Étendu dans ma chaise longue, je sirote une boisson énergisante bien à l'abri sous l'auvent de la tente Honda Canada. De cette position enviable, j'observe Alex Welsh, un pilote officiel privé d'usine, se démener dans la canicule pour mettre au point sa Suzuki GSX-R1000 Superbike à temps pour les qualifs. Il court sous le soleil, torse nu, en bermuda et en «gougounes», en poussant deux jantes fraîchement chaussées de pneus slicks Pirelli à gomme tendre grâce auxquelles il espère réaliser un temps canon. Alex est l'un des meilleurs pilotes Pro au Canada. Il est actuellement troisième du championnat Superbike CSBK. Devant son véhicule récréatif, un panneau sur lequel il remercie ses rares commanditaires. Si je ne l'avais pas connu, j'aurais pu le prendre pour un coureur anonyme tellement son installation est anodine. On est loin des énormes autobus aménagés et des «hospitality tents» du MotoGP ou du WSBK.
Juste en face de son emplacement, Jordan Szoke, septuple champion Superbike et meneur au classement après deux épreuves, n'est guère mieux loti. Pourtant, c'est peut-être celui qui bénéficie du meilleur soutien financier du plateau. Seul le paddock du Team Couturier Racing qui fait courir Kevin Lacombe, Samuel Proulx en Pro Superbike et Louie Raffa en Pro Sportbike peut encore créer l'illusion et projeter l'image d'une structure professionnelle bien financée et bien rodée.
En circuit routier, les beaux jours sont chose du passé et la plupart des pros du championnat CSBK n'ont plus de professionnel que le nom, surtout depuis le retrait des équipes officielles des constructeurs. Aujourd'hui, rares sont les pilotes qui peuvent monnayer leur talent et leur palmarès. Et vivre de leur passion.
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La grille de départ est encore moins fournie qu'en MotoGP. Pourtant, Honda Canada ne ménage aucun effort pour promouvoir la série. La faute à la crise? |
Dans ces circonstances, je me sens privilégié. Comme mes collègues journalistes invités à concourir dans le Challenge Honda CBR250R. Cette série monomarque ouverte aux pilotes novices et semi-pros de 15 à 25 ans (ceux âgés de 13 et 14 ans ayant complété au moins 3 courses en CBR125R sont également admissibles) a pour objectif d'intéresser les ados à la moto et de promouvoir les jeunes talents. Objectif ambitieux si l'on considère le faible taux de participation cette saison. En effet, seuls quatre pilotes, Stacey Nesbitt, la championne du Challenge Honda CBR125R 2011, Ryan Roche, le meneur au classement après quatre courses, Sean Smith et Tomas Casas, ont confirmé leur participation à la série. C'est peu, et c'est dommage car ce challenge mérite mieux.
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La tête dans la bulle, j'essaie de me faire le plus petit possible et d'offrir le moins de résistance aérodynamique... Pas facile pour un gabarit comme le mien! |
Pour participer au championnat, ces jeunes espoirs ont déboursé environ 8 000$ chacun pour acquérir une Honda CBR250R équipée du kit CBR250R Race Series, qui comprend un pot d'échappement Akropovic, un module et une cartographie programmable Dynojet, des repose-pieds réglables, un amortisseur arrière et des valves de fourche de marque Elka, des éléments de protection de cadre, un carénage de marque Hot Bodies, ainsi que qu'un lot de pneus Pirelli Diablo Rosso (1 jeu par fin de semaine de course). Les frais de déplacement, de carburant, d'hébergement et de restauration sont à leur charge. Dans le cadre d'un championnat national se déplaçant sur plusieurs milliers de kilomètres, ces frais peuvent s'avérer très élevés. Même si, dans la plupart des cas, ces jeunes pilotes voyagent avec leurs parents, dans le VR familial et que le père fait à la fois office d'agent, de préparateur, de mécano et de psychologue, alors que leur mère se démène en cuisine, s'occupe du panneautage et joue les infirmières ou les diététistes, le cas échéant.
