Assis sur le balcon, en prenant mon petit-déjeuner, je regardais les deux motos garées de l'autre côté de la rue, en me disant qu'elles seraient difficiles à différencier pour un observateur non averti. Au même moment, mon ami Jean-Pascal Schroeder qui venait de nous rejoindre, Roxanne et moi, sur sa BMW R1100S, était convaincu que la rouge était la Honda, alors qu'en fait, il s'agissait de la Kymco. Comme c'est moi qui avais piloté la Quannon 150 pour venir (il s'agissait d'un modèle de préproduction — la seule au Canada à ce moment-là), j'aurais dû parier avec lui. Ça m'aurait permis d'avoir un petit-déjeuner sur le bras...
En photo aussi il est facile de méprendre la Taïwanaise pour la Japonaise (en fait, la Honda est fabriquée en Thaïlande), tant les deux adversaires se ressemblent, du carénage à double optique à la selle.
De près, cependant, les différences deviennent plus évidentes. La Kymco est plus grosse que la minuscule Honda. Avec son empattement, de 1 355 mm, elle surpasse la CBR125R de 61 mm. Elle est également plus haute et est chaussée de pneus plus larges qui la font ressembler à une 250.
En fait, la Quannon est plus accueillante pour un adulte de taille normale. Elle offre plus de place entre la selle et les guidons bracelets que la Honda et plus de dégagement au niveau des jambes. Sa selle est plus large et se montre relativement confortable, assez pour envisager une longue sortie à son guidon.
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La Honda CBR125R est ultra compacte. |
Les différences se confirment sous le carénage. Celui de la Honda abrite un monocylindre de 124,7 cc injecté et refroidi au liquide (quand on juge des petites cylindrées, les décimales ont leur importance, nous y reviendrons plus tard). Ce moulin est secondé par une boîte de vitesse à six rapports. La Kymco, quant à elle, est propulsée par un monocylindre carburé refroidi à l'air, de 149,3 cc.
En dépit de son alimentation très 20e siècle, le moteur de la Kymco démarre au quart de tour à froid, sans avoir à recourir à l'enrichisseur. Et il suffit de patienter quelques instants, le temps que le moulin se réchauffe pour partir à l'aventure. La Honda rit sous cape en observant son adversaire attendre d'avoir atteint sa température de fonctionnement. Et elle s'élance, laissant la Kymco sur le bord du trottoir.
À l'usage, les différences sont encore plus flagrantes. Malgré sa stature de lilliputienne, la Honda respire le raffinement. Son moteur à contrebalancier est doux et exempt de vibration. La sonorité qui émane de son échappement est feutrée, au point qu'on a parfois l'impression que le moteur est éteint quand il tourne au ralenti.
La Kymco, de son côté, émet beaucoup de bruits mécaniques. Le sifflement généré par ses ailettes de refroidissement ne parvient pas à couvrir le claquement des soupapes, ni le martellement du piston. Elle vibre pas mal aussi, un trait de caractère que l'on remarque immédiatement.
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Malgré son déficit de cylindrée et de puissance, la CBR125R est la plus rapide, sur piste
comme sur route. |
Bien que la sonorité de l'échappement de la Kymco ne soit guère plus notable que celle de la Honda, elle est accompagnée par un bruit d'admission qui, combiné avec les bruits mécaniques mentionnés plus haut, renforce l'impression de manque de raffinement.
Notons cependant, à l'avantage de la Taïwanaise, que même si son moteur produit seulement un demi-cheval de plus que ce que Honda attribue à la CBR (14 ch contre 13,5), elle tire plus fort que cette dernière. Ouvrez l'accélérateur en grand en troisième, montez les rapports à fond et vous sentirez qu'elle accélère plus fort que la Japonaise. Sur cette dernière, vous entendez un changement de sonorité quand vous coupez les gaz en sixième.
Ce surplus de caractère sur la Kymco est dû au rapport final d'entraînement plus court et à la boîte à cinq rapports. À fond, le moteur tourne haut, au point où l'on cherche un sixième rapport qui n'existe pas. L'ajout d'une sixième permettrait de faire baisser les tours à vitesse d'autoroute, ce qui augmenterait le confort, et augmenterait légèrement la vitesse maxi. Cependant, l'accélération en pâtirait.
En dépit de son accélération anémique, la Honda se montre plus rapide que la Kymco une fois lancée. Néanmoins, elle n'est pas assez puissante pour continuer à tirer sur le dernier rapport. Elle atteint sa vitesse maxi en cinquième. Pour les pilotes de taille normale — c'est-à-dire qui pèse un peu plus qu'un ado de 14 ans —, elle se comporte presque comme une surmultipliée. Ce qui favorise la consommation d'essence.
