La GoldWing et les grands espaces : deux mythes bien vivants chez les motocyclistes nord-américains.
À la mi-mars, j’ai eu la chance de tester la Goldwing 2012 pendant quelques jours, dans le sud-est des États-Unis, à l'invitation de Honda Canada. Un voyage qui a débuté au domaine The Inn At Middleton Place, à l'extérieur de Charleston (SC) et m’a mené à Savannah (GA), une des villes sudistes que je préfère, après un détour par le magnifique parc Francis Marion National Forest.
Personnellement, j'adore cette région des États-Unis, malgré son histoire mouvementée et sa réputation parfois sulfureuse. En premier lieu, le climat qui y règne est nettement plus clément que celui de Montréal. C'est indiscutable. Et, quand on aime la moto, c'est un avantage indéniable. Mais j'aime aussi les paysages du Sud qui me rappellent tantôt les panoramas verdoyants de l'Angleterre, tantôt les décors montagneux des Pyrénées, tantôt les marécages de la Floride.
En quittant The Inn At Middleton Place, j'emprunte une allée monumentale bordée d'arbres majestueux qui forment une voute impressionnante transpercée par la lumière du soleil. J’essaie de m'imprégner de l'atmosphère féérique des lieux afin de n’en rien oublier. L'odeur caractéristique de soufre qui émane des marais enveloppe la région. Où que l'on soit, elle est là, prégnante qui vous caresse les narines en permanence. Le paysage est parsemé de chênes centenaires desquels des épiphytes, communément appelés « mousses espagnoles », pendent comme autant de guirlandes de Noël. Sublime! Envoûtant!
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Le paysage est parsemé d'arbres centenaires desquels des « mousses espagnoles »
pendent comme autant de guirlandes de Noël. Sublime! Envoûtant! |
La température est idéale. Sur le tableau de bord numérique de la GoldWing, le thermomètre indique déjà 21°C et pourtant, il est à peine 9 heures du matin. Heureusement, une légère brise souffle qui me gardera au frais durant tout le voyage. Les conditions sont idéales pour une excursion à moto.
J’ai laissé Montréal et l’hiver derrière moi — la neige, le froid et le pelletage ne sont plus que de lointains souvenirs —, et je me fais bercer au son de « I’m so Lonesome I Could Cry » une superbe chanson de Hank Willams interprétée par Keb’ Mo’ ((album : Timeless — Hank Willams Tribute). J’ai branché mon iPod à la prise USB située dans le coffre arrière de la GoldWing et je l’ai réglé en mode aléatoire, afin de laisser le hasard faire son œuvre. C'est-à-dire me surprendre en sélectionnant des chansons en parfaite adéquation avec la situation ou les lieux qui se présentent. Par moments, la magie opère. Là, je suis en symbiose avec mon environnement. Et la moto...
Reine des routières de luxe depuis bientôt 35 ans, la GoldWing s’est bonifiée au gré de ses changements de personnalités, sans jamais remettre en cause ses qualités intrinsèques. Celles-ci font partie intégrante de son héritage génétique. Elles expliquent pourquoi le vaisseau amiral Honda trône fièrement au sommet de la catégorie des super voyageuses, un segment qu’elle a pratiquement inventé, bien qu'elle ne soit pas la routière la plus équipée, ni la plus puissante, ni la plus technologiquement avancée. La GL1800 revendique cependant un niveau de confort royal et une douceur de roulement légendaire. Sans compter qu'elle a su marquer l'imaginaire collectif des motocyclistes au point de devenir une véritable icône.
