À motoplus.ca, nous sommes des admirateurs inconditionnels de la F800ST depuis sa sortie en 2006. Personnellement, j'ai pris part à son lancement international en Afrique du Sud et, depuis, je l'ai pilotée à quatre reprises. Et chaque fois se fut le coup de foudre. «L’amour ne naît, ne subsiste, que si une partie reste à conquérir», écrivait Marcel Proust. Ce qui laisse donc suggérer que la petite BMW ne m'a pas encore livré tous ses secrets.
Au salon de Cologne, en octobre dernier, j'ai été donc surpris de voir que BMW remplaçait la F800ST par une F800GT. Même si je n'ai rien contre les changements apportés à la ST (voir tableau), cette dernière me convenait parfaitement comme elle était. Il faut cependant reconnaitre que de toutes les F800 (R, GS et ST) c'est celle qui a le moins bien rejoint son public. À tort, à mon avis. Car c'est une excellente machine et une routière sportive extrêmement plaisante à conduire et compétente. Cependant, contrairement à la R et la GS, c'est la seule qui a été présentée comme une moto de débutant, ce qu'elle n'est pas. Ou alors, on n'a plus les débutants qu'on avait. Si la GT demeure une moto facile d'approche, conviviale et polyvalente, cela ne signifie pas pour autant qu'elle se limite à une clientèle néophyte ou féminine. Tous les pilotes expérimentés que je connais et qui ont essayé la ST/GT pourront corroborer mes dires.
Une partie cycle bonifiée
Si on fait exception de la hausse de puissance de 5 ch (elle passe de 85 à 90 ch), l'essentiel des améliorations apportées à la F800GT touche la partie cycle. On note en particulier un allongement de l'empattement de 48 mm, dans le but de bonifier la stabilité, obtenu en partie par l'adoption d'un bras oscillant plus long de 50 mm. En contrepartie, la longueur hors tout de la GT est réduite de 39 mm. Le nouveau carénage intégral, plus enveloppant, offre des dimensions plus généreuses (bulle plus haute, largeur plus importante au niveau de rétroviseurs), alors que le poids tous pleins faits augmente de 4 kg pour s'établir à 213 kg.
Pour le reste, pas de changement majeur. BMW a conservé le cadre à double poutre massive en aluminium dans lequel le moteur contribue à la rigidité, de même que la fourche télescopique de 43 mm de diamètre, dénuée de réglage. À l'arrière, le monoamortisseur perd 15 mm de débattement dans le but d'abaisser la hauteur de selle et de rendre la GT accessible à un grand nombre de pilotes de gabarits variés.
La finition, qui laissait un peu à désirer sur les modèles précédents, s'améliore nettement. Ainsi, le nouveau carénage est très bien fini et la peinture gris anthracite de notre modèle d'essai est magnifique. BMW a remplacé les anciennes valises latérales — je les adorais, dommage! — par un modèle plus classique. Elles n'étaient cependant pas offertes sur notre moto d'essai. En revanche, cette dernière disposait des supports de valises, de la suspension à réglage électronique ESA II, du contrôle de la pression des pneus, de l'ordinateur de bord, de l'antipatinage ASC, des poignées chauffantes et de la béquille centrale.
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La F800GT est prête à recevoir l'ensemble de bagagerie optionnel créé pour elle. |
Une routière de petit gabarit efficace et bien équipée
Chez BMW, l'appellation GT est habituellement réservée aux grosses routières suréquipées et surpuissantes de la marque, à savoir la R1200RT, la K1300GT ou les récentes K1600GT et K1600GTL. Dans le cas présent, la firme de Munich nous offre une GT au format réduit, mais à l'équipement pléthorique, particulièrement quand on la prend avec les valises latérales optionnelles. De plus, le porte-bagages permet soit d'installer un coffre arrière offert en option, soit de fixer un sac à l'aide de sangles. Plusieurs crochets d'arrimage sont présents sur la GT. BMW offre quelques sacs de queue à son catalogue, mais on trouve aussi d'excellents sacs étanches de type marin chez Givi, Seal-Line, Touratech ou encore Zulu Pack, pour ne nommer que quelques marques vendues au Québec.
