La même en mieux
Lancée il y a maintenant 10 ans, la CBR600RR subit cette année sa troisième réincarnation, sa plus importante en carrière au niveau esthétique — l'élément le plus visible —, mais aussi mécanique. En dehors du magnifique coloris HRC (bleu/blanc/rouge sont les couleurs historiques du département course de Honda), la ligne de la CBR600RR a changé dans le détail, se faisant plus contemporaine. L'ajout de pièces imitant la fibre de carbone sur les flancs de carénage et autour de l'échappement renforce son allure sportive tandis que son nez de carénage avec un double optique plus rectangulaire lui donne un air de squale en quête de proie.
Plus basculée sur l'avant que ses prédécesseures, la moyenne cylindrée sportive de Honda semble tout droit sortie du département compétition de la marque ailée. Étroite et compacte — garée à côté de notre BMW K1300S d'essai, dans mon garage, la CBR à l'air d'une mini moto —, elle est parfaite pour les pilotes de petit format, à la façon d'un Dani Pedrosa ou d'un Marc Marquez, un peu moins pour un grand gabarit dans mon genre. Cette compacité et ce nouveau nez lui permettent d'être plus aérodynamique — la traînée serait réduite de 6,5 pour cent par rapport à celle du modèle 2012 selon Honda — tout en se montrant néanmoins confortable, pour une sportive, spécialement sur piste.
Les changements apportés par Honda favorisent également la tenue de route de la CBR. La nouvelle fourche Showa BPF (Big Piston Fork) à gros pistons, entièrement réglable et les roues distinctives à 12 rayons reprises de la CBR1000RR, se combinent à un cadre aluminium amélioré et à un bras oscillant aluminium plus léger pour améliorer la maniabilité – particulièrement lors des lourdes charges générées en virage ou en freinage intense.
Au chapitre du moteur, on retrouve toujours le volontaire quatre cylindres en ligne qui développe près de 120 ch à 13500 tr/min, mais on lui a adjoint une injection électronique PGM-DSFI reprogrammée pour améliorer la performance du moteur sous les 7000 tr/min, tandis que le système d’admission d'air a été soigneusement recalibré pour améliorer le couple dans la même plage de régimes.
Au niveau du freinage, la version tricolore de cet essai est un modèle de base. Une version CBR600RRA, dotée d'un système antiblocage combiné C-ABS revu et corrigé dans le but de redistribuer les forces de freinage à la roue avant lors de l'utilisation du frein arrière est également offerte.
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Sur piste, la CBR600RR est facile à prendre en main: une référence! |
De la piste à la piste... en passant par la route
Dérivée de la RC213V de MotoGP, la CBR600RR est une sportive légitime, auréolée de sept titres de championne du monde Supersport, acquis de 2002 à 2008 aux mains de pilote de renom, dont Fabien Foret, Chris Vermulen, Karl Muggeridge, Sébastien Charpentier, Kenan Sofuoglu et Andrew Pitt.
Elle n'a donc pas à rougir de son héritage génétique même si, contrairement à certaines de ses compétitrices directes, elle joue la carte de la simplicité et n'a pas recours à des technologies réservées à la piste — embrayage antidribble, shifter, cartographies multiples, antipatinage, anti-cabrage —, bien qu'elle offre un amortisseur de direction électronique dont la force de réaction s'ajuste automatiquement en fonction de la vitesse. Et l'ABS combiné, déjà mentionné.
Même si elle n'est pas la plus légère, ni la plus puissante du plateau, la CBR600RR fait preuve d'un équilibre étonnant et d'une facilité de prise en main légendaire. Moins radicale que certaines de ses compétitrices, c'est l'une des sportives les plus équilibrées du marché, avec la Suzuki GSX-R600, et certainement la plus facile à cerner. Avec elle, aligner les tours rapides sur un circuit est un jeu d'enfant, même si on n'est pas un pro du pilotage. La Honda possède un mode d'emploi facile à assimiler et pardonne les erreurs (pas toutes...).
Comme plusieurs moyennes cylindrées sportives, la Honda est creuse à bas régime et il faut la cravacher un peu pour en sortir la substantifique moelle. Le quatre en ligne commence à s'éveiller vers 5 500 tr/min pour s'affirmer aux alentours de 7500 tr/min. Au-delà, il tire sans faiblir jusqu'à près de 15000 tr/min, régime auquel embarque le rupteur. On note cependant quelques à-coups dans l'injection à mi-régime, lesquels sont gênants en courbe, quand on passe de la décélération à la phase neutre puis à l'accélération. Il est parfois difficile de garder une ouverture constante des gaz en milieu de courbe, ce qui à tendance à déstabiliser quelque peu la machine.
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Dans son coloris HRC, la CBR600RR est magnifique. Vendue! |
Dans le cadre de cet essai, nous avons soumis la CBR600RR à deux séances sur circuit. La première, à l'Autodrome Saint-Eustache où avons pris part à une journée de roulage de l'ASM, par une journée fraîche et couverte, la seconde, deux jours plus tard, sous un soleil tapant, au circuit Mécaglisse, à Notre-Dame-de-la-Merci. Dans les deux cas, il s'agit de pistes relativement courtes et serrées où l'on a pu mettre à l'épreuve la maniabilité et la vivacité de la Honda. Plus tôt cette saison, notre collaborateur Costa Mouzouris l'a quant à lui pilotée au circuit de Chuckwalla Valley Raceway en Californie, un tracé long, technique et rapide où il a eu le loisir d'évaluer sa tenue de route à haute vitesse.
