Lorsque le patron m'a annoncé que j'allais ouvrir la campagne d'essais 2011 à bord d'un scooter, une foule d'émotions contradictoires m'a envahi. Mon expérience avec les scooters est très limitée et il est nullement question pour moi de les comparer les uns avec les autres. J'ai brièvement chevauché un 50 cc, un 125 cc, un 500 cc à trois roues et enfin un mégascooter de 650 cc, mais sinon, je suis en terrain quasi inconnu, d'où une certaine insécurité. C'est d'ailleurs cette relative virginité qui fait de moi le candidat tout désigné pour essayer cette machine, prétend le boss.
Un scooter, c'est un véhicule utilitaire en ce qui me concerne. L'élément passion est absent de l'expérience. Pourquoi diable n'ai-je pas été désigné pour commencer l'année avec une MV Agusta F4, ou une Honda VFR1200F ou une Triumph Speed Triple, par exemple? « À cheval donné, on ne regarde pas la bride », prétend l'adage. J'ai donc fait contre mauvaise fortune, bon cœur et je me suis présenté au bureau l'esprit ouvert. Enfin, presque...
Premier contact positif : la livrée bordeaux est plus plaisante à l'oeil que la classique version noire à laquelle je m'attendais. Mais pour l'excitation des lignes, on repassera. Honda présente le SH150i comme une monture d'inspiration européenne. Peut-être. Mais en tant que jeunot j'aurais apprécié que l'agence spatiale européenne (ESA) collabore au design. Cependant, force est d'admettre que le look est sobre et parions que plusieurs le trouveront à leur goût.
Didier me fait faire le tour du propriétaire, comme d'habitude. Je l'écoute d'un air distrait. Je suis nerveux. C'est le début de ma saison. Démarrage sans tracas en prenant soin d'actionner un des freins. Bourdonnement feutré au lancement du monocylindre quatre-temps. Puis on enroule les gaz et c'est un retour chez moi (à 45 kilomètres de là) à travers un parcours mixte de rues de quartier, de boulevards, de routes secondaires et même d'autoroutes. Le SH150i est un scooter de 150 cc comme son nom en fait foi, ce qui lui permet de circuler en toute légalité sur les voies rapides et surtout en toute sécurité.
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Grâce à ses roues de 16 pouces, le SH150i est l'un des scooters les plus stables. |
L'avantage de cylindrée sur les scooters de 50 cc est notable. À partir d'un arrêt complet, à peu près aucun véhicule, hormis une moto, ne peut vous dépasser. Au feu vert vous n'avez qu'à ouvrir la poignée en grand sans crainte de caler à cause d'un mauvais dosage de l'embrayage ou de voir la monture se cabrer, comme c'est parfois le cas sur une puissance sportive. Le temps que les automobiles comprennent ce qui vient de se passer, vous êtes déjà 100 mètres plus loin filant à vive allure. Ce Honda atteint 80-85 km/h sans effort dans un bourdonnement beaucoup moins criard que celui émis par les scooters deux-temps qui ont la faveur des adolescents. Même en tordant la poignée à fond, l'accélération s'atténuera quelque peu rendue à cette vitesse, mais vous parviendrez à vitesse légale d'autoroute sans danger. Un peu de patience et le compteur indiquera éventuellement 120 km/h.
Bien qu'il soit possible d'emprunter l'autoroute – je l'ai d'ailleurs fait chaque fois que j'ai eu à sortir avec le scooter – on sent que la mécanique est au bout de ses capacités en haut de 100 km/h. Le SH cruise par contre sans effort à environ 90 km/h, mais passé ce cap, les reprises sont plutôt anémiques. Personnellement, j'opterais pour une version de plus grosse cylindrée si celle-ci était proposée au Canada (le boss me dit qu'un SH300i est offert en Europe). Ainsi, il serait plus aisé de se déplacer sur les grands axes routiers tout en ayant une réserve de puissance pour se tirer des embuscades automobiles à l'occasion et, surtout, ne pas avoir l'impression que le moulin est sur le point de rendre l'âme!
