Les constructeurs qui veulent lancer un nouveau modèle et obtenir les faveurs de la presse spécialisée choisissent généralement une destination exotique, au soleil, avec des routes sinueuses à faire rêver sur lesquelles les journalistes peuvent s'amuser à loisir. Ducati n'a pas dérogé à la règle et a choisi la région de Palm Spings, en Californie, pour dévoiler la nouvelle Streetfighter 848 à la presse nord-américaine.
Le seul hic dans la stratégie de Ducati, c'est que le pilote chargé de mener la sortie roulait à un rythme tellement lent que celle-ci avait un intérêt limité. Surtout quand le but de l'opération est d'évaluer les aptitudes d'une moto à vocation sportive. C'était parfait pour admirer le paysage, mais je ne crois pas que Ducati nous avait invités pour ça.
Plus tard dans l'après-midi, mon collègue Bertrand Gahel et moi-même avons changé de groupe pour suivre un guide plus alerte et le rythme s'est accéléré. Enfin!
Après trois virages, la cadence était carrément sportive. Gahel et moi avons dû nous cracher dans les mains pour suivre notre hôte qui nous menait d'un côte de la montagne à l'autre à une allure qui requérait toute notre attention. Nous entrions fort en virage, avec un angle maximum, pour en ressortir sur le gaz. À un moment donné, nous avons même dû nous arrêter pour attendre le reste du groupe que nous avions semé.
«As-tu déjà fait de la compétition?» demandais-je à notre guide. Il me répondit qu'il avait abandonné la compétition un an plus tôt, quand il avait accepté la direction de Ducati North America. Car notre guide n'était autre que Dominique Cheraki, le directeur général de la branche américaine de la firme de Borgo Panigale. Un vrai «gars de bike»… un gars qui roule fort. Très fort!
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La position de conduite est toujours sportive. Le pilote a le torse penché vers l'avant
et les jambes repliées, comme sur une sportive et il est exposé aux éléments. |
Ducati a lancé la Streetfighter 1098 en 2009. Il s'agissait alors d'une 1198 débarassée de son carénage, une supersportive dénudée en quelque sorte. Son concepteur, le Français Damien Basset, l'avait dessinée selon sa propre interprétation de la batailleuse de rue ultime, une moto qu'il aurait aimé piloter lui-même: une sportive dénudée, au comportement affûté, conçue pour découper des trajectoires chirurgicales sur les routes de montagne.
Selon Ducati, la Streetfighter 848 a vu le jour parce qu'un nombre important de motocyclistes demandaient une moto offrant toutes les qualités de la SF1098 — comportement supersportif, tenue de route agressive, style délinquant —, mais dans un ensemble légèrement plus facile à prendre en main. La position de conduite hyper radicale de la 1098 a été adoucie. Le guidon a été surélevé de 20 mm et les repose-pieds ont été écartés de 10 mm de chaque côté par l'ajout d'une cale facilement identifiable placée derrière la platine repose-pieds.
Assis sur la moto, on la sent étroite et compacte, plus que sa grande sœur. Le petit tableau de bord et la minuscule casquette de phare disparaissent du champ de vision du pilote quand il roule avec un casque intégral. Seuls les rétroviseurs restent visibles. Même si elle semble bien plantée, la 848 est légère et vive. Elle fait osciller la balance à 198 kg tous pleins faits.
La position de conduite est toujours sportive. Le pilote a le torse penché vers l'avant et les jambes repliées, comme sur une sportive et il est exposé aux éléments. Il doit sans cesse combattre la pression du vent, laquelle augmente avec la vitesse. Cependant, malgré cette exposition, la Streetfighter se montre plus confortable que la majorité des supersportives.
