En terrain connu
Depuis 2002, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de sillonner les routes du Québec au guidon de la V-Strom. En 2003, j'ai passé une saison complète en sa compagnie et la routière de Suzuki a été de tous les comparatifs « gros double usage » que nous avons réalisés depuis sa sortie. Cet été, nous n'avions d'autres choix que de l'essayer à nouveau. D'abord, la version SE avec ses valises assorties est magnifique. Ensuite, la Honda Varadero et la Buell XB12XT Ulysses étant nos deux motos d'essai en long terme de l'année, il était intéressant de voir comment la « vieille » DL 1000 se comporterait face aux nouvelles venues de la catégorie.
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La DL 1000 est superbe en noir. |
Au fil des ans, la V-Strom n'a guère changé. Pas même au niveau de l'esthétique, qui est loin de faire l'unanimité et commence à dater. Son ergonomie, qui constitue un de ses principaux atouts, est toujours aussi soignée. On se sent immédiatement à l'aise à son guidon; les commandes tombent instinctivement sous la main, la selle large et moelleuse est confortable — même si elle est légèrement en retrait par rapport à celle de la Varadero — bien que relativement haute pour le commun des mortels (840 mm). Elle offre un bon support et se montre assez confortable sur de longs trajets. Le guidon tubulaire large et haut favorise une position de conduite droite, les bras légèrement écartés. Il procure un bon effet de levier et facilite les changements de cap. L’appui sur les poignets est limité. Le pilote est confortablement assis, les jambes légèrement repliées.
Dès les premiers tours de roue, on retrouve les sensations qui nous ont fait aimer la grosse Suzuki dans le passé. Confortable, efficace et facile à vivre au quotidien elle incite à avaler les kilomètres à son guidon. Sa conduite est plus proche de celle d’une sportive que d'une grosse routière et son bicylindre en V distille des sensations agréables. C’est un moteur dont on ne se lasse pas et qui se montre aussi à l’aise sur les petites routes secondaires que sur les longs trajets. Il est complété par une partie cycle irréprochable (cadre à double poutre en alu caissonné en trois parties dans lequel le moteur contribue à la rigidité de l’ensemble) et des suspensions qui gomment les irrégularités de la chaussée.
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Agile, maniable et dotée d'une partie cycle efficace, la DL 1000 est une routière
authentique qui se montre à l'aise sur les routes secondaires sinueuse. |
La DL 1000 en ville
Quiconque habite une grande agglomération et voyage quotidiennement à moto, soit pour se rendre au travail, soit pour vaquer à ses occupations, est concerné par le comportement de sa future machine dans la circulation urbaine. Malgré son gabarit et sa hauteur de selle importante, la DL est très efficace en ville. Raisonnablement légère, maniable et puissante, elle se révèle un véhicule urbain pratique. Elle est bien servie par le couple important de son V-Twin et par ses excellentes reprises. De plus, la souplesse et l’agrément des suspensions s’avèrent un atout majeur quand vient le temps de slalomer entre les nids-de-poule. Cependant, en bas de 3 000 t/min, le moteur a tendance à cogner à la remise des gaz. Un trait de caractère qu’on remarque moins sur route. Et qui est amplifié par le jeu excessif du rouage d’entraînement.
Équipée de son ensemble de bagageries, la V-Strom SE est imposante, spécialement en ville. Pas question de se faufiler entre les voitures au risque d’accrocher les valises latérales qui augmentent considérablement la largeur du véhicule. Cependant, leur dépose est rapide et aisée. La plupart du temps, le top case suffisait à transporter mes bagages en ville.
La DL 1000 en balade
Calé à 5 500 tr/min, en sixième, soit à près de 160 km à l'heure, je regarde l'asphalte de l'autoroute 40 défiler sous les Bridgestone Trail Wing de la DL. Il suffirait que je dirige ma botte vers le bitume pour le toucher de la pointe des orteils. À cette cadence, la V-Strom tient son cap sans broncher, mais je sens mon casque balloter de droite à gauche sous l'effet des turbulences. Mais peu importe. Car au guidon de la DL, on a juste envie de rouler. Et grâce à sa consommation raisonnable (6,1 L/100) et à son réservoir de 22 litres de capacité, la Suzuki permet de parcourir près de 360 km sur un plein. Parfait pour tenter d'échapper au mauvais temps qui a frappé le Québec l'été dernier et s'enfuir vers le soleil ou l'aventure...
