En regardant les deux Zero X faire le tour de la piste de motocross, sauter des bosses et prendre des virages serrés dans un silence total, je ne pouvais m'empêcher de trouver la situation cocasse. Nous étions à XTown (xtown.ca) pour la présentation des Zero X (motocross) et Zero S (Supermoto), la première moto électrique homologuée pour la route au Canada.
La compagnie Zero Motorcycles de Californie nous avait invités à essayer leurs motos à XTown, un complexe hors route situé à Mirabel, à 45 minutes au nord de Montréal. Le centre possède une piste de motocross extérieure, mais surtout une magnifique piste intérieure où nous allions découvrir les deux Zero. Ceux d'entre nous qui désiraient essayer la S sur route, pouvaient le faire sur les chemins qui bordaient le complexe.
J'attendais ce moment avec impatience, la Zero S étant le premier deux roues motorisé non propulsé par un moteur thermique que j'allais pouvoir conduire. Malheureusement, ma joie fut de courte durée. En effet, un connecteur manquant empêchait la recharge de la batterie. Impossible de piloter l'engin, dans ces circonstances.
Pour comble de malheur, la séance d'essai des Zero X, sur la piste, marquait une pause et une flopée de motocross bruyants envahissait la place, dans un vacarme assourdissant. La vingtaine de personnes présentes priaient pour le retour des motos électriques en piste afin de poursuivre leur conversation dans le calme.
Stephen Bieda, le représentant canadien de Zero Motorcycles s'est fendu d'une excuse pour cet essai avorté et m'a promis de corriger la situation rapidement. J'ai profité de l'occasion pour lui demander de me fournir une machine pour quelques jours, à Montréal, ce qu'il a accepté. Un mal pour un bien, donc.
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Magnifiquement réalisée, la Zero S est un bijou d'ingénierie. |
Quelques jours plus tard, je ramassais une Zero S chez Ecomoto (ecomoto.ca), une boutique spécialisée dans la vente de véhicules électriques et seul dépositaire Zero à Montréal. Il s'agissait d'u modèle de préproduction sur lequel quelques éléments (rétroviseurs, selle) différaient de ceux du modèle de production.
Après avoir brièvement fait le tour de la machine (ce fut rapide, car il n'y a pas grand-chose à expliquer sur une moto qui ne possède ni démarreur, ni embrayage, ni vitesses), j'ai mis le contact et je me suis évadé sans bruit… Le silence d'opération est vraiment impressionnant. À peine entend-on le murmure de la chaîne et les sursauts de la suspension sur les bosses.
Une fois qu'on s'est habitué à l'absence de bruit, on peut se concentrer sur les autres aspects de cette moto qui sort de l'ordinaire. Ainsi, j'ai trouvé que la relation entre la position du guidon, de la selle et des repose-pieds était bizarre. On a l'impression d'être assis au-dessus de la moto plutôt que dedans. Il faut dire que la selle culmine à 900 mm, ce qui est passablement élevé. Trop pour un usage urbain et pour la grande majorité des utilisateurs. Sur la machine de production, la selle sera abaissée, nous dit-on chez Zero.
L'accélération, à partir d'un arrêt, est vive, comparable à celle d'un scooter quatre temps de 150 cc. Ce qui permet de s'extraire facilement de la circulation. À partir de 50 km/h, les reprises font penser à celles d'une 250 cc quatre temps. On accélère rapidement jusqu'à 85 km/h, vitesse à laquelle l'accélérateur (on ne peut plus parler de poignée des gaz…) se montre un peu abrupt. Le modèle de préproduction que j'ai essayé était limité à une vitesse maximale de 90 km/h, mais les machines de série atteindraient 110 km/h.
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La Zero S est plus rapide qu'un vélo électrique, mais guère plus bruyante. |
Un des problèmes majeurs que j'ai rencontrés était surprenant. En effet, à une vitesse stabilisée de plus de 60 km/h, le moteur coupait soudainement. À un moment donné, alors que je roulais à 85 km/h depuis une trentaine de secondes, l'indicateur de charge de la batterie est tombé à «vide», d'un seul coup et le moteur s'est éteint. Après 30 secondes d'arrêt, tout est revenu dans l'ordre, sans autre incident. Mais je suis resté sous les 60 km/h le reste de la balade. Avouez que c'est frustrant de ne pouvoir utiliser la moto à sa pleine capacité.