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La Kymco Quannon 150 donne l'impression d'être une machine grand format. |
En suivant la CBR à l'aspiration, je suis parvenu à atteindre 126 km/h au compteur sur la Kymco, vitesse à laquelle le rupteur de régime est entré en action (à mois que se soit le carburateur qui ne parvenait plus à fournir à haut régime, causant une coupure du moteur, difficile à dire), ce qui m'empêcha de dépasser la Honda qui s'éloigna tranquillement.
Sur les routes secondaires sinueuses, l'écart entre les deux machines se creuse davantage, et chacune d'elle fait étalage de ses qualités ou de ses défauts, selon le cas.
La légère CBR zigzague sans effort et avec brio, ses suspensions bien calibrées faisant leur travail correctement. La moto reste stable en toute circonstance et incite à augmenter la cadence. Néanmoins, elle est très compacte et pas aussi accueillante que la Quannon. De plus, son manque de couple vous oblige à jouer constamment avec la boîte de vitesse afin de conserver un rythme décent.
La Quannon donne l'impression d'être une moto de taille normale et sa direction est plus neutre en raison de son empattement plus long et de ses pneus plus larges. Mais — et la distinction est importante dans ce cas — les suspensions de la Kymco ne sont pas à la hauteur de la tâche, ce qui limite le potentiel de la machine en conduite sportive.
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La Quannon 150 souffre de suspensions trop molles qui affectent sa tenue de route
sur circuit ou sur chaussée dégradée. |
L'amortissement est relativement léger, à l'avant comme à l'arrière, tandis que les ressorts sont doux, ce dont on s'aperçoit immédiatement en s'asseyant sur la machine. La douceur de roulement est bonne, ce qui rend la Kymco confortable en ville, à des vitesses inférieures à 60 km/h, mais dès qu'on augmente la cadence, la Quannon dandine du croupion et se montre instable dans les courbes. Elle danse sur ses suspensions dans les grandes courbes rapides et dans les enchaînements de virages. C'était encore plus notable lors de la séance de photo que nous avons faite au circuit de l'Autrodrome de Saint-Eustache.
Sur la piste, la Honda ne bougeait pas d'un poil et permettait de s'amuser sur le tracé court et sinueux, malgré ma surcharge pondérale. Je pouvais bouger à mon aise sur la CBR et les étroits pneus IRC procuraient suffisamment de traction pour faire frotter les repose-pieds. Les freins sont puissants, ralentissant efficacement la Honda, sans effort et sans perte d'efficacité.
La Kymco était, quant à elle, récalcitrante sur le circuit, sautillant partout et cherchait à désarçonner son pilote à la moindre occasion. Ce qui n'était pas très rassurant en l'occurrence. Même si elle sortait plus fort des virages que la Honda, elle ne parvenait pas à suivre cette dernière.
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Ces deux machines sont idéales pour apprendre les rudiments du pilotage en toute sécurité. |
De plus, la boîte de vitesses marquait sa réprobation en décrochant, à l'occasion ou en refusant de passer les rapports, à d'autres moments. Bien que l'on puisse attribuer ces défauts au fait qu'il s'agissait d'une moto de préproduction, la Quannon n'inspirait pas vraiment confiance.
Ces deux machines sont excellentes pour débuter à moto. Elles sont économiques, faciles à prendre en main, pas intimidantes pour un rond et consomment peu. De vrais chameaux! La Kymco a enregistré une consommation moyenne de 3,8 L/100 km au cours de cet essai alors que la Honda s'est montrée encore plus frugale en se contentant d'une consommation de 3,1 L/100 km. De quoi faire tourner en bourrique les pétrolières...
Proposée à 3 495 $, la Quannon 150 représente un bon achat pour les pilotes novices (abstraction faite de ses suspensions moyennes et de sa boîte imprécise) en se montrant plus accueillante pour le commun des mortels. Son gros avantage par rapport à la Honda est que sa cylindrée supérieure à 125 cc la rend utilisable sur autoroute. Un détail d'importance quand on habite autour d'une grande agglomération.
La CBR125R qui se détaille 3 599 $ satisfera pleinement son propriétaire — et ravira les écolos par son faible impact sur l'environnement — bien que son utilisation soit plus restreinte en raison de sa cylindrée et de sa taille de lilliputienne. Les éventuels propriétaires voudront sûrement changer de monture après une saison, mais ils pourront se consoler en constatant qu'ils auront appris les bases du pilotage sur une machine performante et efficace, mais aussi très sécuritaire. Et ils adoreront leur expérience au point de devenir accros… c'est garanti! |