Didier Constant se délecte au guidon de la nouvelle R1200GS 2013 «la meilleure GS jamais produite», selon lui.
Avant d'entrer dans le cœur du débat à proprement parler, j'aimerais faire un point. Comme je le mentionne dans le titre de mon exposé, l'avenir de la GS sera liquide ou il ne sera pas. Et c'est vrai pour toutes les motos du marché, BMW et Harley incluses. En effet, avec la technologie actuelle, aucun moteur refroidi à l'air ne peut se conformer aux futures normes d'émissions. Le choix de passer au refroidissement liquide, sur la BMW R1200GS, n'en est donc pas un. C'est plutôt une contrainte technique.
Ceci dit, la GS est une icône du monde motocycliste. Une ode à la tradition, ce qui devrait plaire à mon collègue Richard. La GS est en effet un hommage roulant au flat-twin de BMW qui fête cette année ses 90 ans. La GS elle-même a eu 30 ans, en 2010. Et les technologies Telelever-Paralever, que l'on retrouve sur la GS, mais aussi sur une grande partie des motos de la gamme du constructeur munichois, ont aujourd'hui 20 ans. Pourtant, en parallèle de cette célébration de l'histoire de la marque et du modèle, la nouvelle GS est l'illustration parfaite de la théorie de l'évolution des espèces chère à Darwin. En effet, les changements successifs de la GS au fil des générations ont modifié ses caractères génétiques et morphologiques, lui permettant de s'adapter à un environnement en mutation et de dominer, 32 ans après sa sortie, le secteur des motos d'aventure qu'elle a créé de toutes pièces. Ne serait-ce que pour cela, il me semble qu'on peut adouber la nouvelle GS liquide.
Mais plutôt que de river son clou aux tenants du conservatisme en utilisant un argument purement théorique, bien que fondé et inattaquable, je vais m'en tenir aux faits. Et, dans le cas présent, cela veut dire aux impressions de conduite que j'ai pu recueillir lors de l'essai comparatif des deux versions. En fait, pour être parfaitement objectif, j'ai essayé trois millésimes différents de la GS — 2009, 2010 et 2013 — représentant chacun une évolution du modèle.
Dès les premiers tours de roue sur la GS liquide, on se sent en terrain connu. Malgré les légers changements au niveau de la position de conduite et les améliorations apportées à la partie cycle et au moteur, on sait que l'on est aux commandes d'une GS. La nouvelle ne renie pas sa filiation et assume fièrement son héritage génétique. Les différences sont subtiles, mais gardons à l'esprit que «le diable se cache dans les détails», comme le veut le dicton.
Visuellement, la GS s'est encore affinée. Je la trouve plus moderne, plus effilée et mieux finie. Je sais qu'il s'agit là d'arguments subjectifs — on ne discute pas les goûts et les couleurs —, mais je trouve la GS 2013 plus plaisante à regarder. Particulièrement à l'avant. L'ensemble nez/carénage/caches radiateur me semble mieux intégré que sur l'ancien modèle.
D'un point de vue dynamique, la GS 2013 fait tout bien, mais surtout mieux que l'ancienne qui était déjà considérée comme un modèle d'équilibre et de polyvalence. Elle pousse le concept de la routière d'aventure un peu plus loin, même si, ce faisant, elle perd un peu de polyvalence au profit d'une sportivité accrue. Moins baroudeuse que sa devancière — par une faible marge, je vous l'accorde —, elle suit l'évolution que l'on observe dans l'automobile avec les VUS et autres 4x4. Elle s'embourgeoise et s'éloigne de plus en plus des sentiers non asphaltés, bien qu'elle possède encore de sérieux arguments en hors route, particulièrement sur les sentiers roulants.
Grâce à l'évolution du châssis (cadre treillis d'un seul tenant, réalisé en tubes d'acier, boucle arrière qui supporte la section arrière et la selle boulonnée directement au cadre, diamètre des poteaux de fourche réduit de 41 à 37 mm...), le comportement routier de la GS est bonifié. La géométrie de direction est quasiment identique à celle du modèle précédent, pourtant, la moto est mieux plantée qu'auparavant, son train avant inspire davantage confiance sur route et on peut adopter un rythme très sportif à son guidon, même sur revêtement dégradé, ce qui en fait une machine quasi idéale pour les rallyes routiers, spécialement pour les modèles équipés de l'ESA Dynamic (la suspension ajustable électroniquement de BMW). Et une monture toute désignée pour affronter le réseau routier du Québec qui n'a plus de routier que le nom.
Le moteur liquide est la vedette de cette mutation réussie. Il émet toujours le grondement familier des bicylindres à plat, mais la sonorité de l'échappement est plus présente, avec une note plus aiguë, plus métallique. À ce chapitre, il faut reconnaître que la sonorité du modèle 2010 est plus flatteuse, particulièrement en rétrogradage. Bien qu'il ne développe que 15 ch de plus que l'ancien, le nouveau Boxer relègue ce dernier aux oubliettes. Puissant, joueur et disponible à tous les régimes, il fait preuve d'une hargne inconnue sur un Flat-Twin. Il monte facilement et rapidement en régime, à la moindre sollicitation de l'accélérateur, quel que soit le mode de gestion électronique sélectionné. Au chapitre des accélérations et des reprises, il étonne par sa force. Mais il suffit de sélectionner le mode Dynamic pour découvrir une sportivité inédite sur un bicylindre à plat, même sur les versions sportives. La moto bondit à l'ouverture des gaz. Elle pointe sa roue avant dans les airs en 1re, en 2e et en 3e quand on accélère franchement, malgré tous les systèmes de contrôle électroniques. Bluffant! Dans ce mode, la réaction de l'accélérateur électronique Ride-by-Wire est abrupte, mais on s'y habitue à la longue. Dans les modes Enduro, Rain ou Road, l'accélérateur est plus docile et le moteur moins violent.
En dehors de sa vigueur et de sa sportivité, un des gros avantages du nouveau Boxer c'est sa compacité, laquelle résulte de l'intégration de la boîte de vitesses au moteur. Ceci a permis d'allonger le bras oscillant de 53 mm sans modifier l'empattement, ce qui améliore l'adhérence et le fonctionnement de la suspension arrière.
La protection offerte par le pare-brise est équivalente sur les deux modèles, mais le système d'ajustement est plus efficace et plus pratique sur la version 2013. Il suffit d'une seule molette pour le monter ou le descendre. Par ailleurs, on peut l'ajuster en roulant, d'une seule main.
Quand on fait le bilan des avantages et des défauts des deux machines, il est clair que la BMW R1200GS 2013 est la grande gagnante de ce face à face. Cependant, si vous êtes propriétaire d'un modèle récent, je ne vois pas trop l'intérêt de changer de monture pour le nouveau modèle, à moins que votre machine soit fatiguée et crie au repos. En revanche, si vous désirez faire l'acquisition d'une GS, je vous recommande de faire le saut pour la dernière venue. Confortable, puissante, joueuse et dotée d'un comportement routier exemplaire, elle fait preuve d'une homogénéité remarquable. En plus de surpasser sa devancière à tous les niveaux. La R1200GS 2013 est à mon avis la meilleure GS jamais produite. Il serait dommage de se priver des bénéfices de cette évolution, surtout par entêtement idéologique. De toute façon, on ne peut pas arrêter la marche du progrès...
— Didier Constant |