À peine deux ans après sa sortie, l’Hypermotard est devenue la moto la plus vendue de Ducati, avec plus de 15 % des ventes de la marque à l’échelle mondiale. Elle brille particulièrement en Italie et aux États-Unis où elle jouit presque d’un statut de moto culte. Le succès que rencontre cette machine est en partie attribuable à son look agressif d’inspiration Supermotard que l’on doit au designer sud-africain Pierre Terblanche, — qui a aussi conçu la dernière génération de Super Sport (retirée du catalogue pour ventes insuffisantes) et la 999 de triste mémoire — ce qui doit le ravir après la cabale menée contre lui par les Ducatisti.
Désireuse de tabler sur ce succès, Ducati a présenté, plus tôt cette saison, une version 796 de l’Hypermotard, plus accessible que sa grande sœur et surtout moins cher de 3 500 $.
Comment, après ça, Ducati peut-elle convaincre encore plus de motocyclistes de succomber aux charmes de la belle Italienne? « En la rendant plus légère et plus puissante, sans augmenter son prix de détail, » reconnait John Paolo Canton, le responsable des relations publiques de la marque.
« Ça fait du sens » comme on dit par chez moi…
Dans le but de distinguer la nouvelle venue, Ducati la nomme Evo, pour « Evoluzione », car il s’agit bien d’une évolution de l’original. Un modèle haut de gamme Evo SP a également été ajouté à la gamme, mais nous en reparlerons plus tard.
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Sur les routes secondaires sinueuses, la Ducati est un vrai charme à conduire à la limite. |
Les ingénieurs sont parvenus à réduire le poids de la machine de 7 kg pour atteindre 172 kg à sec. Le nouveau cadre treillis représente, à lui seul, un gain de 1,7 kg grâce à un sous-cadre arrière dont les pièces de fonderie ont été remplacées par des tubes et des pièces usinées soudées. Les dimensions générales de l’Evo et la géométrie de direction sont inchangées.
Cependant, le gros de cette cure d’amaigrissement a été réalisé sur le moteur. Il s’agit d’un bicylindre en L refroidi à l’air tout à fait inédit, baptisé Desmodue 1100 Evoluzione. Son carter dérivé de celui du moteur refroidi au liquide est à la fois plus léger et plus résistant. Il enserre les éléments mécaniques internes de plus près.
Il abrite un vilebrequin allégé au bout duquel est vissé un volant léger inspiré de celui de la 848. Derrière le couvercle de gauche, qui est maintenant en magnésium plutôt qu’en aluminium, on retrouve l’alternateur, lui aussi allégé. Ce sont ainsi 5,2 kg qui ont été épargnés sur le moteur.
Mais les modifications au moulin ne s’arrêtent pas là. Dans le but d’accroître la puissance, les culasses bénéficient de conduits redessinés et la forme de la chambre de combustion a été optimisée pour fonctionner avec une bougie simple sans perdre d’efficacité. Ces changements, combinés avec l’adoption d’arbres à cames au profil plus agressif et des pistons à haute compression (11.3:1 au lieu de 10.7:1) permettent de faire passer la puissance à 95 chevaux (une hausse de 5 chevaux). Un radiateur d’huile plus volumineux et dont la surface frontale est augmentée de 85 % est utilisé pour évacuer le surplus de calories. Selon Ducati, ce moteur Evoluzione va devenir la norme pour les motos de la marque refroidies à l’air.
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Si le rouge lui sied à merveille, l'Evo de base est également proposée en noir. |
Le remplacement du boîtier de contrôle électronique Marelli par un modèle Siemens a permis de gagner quelques grammes supplémentaires. Mais ce dernier a été choisi en raison de son processeur plus rapide et de son câblage plus simple et léger.
Afin de découvrir les Evo et Evo SP, Ducati nous a extirpés des rigueurs de l’hiver canadien pour nous transporter à Scottdale, en Arizona, un coin des États-Unis nettement plus chaud en cette période de l’année. Là, nous avons exploré les routes sinueuses du Lost Dutchman State Park.
En embarquant sur l’Evo, j’ai immédiatement retrouvé mes marques. Je dois avouer que j’avais adoré l’Hypermotard lors de son lancement en 2007.
Si ce n’était du nouveau tableau de bord, il serait difficile de distinguer le nouveau modèle de l’ancien une fois en selle. Celui-ci est directement emprunté à la Streetfighter. Il est compact, mais le tachymètre à cristaux liquides est difficile à lire. De plus, il ne comporte pas d’indicateur de rapport engagé, pour ceux qui, comme moi, ne se souviennent jamais en quelle vitesse ils sont.
Sur l’Evo, cette information est superflue cependant, tellement la bande de puissance du moteur est large. La puissance arrive en force dès 2 500 tr/min et permet de faire lever la roue avant dans les airs en deuxième, voire en troisième. Dans ce cas, il faut quand même tirer un peu sur le guidon tubulaire pour y parvenir. Même si l’allure agressive de l’Evo était adoucie, il serait difficile de cacher son caractère délinquant tellement il est apparent à la conduite.
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Légère et maniable, l'Evo aime le pilotage à la Supermotard, tout en glissades. |
Le tirage final de la Ducati est particulièrement long, mais les trois premiers rapports sont assez rapprochés pour faciliter la conduite sur les routes sinueuses et étroites. Sur l’autoroute, l’Evo cruise à 110 km/h à 3 500 tr/min en sixième, sans vibrations excessives, contrairement à d’autres Ducati que j’ai eu l’occasion de piloter récemment.