Avec des dimensions proches de l'ancienne ST, la F800GT propose un gabarit plus proche de celui d'une routière classique, façon Honda CBF1000F, voire d'un roadster que d'une grosse routière. Le large guidon plat procure un bon effet de levier grâce auquel on peut placer la moto sur l'angle sans forcer et changer rapidement de direction. Le carénage complet offre quant à lui une bonne protection, sans se montrer trop présent ni nuire à la maniabilité, tandis que la selle standard à 800 mm du sol conviendra à un grand nombre de pilotes. Une selle «Confort» dont l'assise passe à 820 mm est proposée en option. Plus haute, elle est également plus rembourrée et permet d'envisager de longs périples sans craindre pour notre postérieur. Ceci dit, la selle d'origine offre un confort plus qu'adéquat. Pour les pilotes de petite taille, une selle basse, culminant à 765 mm, est proposée en commande spéciale.
Le nouveau monobras en aluminium est vraiment réussi, en plus d'être rigide. Visuellement, il s'intègre bien avec les lignes de la GT et complète à merveille la transmission secondaire par courroie crantée sans entretien fabriquée par Continental, dont la durée de vie, selon BMW, serait d'environ 40 000 km. Personnellement, j'aime particulièrement cette transmission que je trouve à la fois pratique et efficace. Elle offre la légèreté d'une chaîne et l'entretien réduit d'un cardan, sans avoir les défauts inhérents à ces deux technologies. Le meilleur des deux mondes?
L'équipement de base est complété par un amortisseur de direction non réglable qui tempère les mouvements intempestifs de la direction au passage des bosses, lesquels sont plus rares sur la GT que sur l'ancienne ST en raison de l'allongement de l'empattement. Néanmoins, il se montre assez discret et n'interfère pas avec la maniabilité de la BMW.
Au chapitre des assistances électroniques, on retrouve un ABS de série de dernière génération (il est plus léger de 10 kg et dissocie l'avant et l'arrière), un contrôle de sécurité automatique (ASC) qui empêche le patinage des roues arrières, et qui contrairement à l'ABS, peut être désactivé, ou encore un indicateur de pression des pneus RDC.
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Dotée de suspensions efficaces et d'une partie cycle intègre, la F800GT autorise un
pilotage sportif qui ravira autant les néophytes que les pilotes confirmés. |
Un moteur connu et volontaire
Sur la F800GT, on retrouve le bicylindre parallèle Rotax de 798 cc, calé à 360 degrés, qui équipait la S et la ST, mais que l'on retrouve aussi sur les autres F800, à savoir la R et la GS. Ce dernier a recours à une bielle d'équilibrage pour contrer les vibrations plutôt que des balanciers classiques et il émet une sonorité qui n'est pas sans rappeler celle des Boxers de la série R. La cartographie, de même que l'admission d'air et l'échappement ont été retravaillés afin d'accroître la plage d'utilisation du twin et le rendre plus adapté à sa nouvelle vocation.
La GT s’ébroue au premier coup de démarreur. Le claquement de la boîte vous rappelle que vous êtes sur une BMW. Cependant, les rapports de la boîte à six vitesses passent avec précision dans une douceur relative. À bas régime et à gaz constant, on ressent de légers à-coups dans la transmission, malgré la douceur habituellement attribuée aux courroies. Ces petites hésitations disparaissent dès que l’on ouvre l’accélérateur en grand. En fait, c’est le jeu entre les pignons de la boîte de vitesses que l’on entend et ressent. La courroie étant tendue à l’extrême à très bas régimes, elle ne peut absorber ce jeu. Le twin fait preuve d’une bonne souplesse. Il s’élance sur un filet de gaz et accepte les reprises sur les rapports intermédiaires dès 1 500 tr/min. En sixième, il reprend avec autorité dès 3 500 tr/min dans un bruit feutré, et permet des dépassements rapides. À 5 000 tr/min, il produit déjà 90% de son couple et propulse la GT à plus de 130 km/h. Ensuite, il allonge la foulée et finit par délivrer ses 90 ch attribués à 8 000 tr/min.