Cela dit, on parle ici d'une monture qui respire la qualité Honda. Comme on sollicite le SH au maximum, tout le temps, on devine la torture infligée au moteur. Pourtant, il n'est affecté d'aucun comportement suspect (comme des vibrations ou des sons inhabituels).
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Avec son coffre arrière, le SH150i est un véhicule urbain pratique et économe. |
L'écoulement de l'air se fait sans trop de turbulences. Le flot est dévié au niveau de la mentonnière du casque. Ce n'est pas parfait, mais ça reste très tolérable. Sous les 85 km/h, il n'y en a carrément pas. Malgré le tablier protégeant le bas du corps, il y a un peu de vent à bord, mais rien qui soit dérangeant ou inquiétant. Reste que le pilote est passablement exposé aux éléments. Et en cas de fort vent latéral, on risque de se faire brasser.
Le SH150i est un scooter périurbain. Sa stabilité est bonne, même à des vitesses élevées, grâce aux roues de 16 pouces. Ces roues étroites n'apprécient pas les nids de poules, pas plus que les bosses qui sont légion à proximité de nos bureaux montréalais. Ni les sections en béton rainuré. Heureusement, le scooter Honda est maniable et agile. Une partie de son agrément de conduite vient de cette capacité à virer sur un dix cents et à se faufiler dans la circulation dense.
L'assise de la selle est correcte, mais dans un monde parfait je l'aurais choisie un peu plus profonde pour pouvoir être moins droit justement. Comme le scooter est relativement compact, l'espacement pour les pieds est décent, mais pas infini. Vos pieds pourront bouger sur environ huit centimètres, mais ils devront rester à plat. Pas question de les pointer vers l'avant comme sur un Burgman 650 par exemple. Cette compacité fait que vous ne voyez pas les cadrans à moins de carrément quitter les yeux de la route et de pencher allègrement la tête vers ses derniers. Ce n'est peut-être pas un problème sur une zézette de 50 cc, mais sur le SH150i gérer les excès de vitesse devient une tâche fastidieuse... surtout maintenant que la limite de vitesse dans de nombreuses rues de Montréal a été abaissée à 40 km/h. Mais ça, c'est un autre débat...
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Maniable, agile et vif, le SH150i est facile à prendre en main. |
Après être arrivé indemne à mon domicile, j'entrepris de dresser une liste de commissions à faire à l'aide de ma nouvelle monture. Notre SH est équipé d'un très pratique coffre arrière qui s'enlève facilement. Mais il est tellement pratique que je ne vois pas qui voudrait s'en séparer. En plus comme la clé de contact qui l'ouvre ne peut s'enlever sans avoir préalablement barré la valise, vous être certain que cette dernière ne s'ouvrira jamais en chemin, déversant par le fait même votre épicerie sur la voie publique.
Je savais que je n'aurais pas trop de souci à me faire avec mes achats grâce à ce top case. Mais, par mesure de précaution, j'avais glissé un sac à dos dans la valise, en cas de trop-plein. Néanmoins, quand j'ai vu que je pouvais enfermer sans tracas sept pots de 14 pouces de diamètre (imbriqués les uns dans les autres) pour les plantes et leurs soucoupes, mon enthousiasme a fait un bon. J'ai pu ajouter une grosse bouteille de 750 ml d'insecticide et une bombe aérosol pour imperméabiliser ma housse de moto. J'étais un peu gêné d'avoir douté de la capacité du scooter à amener toutes ces babioles et j'étais maintenant pris avec le gros sac à dos que j'avais préalablement enfermé dans la valise. Je devais donc me résigner à porter un sac à dos vide sur mon dos pour que le top case daigne se fermer. Puis, eurêka! Il y a un compartiment assez généreux sous la selle – bien que ne pouvant pas rivaliser avec la valise optionnelle. J'y ai donc entreposé mon inutile sac. De plus en plus pratique ce scooter.
