Alors que nous roulons en silence, un collègue britannique s'approche de moi et me fait signe d'arrêter. « Ça n'a pas l'air naturel, qu'en penses-tu? » me demande-t-il.
« Non! Pas vraiment! » lui répondis-je.
En compagnie d'une douzaine d'autres journalistes, j'effectue un circuit de seize kilomètres autour du siège social de la compagnie, à Santa Cruz en Californie. Mon collègue anglais et moi dissertons sur la singularité de voir une horde de motos électriques se promener silencieusement sur les routes secondaires pour en arriver à la conclusion que c'est aussi bizarre que de regarder un film d'action sans le son.
Neal Saiki, le fondateur de Zero — qui a récemment quitté la compagnie pour participer à un concours visant à construire un hélicoptère à propulsion humaine — est un cycliste dans l'âme et cela se reflétait dans les premières motos Zero qu'il a construites et qui utilisaient de nombreuses pièces issues des vélos. Sur les S et DS 2011, l'objectif de la compagnie a été d'en faire de vraies motos et les changements apportés vont dans ce sens. Pour y parvenir, Zero Motorcycles a engagé, il y a un an, l'ingénieur Abe Askenazi afin qu'il prenne en charge la conception des futures Zero. Askenazi, qui a travaillé, entre autres, pour Buell Motorcycles, avant que Harley ne ferme cette compagnie, a de nombreuses réalisations à son crédit.
Aujourd'hui, le constructeur de Santa Cruz prétend que plus de 83 % des pièces qui équipent sa gamme de cinq modèles sont nouvelles y compris les batteries plus volumineuses que l'on retrouve sur les S et DS. Ce qui a permis d'accroître l'autonomie qu'elles procurent de 83 à 90 kilomètres. Ces deux machines bénéficient également d'un entrainement par courroie crantée, sans entretien, ce qui a permis d'éliminer les problèmes de chaîne des modèles précédents.
La DS avec son ensemble Touring optionnel.
La S et la DS se parent d'un saute-vent qui vient surmonter le gros phare rond, de magnifiques jantes à rayons rouges et d'une nouvelle décoration plus graphique et contemporaine. Le faux réservoir a également été redessiné afin d'affiner la ligne générale.
Sur la S, la taille des roues a été standardisée — elles sont passées de 16 à 17 pouces — alors que la DS qui utilise une suspension à grand débattement conserve sa roue arrière de 16 pouces (17 à l'avant), une combinaison non commune pour une moto à caractère double usage. Selon Askenazi, il aurait fallu redessiner la DS pour la doter de roues standardisées.
La partie cycle de la S et de la DS est également remaniée. Le cadre en aluminium est révisé. Il affiche une rigidité accrue dans des sections stratégiques, afin de bénéficier d'une direction plus vive et plus précise. Les suspensions sont recalibrées pour un meilleur amortissement.
Sur la S, l'assise a été abaissée de plus de 5 cm dans le but d'améliorer la tenue de route. La selle a également été revue pour offrir un confort accru.
Les autres améliorations incluent des disques de frein de plus grand diamètre, plus puissants, un accastillage redessiné et des suspensions ajustables recalibrées pour un confort accru et une meilleure tenue de route.
Cependant, le changement le plus notable concerne le système de gestion de la batterie qui contrôle plus efficacement le courant et les chutes de voltage. Ce qui a profondément amélioré la performance des Zero. Auparavant, seul le voltage était contrôlé, ce qui causait des fluctuations du niveau d'énergie à haute vitesse. Conséquemment, les systèmes de sécurité destinés à prévenir les baisses de voltage entraient en action inopinément et coupaient l'alimentation du moteur, vous obligeant à vous arrêter sur le bas-côté. Après une pause de quelques instants, vous pouviez redémarrer, mais votre confiance dans le système était affectée.
La S est proposée en noir ou en rouge.
La gestion de la batterie est plus fiable sur la version 2011 et la S que j'ai essayée durant ce lancement n'a jamais fait défaut, même avec l'accélérateur ouvert en grand à une vitesse indiquée de 100 km/h (la vitesse maxi théorique est de 108 km/h). Néanmoins, le doute m'a submergé quand, après seulement dix kilomètres, l'indicateur de charge s'est mis à clignoter doucement pour indiquer un niveau de charge bas. Au départ de chez Zero, la jauge montrait un niveau correspondant aux trois quarts de la charge ce qui, en théorie, était amplement suffisant pour la balade prévue. En fait, j'ai terminé cette excursion de seize kilomètres de justesse, en exploitant au maximum l'énergie de quelques électrons libres. Selon un des techniciens de la compagnie, le système s'adapterait et aurait besoin de plusieurs cycles de charge pour atteindre une autonomie idéale.
Cette autonomie limitée, pour ne pas dire ridicule, est encore aujourd'hui le problème le plus criant auquel sont confrontés les constructeurs de véhicules électriques. Bien que les prises d'alimentation extérieures soient nombreuses et que l'on puisse en trouver sur la plupart des édifices, il faut quand même prévoir 4 heures pour recharger complètement la batterie d'une Zero S ou DS (2 heures si vous achetez le chargeur rapide optionnel). En cas de panne, la pénalité est lourde. D'autant que l'autonomie baisse rapidement quand vous roulez vite, à vitesse d'autoroute, par exemple. Zero offre une prise de branchement optionnelle J1772 pour vous raccorder aux stations de recharge publiques.
Après cette prise de contact avec les nouvelles Zero S et DS, force est de reconnaitre qu'il y a place à l'amélioration. Les freins, même s'ils sont plus efficaces que les précédents, manquent de ressenti à l'avant et sont trop violents à l'arrière. La carrosserie est plus fluide et plus attrayante, mais la qualité de finition n'atteint même pas le niveau de celle des motos d'entrée de gamme. Certaines des machines d'essai affichaient des ailes arrière tordues, ce qui est difficilement acceptable quand on paye le prix d'une Zero S (9 995$) ou DS (10 495$).
J'ai aussi trouvé ces motos paradoxales. Tandis que Zero déploie de nombreux efforts pour les rendre plus sportives et de souligner leur caractère « moto », deux facteurs qui les rendent plus enviables aux amateurs, les motos électriques, sont par essence, destinées aux consommateurs économes soucieux de l'écologie, lesquels échangeraient volontiers le cadre massif en aluminium et la fourche inversée des Zero pour des composantes moins sophistiquées. Ceux-ci préfèreraient à n'en point douter des montures offrant une meilleure protection contre les éléments, plus d'espace de rangement pour leurs déplacements quotidiens et un confort accru.
Les Zero 2011 se sont largement améliorées. Et l'investissement de 26 millions de dollars consenti par des investisseurs privés permettra certainement à la compagnie de peaufiner encore davantage ses futurs produits. Mais, pour l'instant, il s'agit encore d'un projet en évolution. Pas d'une solution viable dans l'immédiat. |