Sur piste, la R1 est dans son milieu. Mais au delà de ses performances, c'est son équilibre et sa facilité de prise en main qui impressionnent.
Un air de famille lointain
La Yamaha YZR-R1 a longtemps gardé une identité visuelle forte, inspirée du look du modèle original apparu en 1998. Et oui! Déjà 11 ans. Comme le temps passe... Mais la dernière incarnation de la supersportive ultime de la marque aux trois diapasons rompt avec la tradition et inaugure une nouvelle ligne. Plus fine, plus élancée, plus radicale. En photo, dans certains angles de prise de vue, de trois-quarts face surtout, on dirait une 250 tellement elle est compacte. Et si vous mettez un pilote de mon gabarit à son guidon (je ne suis pas gros, juste enveloppé... comme dirait Obélix), cette impression est encore plus évidente. Mais il n'y a pas que l'habillage de la Belle qui a changé. En fait, tout est nouveau : cadre, carénage, entrées d'air forcé, ligne d'échappement, tableau de bord. Ce qui n'empêche pas la R1 d'être toujours aussi belle! Et pour être sûre de plaire à tout le monde, elle est offerte en noir avec des accents or, en jaune et noir ou en bleu Yamaha.
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La nouvelle R1 inaugure une ligne plus fine, plus élancée qui rompt avec le look du modèle original lancé en 1998. |
Présentations d'usage
La R1 nouvelle mouture reprend de nombreuses solutions techniques utilisées sur la YZR-M1 de MotoGP et se veut encore plus sportive qu'auparavant. Avec ses 176 ch à 12 500 tr/min, son couple de 85,34 lb-pi à 10 000 tr/min, son moteur de 998 cc amélioré affichant un calage «Big Bang» à 90 degrés (comme sur la M1 de Rossi) et un embrayage à glissement limité, la R1 2009 affiche nettement ses ambitions. Elle reçoit également une injection à cartographie paramétrable en trois modes (comme la Suzuki GSX-R1000), un système d'admission d'air forcé amélioré (Ram Air), une admission variable électronique YCC-I (Yamaha Chip Controlled Intake) dotée de cornets d'admission à hauteur variable, un dispositif de contrôle électronique de l'ouverture de l'accélérateur YCC-T (Yamaha Chip Controlled Throttle), sans oublier des pistons allégés en aluminium forgé, des cylindres au revêtement composite en céramique et de nouvelles bielles. L'échappement 4-2-1-2, dont les deux silencieux larges sortent sous la selle, est conforme à la norme Euro 3, grâce à un catalyseur à trois voies et une sonde lambda.
La partie cycle évolue également grâce à l'adoption d'un nouveau cadre Deltabox en aluminium redessiné. Plus courte d'empattement, la R1 est plus vive, mais aussi plus facile à balancer dans les virages en raison d'un centre de gravité abaissé. Le bras oscillant redessiné complète l'ensemble. Les suspensions Öhlins (fourche inversée à poteaux de 43 mm et monoamortisseur) sont réglables dans tous les sens, à l'avant comme à l'arrière et renforcent le comportement sportif de cette R1.
L'ergonomie a également été revue. Comparativement à la GSX-R1000, que nous avions en même temps, la position de conduite de la R1 est plus radicale. Plus ramassée aussi. Car la moto est plus compacte, plus courte. La distance guidon-selle a été réduite et le pilote a l'impression d'être en prise directe avec la direction. Le poids plus balancé sur l'avant. Par contre, il est assis plus haut que sur la Suzuki et touche le sol de la pointe des pieds. Très efficace sur un circuit, cette position est rapidement incongrue sur route. Et taxe aussi bien les poignets que la colonne vertébrale. À moins d'être jeune et en forme.
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La Yamaha est radicale. Cependant, elle est moins physique à piloter que sa devancière. |
Le couple d'un twin, le son d'un V4 et la rage d'un quatre en ligne
Quand j'ai ramassé la R1 chez Yamaha, au début du mois de juillet, j'ai profité d'un trou dans les nuages d'une semaine pour rouler la Bête, faire les photos sur route et réserver le circuit de l'Autodrome St-Eustache pour réaliser une prise de contact dans un environnement adéquat. Bien m'en prit. Car, comme vous vous en souvenez sûrement, le mois de juillet a été pourri. Mais, si ma relation avec la R1 a été brève, elle a été intense.
Au démarrage, le moulin de la R1 sonne comme celui d'une Honda VFR 800. Curieux, me direz-vous? Pas vraiment. Car le vilebrequin Cross Plane de la R1 dispose en fait du même calage que celui du V4 ouvert à 90. Mais avec une seule culasse et un seul entraînement de distribution. Il est donc plus économique à produire que le V4 du Géant Rouge. Le beurre et l'argent du beurre? En quelque sorte. D'autant plus qu'à l'usage le quatre-en-ligne de la R1 est impressionnant... et addictif. À bas régime, il supplante la Suzuki GSX-R1000 au niveau du couple (pourtant, la Suzuki faisait référence dans ce domaine jusqu'à l'apparition de la nouvelle R1), spécialement quand la cartographie d'injection est réglée en mode A (le mode le plus agressif). Dans ce mode qui procure un tirage très court à l'accélérateur à commande électronique, le dosage de la poignée est délicat, ce qui rend la conduite sur piste plus hachée. Dans le mode normal, la facilité d'exploitation est au rendez-vous. On peut rentrer fort sur les freins (hyperpuissants) et rétrograder à la limite, grâce à l'embrayage à glissement limité, puis accélérer tôt en sortie de courbe. La motricité est présente à tous les régimes. C'est vraiment impressionnant.