Contrairement à plusieurs bicylindres verticaux au calage décalé, le twin de la F 800 fait preuve d’un caractère certain. Ses deux pistons martèlent la culasse simultanément et produisent une impression de puissance importante. Malgré une grande linéarité. Des vibrations persistantes affectent le moteur aux alentours de 4000-5000 tr/min, soit à une vitesse de croisière de 120-130 km/h en sixième. Rien de vraiment gênant cependant. Sinon, le twin Rotax fait preuve d'une grande douceur de roulement qu'on apprécie au fil des kilomètres.
Malgré le gain de puissance de 5 chevaux, les performances du moteur de la GT sont quasiment identiques à celles de la ST. Ce qui pourrait s'expliquer par l'allongement du rapport final de la transmission par courroie, mais aussi par le gain de poids de la GT. Cependant, la puissance du bicylindre austro-allemand est amplement suffisante pour s'acquitter de la tâche qui est la sienne, à savoir nous faire voyager, en solo ou en duo, dans des conditions de confort adéquates, même lourdement chargé.
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Sobre et élégante, la F800GT gagne en beauté avec son nouveau carénage. |
Une ergonomie presque parfaite
Sur la F800GT, les commandes tombent instinctivement sous les mains et les deux leviers proposent un réglage d'écartement. Les commodos normalisés sont conformes au standard japonais. L'embrayage est un poil ferme, mais facile à moduler.
Grâce à sa hauteur de selle raisonnable, la F800GT est plus facile à appréhender et se manie avec aisance. Le guidon très large est positionné plus haut alors que les repose-pieds ont été abaissés, ce qui induit une position de conduite plus détendue et plus droite, plus en accord avec la nouvelle vocation de la GT.
En ville, cette position remodelée permet de mieux anticiper la circulation et d'avoir une meilleure vision. D'autant que la BMW fait montre d'une agilité et d'une maniabilité extraordinaires. Se faufiler dans la circulation est un jeu d'enfant à son guidon. Il faut seulement faire attention à son gabarit accru, spécialement avec l'ensemble de bagageries optionnel. Qui plus est, les rétroviseurs plus écartés procurent une excellente vision de ce qui se passe derrière nous. Un bon point pour la GT.
Sur routes rapides, le carénage protège efficacement le pilote et son passager des éléments, malgré l'absence d'une bulle réglable en hauteur. Cependant, au-delà de 100 km/h, la bulle génère des bruits aérodynamiques qui peuvent devenir agaçants à la longue. Bouchons d'oreille préconisés. En revanche, les turbulences sont bien maîtrisées. Globalement, le confort promis est au rendez-vous et incite à voyager loin et longtemps. Ce qui est d'autant plus aisé que la F800GT dispose d'une autonomie de plus de 300 km, en raison d'une consommation de carburant inférieure à 5L/100 km.
En duo, la F800GT procure un confort digne d'une routière au passager qui, en plus de disposer d'une selle moelleuse et bien rembourrée, a amplement de place pour les jambes et peut se maintenir grâce aux excellentes poignées latérales surdimensionnées. Par ailleurs, il est bien protégé des éléments et la suspension ESA II le met à l'abri des coups dans le dos.
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La transmission par courroie crantée sans entretien est douce et efficace. Elle est
fabriquée par Continental et aurait une durée de vie 40 000 km. |
Des prestations routières dignes d'une GT
Que ce soit en ville, sur route secondaire ou sur autoroute, la F800GT fait preuve d'un bel équilibre et propose des prestations dynamiques de haut niveau. Sur notre moto d'essai, dotée de la suspension électronique ESA II, il suffit de basculer entre les modes «confort», «normal» ou «sport» pour adapter la réaction de la suspension à l'environnement rencontré. On peut d'ailleurs changer de mode en roulant en pressant simplement sur le bouton ESA. À l'arrêt, une pression prolongée sur ce même bouton permet d'adapter la suspension à la charge transportée (pilote, pilote avec bagages, pilote avec passager ou pilote avec passager et bagages). Sans être aussi affûté que sur les grosses routières de la marque — le système est plus efficace sur les motos lourdes —, l'ESA de deuxième génération est un réel plus.