Dans tous les cas, force est de reconnaître la qualité et l'efficacité de la partie cycle. Grâce à son cadre rigide, à son bras oscillant massif et à ses suspensions affinées, la CBR possède une tenue de route difficile à prendre en défaut. Légère et vive, elle se place facilement sur l'angle et ne dévie pas de sa trajectoire. En ligne droite, elle semble rivée au sol et ne bouge pas d'un poil. Un vrai rail! De plus, l'amortisseur de direction électronique, même s'il réduit un peu le rayon de braquage, bloque tous les mouvements intempestifs de la direction avant même qu'ils puissent se manifester.
Les suspensions travaillent à la perfection et renvoient une bonne dose d'informations au pilote, spécialement la fourche Showa à gros pistons qui constitue une grosse amélioration par rapport au modèle précédent. Le monoamortisseur Pro-Link, également de marque Showa, n'est pas en reste et se montre aussi précis que confortable, sur piste en tout cas. Il absorbe les petites irrégularités de la chaussée sans broncher et encaisse les freinages violents ou les bosses vicieuses avec une efficience étonnante.
Au niveau du freinage, on est en présence d'un système de grande qualité. Puissant et modulable, il ralentit la Honda en toute circonstance. Il permet de rentrer fort sur l'angle, en freinant, sans déstabiliser la moto ni altérer la trajectoire.
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Instinctive, la CBR600RR est un jouet sur piste. |
Sur route, la Honda fait une nouvelle fois preuve d'un bel équilibre, offrant une grande facilité de pilotage, des prestations sportives de haut niveau et un confort adéquat pour une moto de sa classe.
En ville, il faut jouer un peu avec la boîte de vitesse pour s'extraire rapidement du trafic, mais, le reste du temps, le moteur offre suffisamment de couple et se montre agréable. La première est relativement longue et permet d'atteindre 130 km/h.
Sur les routes secondaires, la CBR est parfaitement à son aise. Grâce à sa bande de puissance relativement large qui s'étend de 7500 à 15000 tr/min, s'attaquer aux petites routes sinueuses — quand on en trouve, bien entendu — est jouissif. C'est dans cet environnement que la sportive Honda brille, en dehors de la piste, on s'entend. À moins bien sûr que la piètre qualité du revêtement ne vous empêche de profiter des qualités dynamiques de la CBR. Le reste du temps, les suspensions s'avèrent efficaces sur route, offrant un bon compromis entre la sportivité et le confort. Une fois encore, la fourche Showa fait des merveilles tandis que le combiné arrière la complète parfaitement.
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Le détail qui tue: le casque (AGV Grid Marco Luchinnelli) assorti à la livrée HRC. Sublime! |
Une évolution réussie
Depuis quelques temps, il est de bon ton de reprocher à Honda
un certain conservatisme. Pourtant, quand on étudie le comportement de cette nouvelle CBR600RR et qu'on le compare à celui de ses prédécesseures et de ses compétitrices, il faut bien reconnaître que les résultats parlent d'eux-mêmes. La CBR600RR est un modèle d'équilibre et d'efficacité. De plus, elle offre une facilité de prise en main que beaucoup de ses consœurs lui envient.
Sans être en rupture totale avec l'ancien modèle qui datait de 2009, la version 2013 évolue en douceur, mais d'une manière cohérente. L'adoption d'une fourche Showa BPF fait évoluer la tenue de route et la rigueur du comportement de la Honda, spécialement en usage sportif, de façon notable. Quant au face-lift qu'elle a subi, il s'agit d'une belle réussite.
Facturée à 12599$ en version de base (rouge) et à 13599$ en version Tricolore ABS, la CBR600RR reste une excellente sportive de moyenne cylindrée. Elle se situe à un prix médian dans le créneau, bien qu'elle offre des prestations élevées.
La Honda est une excellente moto, comme le démontre encore Jodi Christie cette année dans le championnat canadien de Supersport, et accessoirement en Superbike, selon les pistes. Extrêmement polyvalente, elle combine au mieux les qualités requises pour performer adéquatement dans des environnements aussi différents que la rue et la piste tout en faisant les compromis appropriés pour ne pas se mettre à dos une partie de sa clientèle. Alors que certaines concurrentes ont choisi de passer à une cylindrée accrue (Kawasaki 636, MV Agusta F3 675, Triumph Daytona 675), la Honda, tout comme la Suzuki GSX-R600 et la Yamaha R6 est restée fidèle à la formule qui a fait le succès de la catégorie des sportives de 600 cc. Et, au fil des évolutions, elle a réussi à s'imposer comme une référence du segment. Au point d'être la meilleure 600 jamais fabriquée par le Géant Rouge.
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Le nouveau nez de carénage de la CBR600RR lui donne un air plus actuel. |
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La fourche inversée Showa BPF est le changement le plus bénéfique à la CBR600RR. |
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