La vie nous réserve parfois de drôles de surprises. Ainsi, lors d'une visite chez Hamel Honda, à Saint-Eustache, notre collaborateur Patrick Laurin qui attendait sa CB10000R entrée au garage pour sa première révision est tombé par hasard sur Stéphane Brisebois, cofondateur, avec sa compagne Renée Larouche, de Moto Nation, une compagnie spécialisée dans la location de motos de piste. Après une longue discussion — Pat n'a pas la langue dans sa poche et ne craint pas de faire la promotion de motoplus.ca —, Stéphane et lui en arrivèrent à la conclusion que nous devrions nous rencontrer et discuter de différents projets.
À la même période, je préparais une série d'articles sur les journées de roulage sur piste (track days) au Québec et je cherchais différents angles pour aborder ce sujet passionnant et peu traité dans la presse. Cette rencontre suggérée tombait à point nommé.
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Les motos alignées devant la remorque de Moto Nation sont prêtes pour la piste.
Elles sont chaussées de pneus Pirelli Supercorsa SP ou de Pirelli Superbike Slicks. |
La semaine suivante, j'entrais en contact avec Renée. La voix à l'autre bout du téléphone est douce et enjouée. Sympathique. Au fil de la discussion, un climat de confiance s'instaure et il devient clair que Renée est une vraie passionnée. Il suffit de l'entendre parler de leur compagnie, raconter des anectodes sur sa création et sur le parcours qui l'a amenée à rouler sur piste pour s'en apercevoir. Ça commence bien. Nous finissons par nous mettre d'accord sur un plan d'action et nous nous donnons rendez-vous à ICAR pour le dimanche 17 juillet. Mon collaborateur Guy Parrot et moi-même piloterons deux motos de Moto Nation, une Honda CBR600RR et une Suzuki GSX-R750 à l'occasion d'un track day organisé par Trackfever. Comme nous avons quand même un peu d'expérience de la piste, Guy et moi nous inscrivons dans le groupe « jaune », celui des intermédiaires, malgré l'invitation de Céline, la propriétaire de Trackfever, d'intégrer le groupe « rouge » où se retrouvent les experts.
Arrivés à 7 h, Guy et moi attendons près du camion de Moto Nation. Personnellement, je suis un peu tendu. Je n'ai jamais participé à une journée de roulage sur piste publique, par crainte des accidents possibles. Je suis habitué à rouler sur circuit seul ou en petits groupes, lors des lancements de presse ou d'événements privés et je ne fais pas vraiment confiance aux pilotes que je ne connais pas. Pas par sentiment de supériorité, mais par méfiance naturelle et par expérience. Je n'ai plus 20 ans, et je n'ai pas envie de me faire emboutir ou sortir de piste par un zozo qui a oublié son cerveau à la maison et qui s'imagine être Valentino Rossi. N'ayant plus rien à prouver à qui que ce soit et ayant depuis longtemps admis le fait que je ne ferai jamais carrière comme pilote professionnel, je roule à mon rythme, en prenant le minimum de risques, soit ceux nécessaires pour faire mon boulot au mieux, c'est-à-dire évaluer une moto qui ne m'appartient pas, la plupart du temps. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle j'ai décliné l'offre de m'inscrire dans les « rouges ».
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Inspection de la moto, en compagnie de Stéphane, afin d'établir le contrat de location. |
J'en étais à ce stade de mes réflexions quand Stéphane et Renée arrivèrent dans leur pickup. Guy et moi nous dirigeons alors vers eux. Renée descend du camion la première et marche vers nous d'un pas décidé. Elle porte un short kaki et un t-shirt noir sur lequel est imprimé le logo de Moto Nation. On dirait un uniforme. Mais ça lui va bien… Jeune, jolie (on est loin du cliché de la bikeuse, elle me fait plutôt penser à Lara Croft) et souriante, elle nous tend une poignée de main franche et chaleureuse. Stéphane vient nous rejoindre. Il est jeune, lui aussi et pas mal baraqué. On sent à l'intensité de sa poignée de main qu'il soigne sa condition physique…
Une fois les présentations d'usage faites, Stéphane sort les motos que nous avons réservées et nous procédons à un examen minutieux. Comme chez un loueur d'autos. La moindre égratignure, le moindre défaut sont indiqués sur le rapport d'état. Puis, une fois l'inspection complétée, nous rejoignons Renée dans le véhicule récréatif pour compléter le contrat de location et laisser l'empreinte de notre carte de crédit, en cas de bris.