En revanche, j'ai regretté l'absence d'une béquille latérale. Même si le poids restreint du SH150i (140 kg) facilite le béquillage sur la centrale, ce n'est pas toujours pratique. Spécialement lorsque vous faites de nombreux arrêts.
Les scooters faisant partie d'une caste inférieure de véhicules à deux roues, aux yeux de nombreux motocyclistes, vous n'aurez pas à vous soucier de leur envoyer la main quand vous les croiserez. La liberté totale. Curieusement, les seuls motocyclistes à m'avoir salué sont trois gros barbus adeptes de la marque de Milwaukee.
Les nombreux départs et arrêts effectués en ville permettent de véritablement apprécier l'absence d'embrayage. Pour ce qui est du freinage, le système repose sur un système combiné LBS (Linked Brake System) qui dispose d'un disque avant de 220 mm et d'un tambour, à l'arrière. Il fonctionne de manière efficace, mais j'aurais aimé avoir un peu plus de mordant. Comme toujours, l'avant offre une puissance beaucoup plus impressionnante que l'arrière. L'effort au levier est un peu plus élevé qu'il devrait l'être à mon avis. Mais vous ne passerez pas tout droit comme je l'ai vérifié quand un véhicule d'urgence m'a coupé la route alors que je filais à plus de 85 km/h sur une voie de desserte. J'ai dû faire un arrêt complet en quelques dizaines de mètres. Mes doigts étaient endoloris, mon cœur battait vite, mais le policier passait devant moi et non pas sur moi!
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Offert en bordeaux, mais aussi en noir, le SH150i est élégant. |
Satisfait de la manière dont le scooter s'était accommodé des tâches que je lui avais confiées, j'ai opté pour un dernier test. Le SH150i devait maintenant affronter une de mes petites routes secondaires semi-défoncées comportant beaucoup de virages et de dénivellations brusques dans les Laurentides. J'ai été un peu déçu, mais j'ai de la difficulté à savoir objectivement si ce sont les limites du SH ou mes propres limites que j'ai rencontrées lors de cette escapade. Dans les grandes courbes ouvertes, aucun problème, la monture peut rouler à fond de train collée au train des automobiles. En revanche, dans les courbes serrées, je ne me sentais pas à l'aise. J'essayais de les négocier à mon rythme habituel, à moto, mais je sortais toujours trop large, avec de grosses gouttes de sueur sur le front et les yeux exorbités. Dans cet environnement particulier, je n'arrivais tout simplement pas à faire confiance à l'étroitesse des roues et je ne sentais pas l'arrière parfaitement en ligne avec l'avant. Est-ce que « Ed la Poignée » du JBR m'aurait dit que c'est dans la tête que ça se passe? Peut-être. Peut-être pas. Dans le doute, je me suis abstenu et je m'en suit tenu à ce qui fonctionnait, c'est-à-dire tout le reste.
Après trois sorties, je n'avais toujours pas fait le plein. Et comme toute bonne chose a une fin j'ai dû me résigner à faire un don volontaire à une pétrolière. Le réservoir a une contenance de 7,5 litres et lors du plein j'y ai entré 5,5 litres de super pour un gros total de 7 piastres. Une lecture de l'odomètre m'a alors plaqué un gros sourire au visage : 192 kilomètres! « Heille, ça fait moins de 3 litres aux 100 kilomètres; si j'habitais en ville, si je n'avais pas d'enfant et si l'hiver était moins rigoureux, ça serait le véhicule parfait… ». Franchement intéressant comme option. Et plus le carburant va augmenter — c'est inéluctable, il va augmenter —, plus le SH150i et ses pareils prendront tout leur sens.
J'ai vraiment apprécié le SH150i pour ce qu'il est : un scooter moyen, pratique et économe sans toutefois faire bon marché. Il ne m'a pas convaincu de renier les motos, mais je serai certes moins réticent la prochaine fois que le patron me tendra les clés d'un scooter. Hey boss, j'suis partant pour un TMax! On cherche un volontaire pour faire de la piste sur une zézette d'ado sans embrayage? Je suis même prêt à le faire avec le sourire... |