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Jean-Pascal a couru en vitesse, en catégorie «Amateurs», de 1999 à 2002 (Canadian Thunder) et en Supermotard jusqu'en 2009. Il a également fait de la course sur glace et quelques enduros de navigation (Paris to Dacre 2008 et 2010). Parallèlement, il a été instructeur (ASM, Mécaglisse) et marshall (DOCC, ASM). |
En marge du championnat, Honda Canada a préparé six CBR250R identiques qu'elle met à la disposition des journalistes qui désirent prendre part à la compétition, lors de chaque manche. À l'occasion de celle présentée à l'Autodrome St-Eustache, Jean-Pascal Schroeder et moi-même avons défendu les couleurs de motoplus.ca. Du mieux que nous avons pu...
Les journalistes figurent au classement, mais ne comptabilisent pas de points. Ainsi, Jean-Pascal, auteur de deux sixièmes places et moi-même (9e dans la première finale, 10e dans la seconde) avons le plaisir de voir nos noms figurer sur les tablettes de CSBK. Un classement des journalistes permet aux trois premiers d'entre nous de rentrer chez eux avec un magnifique trophée qui pourra trôner sur la fausse cheminée du salon ou dans une armoire quelconque, au sous-sol. Jean-Pascal a ainsi ajouté deux trophées de troisième position à sa collection. Il faut dire qu'il a fait de la compétition pendant près de 10 ans, en catégorie amateur, avant de prendre sa retraite en 2009.
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Les motos sont peut-être des petites cylindrées, mais ça n'empêche pas les luttes d'être serrées et la course intense. |
Honda Canada nous traite aux petits oignons. Nous sommes accueillis sous la tente Honda et pris en charge durant tout le week-end. Boissons, repas légers, mécanos, motos et pneus sont mis à notre disposition gracieusement. Nous avons même un espace personnel dans le camion-atelier afin de relaxer et de nous changer. À tout moment durant la fin de semaine nous pouvons demander à Erick, le mécanicien responsable de l'entretien des machines d'effectuer des réglages personnalisés afin de bénéficier de la meilleure moto possible. Il fait l'appoint en carburant après chaque sortie, essai ou qualification, nettoie les motos et change les pneus quand cela s'avère nécessaire. En fait, nous n'avons qu'à amener notre équipement.. et notre carcasse. C'est tout! Honda Canada défraie le coût des licences de course et des frais d'inscription. Nous sommes quasiment aussi bien traités que Casey Stoner, Dani Pedrosa ou Marc Marquez chez Honda Repsol, les «umbrella girls» et le gros chèque en moins.
Cette attention m'a été bénéfique. En effet, j'étais le seul à n'avoir jamais participé à une course officielle, encore moins à un national. Je ressentais donc une énorme pression. Je voulais bien faire, bien paraître. Mais, plus que tout, je ne voulais pas être celui qui mettrait fin à la course d'un compétiteur — ou pire, à sa saison — par inadvertance ou incompétence.
Dès le vendredi, j'ai donc pris le parti de terminer dernier — je n'avais rien à prouver à quiconque, sinon à moi-même — et de me concentrer sur mes trajectoires et ma technique. Au fil du week-end, j'ai amélioré mes temps à chaque sortie. Et j'ai retranché 2,5 secondes à mon temps initial. Mais surtout, j'ai pris un plaisir fou.
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Au terme de trois journées d'essai, de qualification et de course, je suis parvenu à améliorer mes chronos de 2,5 secondes. |
Comme les pros, j'ai eu des papillons dans l'estomac avant chaque séance d'essai ou de qualif. J'ai senti le sang battre dans mes tempes et une boule de former dans ma gorge avant le lancement de la course. J'ai aussi vécu l'excitation du départ, la montée d'adrénaline en course, spécialement quand on remonte sur un autre compétiteur. À une ou deux occasions, je me suis même fait une petite frayeur en me montrant trop confiant dans mes habiletés. Trop téméraire. Et j'ai passé la ligne d'arrivée fier de moi, mais aussi enthousiasmé par l'expérience. Au point où j'ai accepté l'invitation de Honda Canada de prendre part à la manche de Mont-Tremblant, du 10 au 12 août prochains. Là, en revanche, je saurai à quoi m'attendre et j'arriverai certainement mieux préparé. Tenez-vous-le pour dit!
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La rançon de la gloire... Deux autres trophées viendront s'ajouter à la collection de
Jean-Pascal... au grand dam de sa copine? |
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