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Sur route, la GoldWing fait preuve d'un équilibre étonnant. Ses qualités dynamiques sont impressionnantes pour son gabarit. |
Contrairement à certaines de ses concurrentes directes, la Honda a été conçue pour rouler à deux. En Amérique du Nord, elle est le véhicule de prédilection des couples motocyclistes en quête d’évasion et d’aventure... Habillés de façon assortie et reliés l'un à l'autre par leur système d'interphone, ils traversent le continent en se susurrant des mots doux à l'oreille. C'est du moins ce que nous imaginons en les voyant passer, tels des inséparables, ces petits perroquets d'Afrique vivant unis jusqu'à la mort. Car rien ne nous garantit qu'il en soit ainsi dans la réalité. Jamais dans l’histoire de la moto, une machine n’aura été encensée à ce point par les occupants du siège arrière. Au point où l’on se demande parfois, qui du pilote ou de la passagère, à l'intérieur des couples roulant en GoldWing, a le dernier mot quand vient le temps de signer le chèque.
La traversée du magnifique parc Francis Marion National Forest, situé au nord-est de Charleston, est l’occasion de redécouvrir le plaisir de rouler tranquillement, sur des routes secondaires bien entretenues et peu fréquentées. Celles qui traversent le parc serpentent entre les forêts de pins blancs et de cyprès chauves qui me rappellent les pinèdes des Landes, dans le sud-ouest de la France. Elles traversent des petits villages perdus, dont certains semblent avoir été désertés et des fermes dont on se demande si elles sont encore en activité. Le long de la route, les maisons mobiles et les caravanes délabrées qui se comptent par dizaines offrent un spectacle de désolation parfois difficile à soutenir. On a peine à croire que l'on est dans le pays le plus puissant au monde. On devine, derrière les rideaux en lambeaux, la misère qui s’y cache, les drames qui s’y déroulent, mais aussi les moments brefs de bonheur qui viennent égayer le quotidien peu reluisant de leurs occupants. « Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil… » chante Charles Aznavour. Peut-être? Puis on continue son chemin… et la vie poursuit son cours inexorable.
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La ligne de la carrosserie a été affinée. Le carénage avec ses ouïes d'aération optimisées se montre plus aérodynamique. Ainsi, le pilote et le passager seront mieux protégés des éléments. Les turbulences autour des jambes ont été réduites. Les valises redessinées sont plus volumineuses (elles offrent une capacité totale de 150 litres). |
Pratiquement inchangée depuis son lancement en 2001, la GL1800 conserve son légendaire six cylindres à plat de 1 832 cc qui affiche une puissance de 118 ch et un couple phénoménal de 123 lb-pi, ainsi que son cadre en aluminium massif. Malgré ses 412 kg en ordre de marche, la GL1800 semble flotter sur l’autoroute I-95 qui me ramène à Savannah. Je roule légèrement au-dessus de la limite de vitesse permise, à 120-130 km/h, sans ressentir la moindre secousse. J’ai l’impression de flotter sur un coussin d’air. Le gros six cylindres est à la fois souple et puissant tout en étant exempt de vibrations. Un vrai charme.
La ligne de la carrosserie a été affinée. Le carénage avec ses ouïes d'aération optimisées se montre plus aérodynamique. Quant aux valises redessinées, elles sont plus volumineuses qu'auparavant et elles offrent désormais une capacité totale de 150 litres.
Avant de quitter Charleston, j’avais pris soin de régler le pare-brise en position haute, pour réduire la pression de l’air. Cependant, ce dernier génère toujours quelques turbulences au niveau du casque. Pour le reste, je suis bien abrité derrière le large carénage redessiné de la GoldWing. Contrairement au modèle précédent, celui qui équipe le millésime 2012 réduit les courants d’air désagréables au niveau des chevilles du pilote et du passager. Et ça c’est appréciable sur un long trajet.
En ce qui a trait à la consommation d’essence, la GoldWing n’est pas plus gourmande que sa devancière. Durant ce périple, j’ai enregistré une consommation moyenne de 5,6 L/100 km, pour une autonomie d’environ 446 km.
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La GoldWing est étonnement agile et se montre à l'aise sur les routes secondaires. |
Même si les changements à la partie cycle se limitent à un recalibrage des suspensions, à un remplacement des supports de guidons et à l’adoption de nouveaux pneumatiques Bridgestone Exedra, la tenue de route est passablement améliorée. Le guidage est plus sensible, plus précis et on se sent immédiatement en confiance aux commandes de la nouvelles GL.
