinents. D’une séance à l’autre, ils s’imbriquent pour vous faire progresser. À la fin de la journée, vous êtes sans aucun doute un meilleur pilote que le matin. Vous faites vos exercices à votre vitesse, ce qui laisse place au plaisir tout en apprenant, l’important étant de mettre en application les exercices et de les assimiler. J’ai particulièrement aimé les exercices dans lesquels il ne fallait pas recourir aux freins.

J’ai donc complété avec succès mes cours de niveau 1 et 2 et je suis impatient de pouvoir faire les niveaux 3 et 4. Lors de ces deux jours, j’ai loué une moto de l’école, une S1000RR… du bonbon! Mes journées se sont bien déroulées; nous avons eu soleil et chaleur et je roulais plutôt bien. En bonus, j’ai fait une première excursion hors piste afin d’éviter un pilote lors d’un dépassement. Ne vous inquiétez pas, j’ai juste roulé sur le gazon entre les virages 5 et 6 et je suis revenu sans dégât sur la piste. Lors de ces 2 journées, j’ai vraiment eu plaisir à apprendre et à rouler avec California Superbike School. En prime, j’ai pu partager cette expérience avec des copains.

— Patrick Laurin