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Suspensions complètement ajustables, garde au sol abondante, freinage haut de gamme:
la R1 est une authentique moto de course. |
Si le moulin de la R1 manque un peu de souplesse (il broute en bas de 3 000 tr/min sur les rapports intermédiaires et de 4 500 tr/min en sixième), il ne manque ni de pêche, ni d'allonge. Il accélère de façon linéaire entre 2 000 tr/min et 4 500 tr/min. Jusqu'à 9 000 tr/min, il est parfaitement rempli et impressionne par son côté rageur. Au point de faire paraître le moteur de la GSX-R anémique... Enfin, presque! C'est une figure de style, vous l'aurez compris. Toujours est-il qu'il pousse très fort à mi-régime. Passé 10 000 tr/min, régime auquel les seconds cornets d'admission s'activent, c'est la charge de la cavalerie. Les chevaux arrivent au grand galop. Complètement fou! On atteint plus de 160 km/h en première, presque 200 km/h en seconde... Imaginez ce que ça donne sur les autres rapports. Ça pousse da façon ahurissante. Si on étire les régimes au-delà de la zone rouge, le shift-light s'allume, mais le moulin continue de tirer fort. Très performante en mode normal, la R1 devient carrément débile en mode A. La réponse à l'accélérateur est immédiate. Quand on ouvre les gaz en grand, la R1 n'accélère plus, elle bondit. Elle vous propulse vers l'avant en vous étirant les bras. Tous vos repères visuels sont alors redéfinis. Un mode à réserver principalement à une utilisation sur circuit, vous vous en doutez. Personnellement, je trouve le mode standard beaucoup plus agréable à utiliser, plus efficace aussi, car moins exigeant et nettement plus souple. Sur route ouverte, je préfère encore le mode le moins radical des trois, dans lequel la machine se comporte comme une 600 sportive, ce qui est nettement suffisant dans les circonstances. D'autant plus que la piètre qualité de notre réseau routier n'est pas compatible avec les performances maximales de la R1, lesquelles peuvent nous mettre rapidement dans l'embarras.
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Dans certains angles de prise de vue, de trois-quarts face surtout, la R1 ressemble à une 250 tellement elle est compacte. |
Un châssis à la hauteur
Mais la nouvelle R1 c'est plus qu'un moteur bluffant. C'est aussi une partie cycle digne d'une moto de course. Le cadre périmétrique en alu est rigide. Et les suspensions réglables dans tous les sens sont parfaitement calibrées, sur piste à tout le moins. À tel point que sur le circuit bosselé de St-Eustache, je me suis senti immédiatement en confiance aux commandes de la R1. L'avant est parfaitement planté. On rentre dans le bol, côté ouest du circuit, sur les freins, sans que le train avant bouge. Avec précision. La moto maintient sa trajectoire imperturbablement et sort du grand gauche à double point de corde sans bouger, malgré l'irrégularité du revêtement. Le nez se lève à l'accélération et on arrive au bout de la ligne droite à fond de troisième. Difficile de passer les autres rapports sur le tracé court et tourmenté de St-Eustache. Les pifs pafs se négocient facilement, d'une simple poussée sur le guidon, malgré la présence d'un amortisseur de direction. Légère (206 kg tous pleins faits), la R1 est vive, maniable et précise à la fois. Et relativement facile à piloter à la limite pour une machine de 1 000 cc qui développe la bagatelle de 176 bourrins. Un vrai charme. Sur route, il suffit de ralentir un peu l'amortissement pour retrouver un semblant de confort. Mais force est de reconnaître que la supersportive de Yamaha nous brasse la couenne sur les routes défoncées, lesquelles sont légion ici. Comparativement à la Suzuki, qui réussit mieux dans cet environnement, au point d'envisager de longues sorties à son guidon, la Yamaha est radicale. Cependant, elle est moins physique à piloter que sa devancière. Ce qui s'explique par la géométrie de direction adoucie (chasse : 24 degrés - déport : 102 mm) et l'ergonomie modifiée. Sans que la rigueur de la tenue de route soit affectée. Par contre, le confort n'est pas le point fort de la R1. On ne peut pas tout avoir... Le freinage est, quant à lui, excellent. Les étriers radiaux à six pistons offrent un mordant exemplaire et ralentissent la bête de façon impressionnante. Sans brutalité. Et l'embrayage à glissement limité permet de garder les deux roues bien alignées dans le même axe. La roue arrière ne sautille pas et ne cherche pas à glisser, même lorsque l'on rétrograde fort.
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La supersportive de Yamaha nous brasse la couenne sur les routes défoncées, lesquelles
sont légion au Québec. Dommage! |
Graine de championne
Dans sa nouvelle configuration, la R1 2009 se rapproche encore davantage de la M1 de Valentino Rossi dont elle emprunte le calage de moteur «Big Bang» et certaines autres technologies de pointe. Pourtant, au gré des évolutions — et malgré l'explosion des performances au cours de la dernière décennie — la supersportive de classe ouverte de Yamaha est de plus en plus facile à piloter. L'efficacité est au rendez-vous à tous les chapitres. Tenue de route impériale, performance ahurissante, surtout en mode A, motricité omniprésente, ces seules qualités suffiraient à qualifier la R1 de sportive ultime. Cependant, c'est le niveau de contrôle et l'efficacité dont elle fait preuve qui impressionnent. Et l'aisance avec laquelle elle s'acquitte de sa tâche.
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