La location de la moto revient à 300 $ par jour, plus taxes (ou 50 $ par séance si vous voulez juste découvrir le circuit), montant auquel s'ajoutent les frais de carburant et d'usure des pneus (des Pirelli Supercorsa SP route/piste pour les 600 et des Pirelli Superbike slicks sur les 1000 — NDLR), ainsi que le prix du track day (200 $ la journée à ICAR). Un prix spécial est consenti aux personnes qui louent plusieurs fois dans la saison (voir le site de Moto Nation pour plus de détails). Renée, qui est analyste installation chez Bombardier aéronautique, à Mirabel, a mis au point un programme permettant de mesurer l'usure des pneus et de calculer le coût de celle-ci. Enfin, notons qu'un dépôt de sécurité de 2 000 $ est prélevé en cas d'accident et de dommages au véhicule. Ce qui réfreinera quelque peu notre ardeur et nous ramènera à des considérations plus terre-à-terre. Soudainement, mon inquiétude originale (je fais référence aux zozos cités précédemment) refait surface. Pendant un moment, je me demande si je ne ferais pas mieux de me contenter d'un rôle d'observateur et laisser Guy jouer au coureur du dimanche.
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Guy Parrot (66) et Didier Constant (7) découvrent le circuit d'ICAR... |
Moto Nation dispose d'une dizaine de motos à louer, dont deux Honda (une CBR600RR, une CBR1000RR), trois Kawasaki (deux ZX-6R, une ZX-10R, cette dernière ayant malheureusement été détruite la veille par un client), trois Suzuki GSX-R750 et deux Ducati (une 996S de 2001 et une 1098S de 2007). Dans le cas de ces deux dernières, les coûts de location sont un peu plus élevés. Les machines sont récentes (de 2008 à 2010) et parfaitement entretenues par Stéphane. Il est mécanicien d'aéronef chez Air Canada et adore la mécanique. Ça se voit au premier coup d'œil.
Les formalités complétées, nous relaxons un peu avant d'assister à la réunion des pilotes et de nous élancer en piste pour notre première sortie. Il est à peine 9 heures et il fait déjà une chaleur accablante sur le circuit en béton d'ICAR, qui est en fait l'ancien tablier de l'aéroport de Mirabel qui menait aux passerelles, et qui a été reconverti pour les besoins de la cause. Il n'y a pas d'ombre sur le site, à part celle procurée par l'auvent de la remorque de Moto Nation.
Renée et Stéphane sont des hôtes charmants et attentionnés. Ils nous offrent café, eau et fruits frais en plus de précieux conseils sur le déroulement de la journée. De mon côté, je me sens comme un pilote d'usine. Tout est arrangé pour moi. Je suis totalement pris en charge et j'ai juste et à me consacrer à ma tâche. Je n'ai qu'à m'occuper de mon équipement personnel, rien d'autre. En observant Guy s'agiter, je réalise qu'il est aussi tendu que moi et qu'il a hâte que la journée débute vraiment. En attendant, il discute boulot avec Stéphane. Guy est pilote chez Air Canada et les deux ont beaucoup d'histoires à partager.
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Renée encourage Didier d'une petite tape dans le dos avant qu'il s'élance en piste. |
Pendant ce temps, j'en profite pour jaser avec Renée. J'apprends ainsi qu'avant de se consacrer à la piste, elle conduisait une Harley-Davidson modifiée par ses soins, sur la route. Puis, en 2007, elle récupère l'ancienne Ducati 996S de Stéphane, qui vient de s'offrir une 1098S flambant neuve, et elle s'initie à la piste. « Ce fut une révélation, reconnaît-elle. J'ai commencé par deux track days en 2007 avec le 996, puis j'ai débuté ma première saison complète en 2008. Au début, j'étais lente, mais à force de m'entraîner avec Stéphane, je me suis rapidement améliorée. Aujourd'hui, nous participons à une trentaine de journées sur piste par saison. C'est une passion commune. Nous vivons tous les deux pour la moto et pour la piste. Moto Nation nous aide à financer cette passion et à amortir les dépenses encourues. » L'équipe de Moto Nation est en effet présente sur la plupart des circuits où sont organisés des track days, soit à Calabogie et Mosport, en Ontario, Tremblant, Saint-Eustache, ICAR et Mécaglisse, au Québec. Quel que soit votre circuit préféré ou l'endroit où vous résidez, Moto Nation est en mesure de répondre à vos besoins.