Le freinage combiné ABS est toujours proposé de série et un modèle équipé d'un coussin gonflable est également offert...
En ville et dans des endroits à l'espace restreint, la GoldWing est facile à manœuvrer pour son gabarit, grâce en partie à son centre de gravité bas. Il faut reconnaître que le travail de centralisation des masses effectué sur la GL1800 est remarquable.
Le poste de pilotage de la GoldWing est toujours aussi complet que par le passé, voire surchargé. On dirait le cockpit d'un Airbus A380. En plus des vide-poches disposés de chaque côté du carénage, on dénombre une quantité impressionnante de boutons sur les guidons. Sur le côté gauche du carénage, on trouve aussi une flopée de touches pour les réglages du système audio, même chose sur le côté droit. Difficile de rester attentif à la route quand vient le temps d'ajuster le régulateur de vitesse, de lire l'écran du GPS ou de règler le système audio. Par moment on aimerait avoir un copilote!
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La GL1800 est également proposée en bordeaux. |
La GL1800 2012 est équipée d'un système de navigation GPS de dernière génération activé par la voix. On peut programmer nos itinéraires sur notre ordinateur et les télécharger ensuite dans le GPS à l'aide d'une carte SD (le lecteur se trouve à l'arrière, dans le coffre central). Le GPS bénéficie d'un écran ACL plus brillant et d'un récepteur évolué qui capte les signaux satellites plus rapidement et plus efficacement. Une prise accessoire pour les iPod et autres lecteurs MP3 est également incluse. Elle est logée dans le coffre, elle aussi.
Laissant au GPS le soin de me conduire à destination, j’arrive à Savannah sans encombre, ni hésitations. Le système est d'une précision remarquable dans les circonstances. L'an dernier, lors d'un voyage de 7 500 km à travers cette même région, sur une GL 2010, j'ai parfois eu de la difficulté à trouver mon chemin du premier coup. Le nouveau système semble plus efficace à ce sujet.
Je suis donc ses indications docilement et je me retrouve dans la cour du Mansion on Forsyth Park, un hôtel chic, dans la plus pure tradition du Sud où je passerais quelques jours et qui donne sur le parc Forsyth, un des plus beaux de Savannah, situé à quelques enjambées seulement de la maison Mercer, où fut tourné le film « Minuit dans le jardin du bien et du mal », de Clint Eastwood.
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Le parc Forsyth est l'un des plus beaux de Savannah. |
Depuis l’année dernière, la GL1800 n’est plus fabriquée dans l’Ohio, aux États-Unis, mais au Japon. Cependant, elle demeure fidèle à sa réputation de qualité. Au Canada, elle devrait faire son apparition chez les concessionnaires dans le courant du mois de mai. Elle sera proposée en deux versions, avec ou sans coussin gonflable, dans deux coloris, rouge bordeaux ou bleu. Elle se détaillera 29 999 $ pour la version de base et 31 499 $ pour la version équipée du coussin gonflable.
La mouture 2012 de la GoldWing ne révolutionne pas le genre, mais elle corrige quelques petits défauts. Cependant, on est en droit de se demander si ça sera suffisant pour contenter les clients qui demandaient plus. On comprend Honda de vouloir faire preuve de prudence avec un modèle aussi emblématique. Il reste cependant, qu'aujourd'hui, certains détails agacent et trahissent une conception d'un autre temps. Comme le pare-brise qui ne bénéficie pas d'ajustement électrique, l'absence de mode de communication sans fil Bluetooth ou encore l'allure qui commence à dater.
Il reste à savoir quel accueil cette dernière GL1800 recevra de la part des amateurs de grosses routières de luxe. D'autant que la sortie des nouvelles BMW K1600GT/GTL risque de lui causer quelques soucis, spécialement avec les utilisateurs technophiles pour qui la GL manquera peut-être d'attraits.
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