Même chose pour l'ABS, offert de série sur toutes les BMW depuis cette année, qui constitue un élément de sécurité passive vraiment appréciable. Il est puissant, endurant et réellement efficace. Cependant, il est sensible et déclenche trop tôt, spécialement lors de freinages appuyés, renvoyant une pression dans le levier et la pédale de frein qui finit par interférer avec le plaisir de piloter quand la situation se répète trop fréquemment. Au passage des bosses, au freinage, on a toujours ce sentiment bizarre de ne plus être en contrôle de la machine pendant quelques millisecondes, sentiment qui s'estompe dès que les roues reprennent contact avec le sol. Par ailleurs, le levier se montre trop spongieux et manque de rétroaction.
Plus stable que la F800ST, grâce à son empattement et à son bras oscillant allongés, la GT fait preuve d'une rigueur de comportement exemplaire. En ligne droite, elle conserve sa trajectoire sans broncher, quelle que soit la vitesse, une qualité que l'on appréciera particulièrement sur l'autoroute. Dans cet environnement, on regrette seulement que le pare-brise ne soit pas réglable, ou à tout le moins plus relevé, ce qui augmenterait son potentiel routier.
Sur des portions de routes plus sinueuses, la bulle basse est un avantage dans la mesure ou elle n'entrave pas le champ de vision et n'interfère pas avec le pilote. Là, la F800GT met ses qualités dynamiques de l'avant. Légère, elle fait preuve d'une vivacité incroyable et d'une maniabilité étonnante. Sa direction neutre est précise et il suffit d'une légère pression sur le large guidon tubulaire au cintre plat pour la placer sur l'angle. En courbe, elle montre une belle stabilité sur l'angle. Elle change de direction avec vivacité et se joue des enchaînements de virages avec brio. Dans les grandes courbes rapides, elle maintient sa trajectoire avec aplomb et ne danse pas sur ses suspensions. Pour une GT, elle est plutôt à l'aise en conduite sportive et ne se désunit jamais. Elle est aidée à ce chapitre par les excellents pneus Metzeler Roadtec Z8 Interact qui s'avèrent adhérents et endurants. Ce qu'on attend d'un pneu sport-tourisme.
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Maniable, légère et bien plantée, la F800GT est un charme sur les routes secondaires. |
Plus tourisme, tout en restant sportive
Au terme de cet essai, je confirme que j'aime toujours autant cette F800, ce qui signifie, selon Proust, qu'elle a encore bien des choses à me faire découvrir avant de me lasser. Ce qui est l'apanage des motos bien nées avec lesquelles on continue de s'amuser en toute occasion. La qualifier de moto de débutant dans ce contexte relève de l'hérésie.
Plus routière que sa prédécesseure, la F800GT n'en demeure pas moins une moto aux performances sportives certaines avec laquelle on peut flatter les deux hémisphères de notre cerveau. Richement dotée, relativement bien finie et très efficace, la petite routière de BMW peut venir jouer les trouble-fêtes dans le créneau des vraies GT au point de séduire un grand nombre d'amateurs de cette catégorie ou de convaincre des nouveaux aventuriers de faire le saut. De plus, avec la liste pléthorique d'options dont elle peut être équipée, il ne tient qu'à vous de la personnaliser selon vos préférences ou vos besoins.
Offerte à 12 550$ avec l'ABS, la F800GT n'est pas à proprement bon marché, mais elle vous offre une plateforme évolutive qui, de base, est déjà excellente et multi-usage. Mais il faut bien admettre qu'elle n'a pas de réelles concurrentes dans son segment, en tout cas, pas aussi performantes ni aussi équipées. En un mot, pas aussi polyvalentes. |