Interrogé à ce sujet, Stephen Bieda attribue ce problème – connu sur le modèle de préproduction – à une surchauffe. Zero travaillerait à la mise au point d'un système de refroidissement qui sera intégré au modèle de série. Il n'a pas élaboré plus sur le genre de système de refroidissement qui était testé par Zero, arguant qu’il s’agissait d’un secret.
Pesant seulement 122 kg, la Zero S est très légère, se montrant même moins lourde que la Honda CBR125R par près de 5 kg. Le guidon tubulaire large offre un bon effet de levier, et est même un poil nerveux. Ce qui n'est pas vraiment un handicap étant donné la faible vitesse que la Zero S peut atteindre. Ce trait de caractère est même plutôt bienvenu quand il s'agit de se frayer un chemin dans la circulation urbaine.
Ce que la S fait parfaitement. En fait, je me sentais presque invincible en me faufilant entre les files, sans bruit, dans les rues de Montréal. Zigzagant entre les voitures pour me placer en première ligne, au feu rouge, prêt à griller tout le monde au passage du vert. Du coup, le slogan «loud pipes save lives» en a pris pour son rhume, puisque je suis toujours bien vivant, bien que silencieux. Par contre, plusieurs piétons téméraires, voire suicidaires, ont eu la peur de leur vie en me voyant déboucher sur la rue, sans m'entendre venir.
Pour un motocycliste, parcourir 80 km sur une charge représente une autonomie ridicule, mais c'est oublier la vocation urbaine de la Zero. Il s'agit d'une autonomie d'autant plus raisonnable qu'il suffit de trouver une prise électrique et de se brancher pour repartir pour un autre 80 km.
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La Zero S se faufile partout, même sur les chemins de gravier. |
Je me suis promené pendant quatre jours au guidon de la Zero, effectuant même une escapade de 120 km en deux jours, avec une recharge nocturne. Après une sortie ininterrompue de 50 km, ponctuée de nombreux arrêts et départs, l'indicateur de charge de la batterie indiquait qu’elle était encore une demie pleine. Une batterie complètement déchargée se recharge en quatre heures, environ, moins si elle est partiellement vide. Et sa durée de vie utile est de plus ou moins sept ans, au Canada, où les températures sont froides et la saison de conduite courte.
Personnellement, j'ai rapidement été conquis par le concept. Quand on prend en considération les fluctuations du prix des carburants, une moto électrique devient vite rentable. En plus d'être sécuritaire. Aucun risque d'être asphyxié par les gaz d'échappement, ni de réveiller les voisins en rentrant tard le soir ou en quittant la maison de bonne heure le matin, pour aller travailler.
Cependant, il est pour l'instant prématuré de prétendre remplacer votre moto par un modèle électrique comme cette Zero. Principalement en raison de son rayon d'action restreint qui limite les sorties à un environnement immédiat. Pas question de partir en balade avec vos copains, le week-end. Et même s'il est possible de piloter la Zero S de façon agressive sur des petites routes sinueuses, peu de gens la conduiraient de cette façon.
Sans son cadre massif et coûteux qui grève son prix (11 450 $), la Zero S pourrait être particulièrement attrayante. Le cadre périmétrique en aluminium est très bien construit et robuste – au point qu'il pourrait facilement se justifier sur une 250 de Grand Prix –, sauf qu'il est fixé à un moteur électrique développant 22 kW, une puissance équivalant à 31 ch sur un moteur atmosphérique. Ce qui ne se justifie pas dans les circonstances, un cadre plus simple suffisant pleinement.
La Zero S est parfaite comme véhicule urbain, d'autant qu'elle ne dégage aucune émission nocive. Cependant, son prix élevé est un frein important à son développement. Une critique que l'on peut faire à la plupart de ses compétiteurs, me direz-vous. Même la Enertia de Brammo, dont le prix a été réduit de plus de 33 % (il est passé de 11 995 $ US à 7 995 $ US), s’avère être un produit relativement onéreux. En plus de ne pas avoir de distributeur canadien. La Quantya Strada, fabriquée en Suisse par son vis-à-vis européen se vend l'équivalent de 12 900 $ canadiens outre-Atlantique.
Si vous décidez néanmoins de délier les cordons de votre bourse pour sauvegarder l'environnement, une chose est sûre : chaque fois que vous passerez devant une station à essence avec votre Zero S, vous aurez un large sourire sur le visage.
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