Renée est trop humble pour l'avouer, mais elle est très rapide. Je peux en témoigner. À Calabogie, elle a déjà fait un 2'12.9 (le record de piste en Superbike est dans les 2'00), un temps qui la qualifierait aisément et en bonne position chez les pros, en Supersport (elle pilote habituellement une CBR600RR), voire en Superbike. Stéphane qui est un poil plus véloce, avoue qu'il est fier de sa « blonde » (en fait, Renée est brune et porte une longue queue de cheval enserrée dans un étui en cuir) : « J'adore rouler avec Renée. Nous sommes à peu près du même niveau. À Calabogie, elle est plus rapide que moi dans certaines sections. Et je suis plus vite qu'elle dans d'autres. Souvent, nous nous dépassons plusieurs fois dans le même tour. C'est vraiment cool! Je suis extrêmement chanceux d'avoir une conjointe comme Renée. Quand je rentre à la maison et que je lui dis que je viens de dépenser 2 000 $ pour des slicks ou pour des couvertures chauffantes, au lieu de me désavouer, elle m'encourage, quand elle ne me pousse pas à dépenser plus pour être encore mieux équipés. »
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Au fil des tours, Didier apprivoise la piste, la machine et les pneus. |
Guy et moi avons finalement complété notre première séance en piste. Nous en avons profité pour découvrir le circuit et nous familiariser avec nos motos. Et pour évacuer les papillons que nous avions dans l'estomac. Je ne dirais pas que nous sommes réellement détendus, mais, à tout le moins, nous avons brisé la glace. De retour au camion de Moto Nation, Stéphane et Renée nous aident à ranger les motos. Stéphane mesure la pression des pneus et jette un coup d'œil aux machines pour s'assurer que tout est en ordre. Renée, de son côté, nous aide à nous débarrasser de notre casque et de nos gants et commente notre performance. « C'est vraiment bien les gars! Pas mal du tout pour une première fois à ICAR! » Personnellement, j'accepte le compliment tout en sachant que Renée est trop gentille et trop polie pour avouer que nous sommes à l'arrêt. Ce qui me console, c'est que nous ne sommes pas les plus lents, loin de là. En fait, nous roulons en milieu de peloton. Mais ça importe peu. J'apprends le tracé et je commence à trouver mes repères. Encore une ou deux sorties et je me sentirais plus à l'aise. Il sera alors temps d'essayer de rouler plus vite. L'important, c'est que je m'amuse et que tout se déroule sans anicroche.
Aujourd'hui, Stéphane et Renée ne sont pas en piste, comme à leur habitude. Renée est tombée la semaine précédente, à Mosport et elle est encore handicapée par une épaule douloureuse. Et Stéphane a travaillé tard la veille pour tenter de réparer la Kawasaki ZX-10R détruite par un client. « C'est un de nos meilleurs clients, reconnaît Stéphane. Ça fait plusieurs fois qu'il loue chez nous. C'est un accident malheureux, ça peut arriver à tout le monde. Ce qui est dommage pour lui, c'est qu'il s'est brisé plusieurs côtes et qu'il devra annuler le voyage en Europe auquel il devait participer la semaine prochaine. Pour ce qui est de la moto, ça se répare. Habituellement, nous roulons dans les "rouges", ce qui nous permet d'aider nos clients, surtout s'ils sont dans les "verts" ou dans les "jaunes". »
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Moment d'accalmie entre deux séances en piste. |
Stéphane est venu à la piste un peu contraint et forcé, car ses jours sur route étaient comptés. « Je ne pouvais plus rouler sur route. J'étais trop fou. Je passais mon temps à attraper des tickets et j'étais à la veille de perdre mon permis de conduire. Puis j'ai essayé la piste. J'ai eu la piqûre tout de suite. Et je me suis aperçu que je n'étais pas si mauvais que ça. J'ai suivi un cours avec Marc Tremblay, au circuit de Sainte-Croix, en 2006, avec mon 996 et je suis énormément amélioré. J'adore la piste. C'est une drogue pour moi. » Un sentiment partagé par Renée qui avoue y investir une bonne partie de ses temps libres et de ses économies. « Quand je roulais en Harley, je n'aurais imaginé qu'un jour je deviendrais accro à la piste et aux motos sport. J'en mange! »
Pour Guy et moi, la journée se déroulait sans embûche. Dans mon cas, j'avais augmenté la cadence à un niveau respectable. Je ne me faisais quasiment plus dépasser et je remontais facilement certains pilotes plus rapides que moi le matin. J'assimilais le tracé et je prenais de l'assurance, tour après tour. La dernière sortie arriva sans que l'on voie le temps passer. « C'est vraiment une formule gagnante! déclara Guy franchement enthousiaste à la fin de la la journée. Pour un prix raisonnable, tu passes une super belle journée à la piste et tu n'as à te tracasser de rien. Ni des pneus, ni de l'essence, ni de la mécanique, ni de la préparation de la moto ou de son transport. Tu te pointes avec ton équipement et tu t'amuses comme un malade. Pour des gens comme nous qui n'ont pas de moto sport et qui ne font que quelques track days par année, c'est génial. En plus, le service est vraiment à la hauteur. Chapeau! Je reviendrais, c'est certain! »
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En fin de journée, la confiance aidant, Didier augmente le rythme... |
Sachez que je suis 100 % en accord avec le commentaire de mon camarade. Le rapport prestations/prix est très bon. Et à moins de vouloir participer à une trentaine d'événements pas saison, louer avec Moto Nation peut s'avérer une solution économique. En plus, il s'agit d'une excellente occasion de passer une superbe journée en compagnie de deux passionnés et de bénéficier de leurs conseils. Ils pourront même vous suivre en piste pour vous filmer ou vous guider dans votre progression. Attention cependant. Si vous tentez de suivre Renée ou Stéphane sur piste, votre plaisir risque d'être de courte durée…
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Renée et Stéphane à Calabogie, leur circuit fétiche. |
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