Comme c’est le cas sur beaucoup de roadsters, le guidon tubulaire large procure un effet de levier important, ce qui est un atout sur les routes secondaires du calibre de celles que nous avons parcourues en Arizona. La moto change facilement de direction sans effort, un vrail vélo! Cependant, le guidon large amplifie les mouvements involontaires du pilote et affecte la tenue de route. Quant à la protection contre les éléments — et plus particulièrement le vent —, elle est nulle. Mais ça, vous vous en doutiez…
Comme sur le modèle original, on retrouve les rétroviseurs repliables en bout de guidon, une option à la fois branchée et efficace. Ils offrent une vision non obstruée. Néanmoins, cette configuration accroît la largeur de la machine et il m’est arrivé de m’accrocher les rétros avec un autre pilote en m’approchant de lui. Dans la circulation urbaine, il faut être vigilant ou bien replier les rétros pour faciliter les manœuvres. À la base des rétros, on retrouve les commandes compactes et intuitives de la Streetfighter.
Le modèle haut de gamme Evo SP s’adresse aux pilotes sportifs qui participent régulièrement à des journées d’essais libres sur piste. Il dispose d’une fourche Marzocchi à tubes plongeurs de 50 mm de diamètre, ajustable dans tous les sens, plus longue de 30 mm que celle de l’Evo et dotée de ressorts progressifs plus rigides. À l’arrière, le mono-amortisseur Sachs complètement ajustable de l’Evo est remplacé par un combiné Öhlins, plus rigide et plus long. Le débattement est également accru de 30 mm à l’avant et de 15 mm à l’arrière. Conséquemment, la hauteur de selle passe de 845 mm sur l’Evo à 875 mm sur l’Evo SP.
À la conduite, la différence entre les deux machines est perceptible. La suspension plus ferme de la SP s’affaisse moins, ce qui exagère la hauteur d’assise de la machine. Et, malgré ma grande taille (1,80 m ou 6 pieds), j’étais sur la pointe des pieds à l’arrêt.
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La Ducati Hypermotard a été qualifiée de délinquante. L'Evo le démontre. |
En raison de son profil de pistarde, la SP reçoit des pneus de course super adhérents, des Pirelli Diablo Supercorsa SP, en remplacement des Pirelli Diablo Rosso de l’Evo, des gommes sportives destinées à la route. Alors que l’on pourrait penser que les pneus de course procureraient une adhérence accrue, la température ambiante fraîche qui régnait lors de cette prise de contact les empêchait de monter en température et ils se montraient très glissants. À l’opposé, les Rosso se comportaient parfaitement dans les mêmes conditions.
La SP reçoit également des étriers monoblocs Brembo à fixation radiale, contrairement à l’Evo dont les étriers sont en deux parties. Le disque avant de 305 mm est identique sur les deux motos. Là encore, les composants à vocation sportive se sont montrés moins efficaces sur route. Ils avaient tendance à être trop sensibles et mordaient de façon exagérée lors de la phase initiale du freinage. Les supports du guidon sont plus hauts de 20 mm afin d’accroître la force de levier lorsqu’il s’agit de relever la machine d’un angle d’inclinaison extrême. En inspectant la SP, on note l’utilisation d’un grand nombre de pièces en fibre de carbone, ce qui allège la bête d’un kilo supplémentaire.
En ce qui me concerne, les changements apportés à la SP ne constituent pas une amélioration sur route par rapport à l’Evo, dont le comportement est tout simplement parfait. La selle plus haute de la SP, ses suspensions fermes et ses freins abrupts constitueraient même un handicap dans cet environnement. Bien sûr, la SP fait preuve d’une direction hyper rapide, d’une précision de guidage incroyable, d’une garde au sol accrue (laquelle ne fait pas défaut à l’Evo pour autant), mais en dépit de sa chasse allongée de 101 à 108 mm, elle se montre moins stable que l’Evo sur l’autoroute. Sans compter qu’elle cherche à vous éjecter de la selle au passage de chaque bosse, si petite soit-elle.
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L'Evo SP pousse le concept Hypermotard une coche plus loin. Avec ses magnifiques roues Marchesini, ses suspensions Marzocchi/Öhlins, ses freins Brembo monoblocs, ses pneus Pirelli Diablo Supercorsa SP et sa déco «racing», elle est sublime. Surtout avec l'échappement Termignoni de la photo. |
Les SP qui ont été mises à notre disposition arrivaient directement du lancement de presse européen et disposaient d’un échappement optionnel Termignoni. Le silencieux unique allège l’arrière de l’Hypermotard et affine sa ligne. Il réduit le poids de 7 kg et augmente la puissance de 7 %. Tout en permettant à la SP de chanter comme Caruso… ce que vos voisins apprécieront moyennement, j’en suis persuadé. Les UCE des SP avaient été recalibrés comme requis par l’utilisation du nouvel échappement, mais la cartographie de l’injection était réglée pour le carburant européen et, sur ce continent, les machines se montraient hésitantes à bas régime.
La différence entre l’Evo et l’Evo SP est plus grande qu’entre les anciennes 1100 et 1100S. Mais l’Evo SP (proposée à 17 495 $) en fait trop et se justifie difficilement pour une utilisation sur route, surtout que l’Evo standard est excellente. Par ailleurs, la SP n’est pas plus puissante…
L’Hypermotard 1100 Evo constitue une nette amélioration par rapport au modèle qu’elle remplace. Lequel était déjà hyper plaisant à piloter. Qui plus est, elle est proposée à 14 995 $, le même prix que l’an dernier. Ce qui est une belle conception de l’évolution.
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