La SF848 reprend une version de 848 cc du twin Testastretta 11° refroidi au liquide. Malgré la réduction de la cylindrée, le bicylindre en L développe 132 ch, contre 155 pour sa grande sœur. Le couple maximum culmine à 69 lb-pi et une grande partie de celui-ci est disponible dès les bas régimes. La moto démarre avec autorité et accélère puissamment facilitant les dépassements à haute vitesse. Le premier rapport est particulièrement long et on peut atteindre 50 km/h en première sans devoir torturer le moteur dans les hauts régimes.
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| Esthétiquement, la Streetfighter 848 reprend le style de sa grande sœur. |
À sa vitesse de croisière, le bicylindre vibre un peu, sans que ces tremblements ne deviennent intrusifs. De plus, il suffit d'accélérer pour que ces vibrations disparaissent. À 110 km/ sur le dernier rapport, le moteur ronronne à 4000 tr/min.
Néanmoins, la 848 n'est pas qu'une Streetfighter 1098 dotée d'un moteur de cylindrée réduite. En effet, la géométrie de la partie cycle a été modifiée. La chasse est passée de 25,6 à 24,5 degrés (comme sur une 1198 Superbike) et le déport a été réduit de 11 mm afin d'accroître la vivacité et l'agilité de la SF848.
La suspension est assurée par une fourche inversée Marzocchi de 43 mm et un monoanortisseur Sachs entièrement réglables. Le bras oscillant a été redessiné. Il s'agit désormais d'un élément moulé en aluminium, aux parois amincies.
La largeur de la jante arrière a été réduite à 5,5 pouces et le pneu qui la chausse est de taille 180/60ZR17 alors que l'on retrouvait un 190/55ZR17 sur la 1098. Ces Diablo Rosso de la série 60 exclusive à Pirelli ont un profil identique à ceux utilisés en championnat du monde Supersport. Ils procurent une surface de contact accrue sur l'angle et une adhérence supérieure.
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| Les routes secondaires sinueuses restent le terrain de prédilection de la Streetfighter 848 et les changements apportés au châssis la rendent hyper maniable et joueuse. |
La direction est légère sans être nerveuse pour autant. Sur autoroute, la moto bénéficie d'une stabilité directionnelle exempte de critiques. Mais les routes secondaires sinueuses restent son terrain de prédilection et, dans cet environnement particulier, les changements apportés au châssis rendent la 848 hyper maniable.
Sur les routes de montagne de la Californie du Sud que nous avons parcouru, la SF848 a fait preuve d'une tenue exceptionnelle. Elle nous a permis d'adopter un rythme habituellement réservé aux hypersportives. L'absence de carénage et l'adoption d'un guidon tubulaire large augmentent considérablement la vivacité de cette moto, laquelle est supérieure à celle de bien des supersportives que j'ai essayées récemment. J'en suis venu à me dire que la petite Streetfighter était peut-être la sportive idéale pour quiconque ne se destine pas à la course. Pourtant, la 848 serait à son aise sur une piste. Une bonne machine pour participer à des journées de roulage sur piste.
Par le passé, Ducati a déjà réussi à améliorer une moto hyper performante en réduisant sa cylindrée et en améliorant sa tenue de route et sa vivacité. Ainsi, l'Hypermotard 796 s'avère plus joueuse et plus polyvalente que l'Hypermotard originale. Je n'étais donc pas surpris de retrouver ce genre de sensations sur la Streetfighter 848, le confort en plus. Elle devrait convenir aux pilotes qui favorisent une plus grande facilité d'utilisation à quelques chevaux de plus. La versatilité plutôt que la radicalité.
Mais ce qui devrait leur mettre le sourire sur les lèvres — et sur celles de leur banquier — c'est le tarif réduit de 8 500$ de la SF848 comparativement à la Streetfighter 1098S, la seule des grosses SF encore au catalogue (la version de base est abandonnée). Elle se détaille en effet à 13 995$ et, pour ce montant, elle vous offre un niveau de performance étonnant et un comportement irréprochable. La SF848 est offerte en noir mat, en jaune et en rouge. |