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Décor champêtre de circonstance pour la V-Strom. |
Malgré ses habits de gros trail aventurier, la DL 1000 est une moto qui fait preuve d’aptitudes sportives évidentes. Son bicylindre en V possède suffisamment de couple et de puissance pour se faire plaisir. Pour tout dire, le V2 est un charme à exploiter sur les routes secondaires. Très coupleux, il offre des accélérations franches et des reprises solides. Pour dépasser un véhicule lent, il suffit souvent d'ouvrir les gaz. Au pire, on descend un rapport et le tour est joué. De 4 000 à 8 000 tr/min, le bicylindre tracte avec un entrain enthousiasmant. Sur les rapports intermédiaires, c'est un vrai bonheur que de négocier les routes sinueuses au nord de Joliette, vers Val-Saint-Come, Notre-Dame-de-la-Merci et Saint-Donat. Il suffit de pousser sur le large guidon tubulaire pour faire pencher la DL qui se régale en conduite sportive. Elle est relativement maniable et vive, possède une tenue de route impeccable et virevolte dans les virages serrés dont elle sort avec autorité grâce au couple abondant de son bicylindre en V. Un vrai jouet sur les petites routes de campagne. De plus, dans cet environnement particulier, les turbulences se font oublier et ne constituent pas une gêne aussi importante que sur route ouverte.
À un rythme plus tranquille, la DL s’avère docile et agréable à conduire. Les suspensions sont parfaitement adaptées aux conditions que l’on rencontre sur nos routes. La fourche téléhydraulique à tubes de 43 mm de diamètre a parfois tendance à sautiller, mais dans l’ensemble, elle offre un bon compromis entre le confort et la précision de guidage.
Relativement confortable, la V-Strom est une bonne moto pour voyager et elle se prête bien à la conduite en duo. Cependant, avec l'ensemble de bagages de la version SE installé, le passager est un peu à l'étroit. En effet, le top case est placé trop en avant et empiète sur son espace vital. Heureusement, Michel Olaïzola de Suzuki Canada nous a permis d'essayer un support fabriqué pour la DL, par Custom World International, qui permet de reculer le coffre et d'offrir plus de place au passager (ce support est également compatible avec la DL 650). Lors de nos sorties en couple, j'ôtais le coffre arrière, les deux valises latérales suffisant largement à transporter nos affaires. En voyage, je préférais utiliser mon sac étanche Zip Duffle de SealLine que j'arrimais sur le porte-paquet avec deux sangles en nylon ainsi qu’une sacoche de réservoir aimantée. En revanche, cet ensemble de bagages de bonne qualité est très logeable, pratique, facile à installer et à déposer. Sur le modèle que nous avons essayé, nous avons éprouvé un petit problème avec les logos Suzuki qui ornaient les valises. En effet, ils sont simplement collés et leur adhérence n’est pas à l'épreuve d'une bonne machine de nettoyage à haute pression. Qu'on se le dise...
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La DL 1000 est une routière polyvalente douée pour les voyages. |
Si vous roulez quelles que soient les conditions météo, vous serez heureux d’apprendre que Suzuki propose un jeu de poignées chauffantes à un prix raisonnable. Quand on y a goûté, on ne peut plus s’en passer. C’est comme pour les vêtements chauffants. À ce propos, je ne saurais trop vous recommander de faire poser une prise accessoire douze volts sur votre machine. Il vous en coûtera moins de 100 $, pose incluse, et vous pourrez utiliser de nombreux équipements électriques (vêtements, lecteur de CD, etc.). Le kit de poignées chauffantes s’installe rapidement et facilement, pour peu que vous soyez bricoleurs. Sinon, votre concessionnaire se fera un plaisir de l’installer pour vous. Bien entendu, une foule d’autres équipements optionnels sont proposés par les accessoiristes indépendants.
La DL en hors route
Avec son look de grosse double usage aventurière, la DL vous incite à explorer toutes sortes de terrains et à sortir des sentiers battus. Que ce soit pour explorer les Dunes de Tadoussac, les routes de montagne ou les pistes de graviers, il n’y a pas d’environnement qui la rebute. Seuls les petits chemins forestiers étroits et les « trails » au revêtement mou (sable, boue, etc.) la handicapent. Comme ses compétitrices, la Suzuki est trop lourde et trop encombrante pour jouer les motos d’enduro. À plus de 200 kg à sec, la Suzuki n’est pas à proprement parler un poids-plume. C'est avant tout une routière. C’est-à-dire que la répartition des masses se fait principalement sur l’avant, ce qui n’est pas idéal en conduite hors route. Dans ces conditions, le train avant de la Suzuki est imprécis. Les pneus, au demeurant excellents sur la route, ne sont pas conçus pour les sentiers et n’offrent pas suffisamment d’adhérence pour contrecarrer le comportement flou du train avant de la V-Strom dans les circonstances.
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Rat des villes... |
La DL 1000 face à la XL 1000V
Par rapport à la Honda et à la Buell, la Suzuki n'a pas à rougir de son âge, pas plus que de son comportement. En fait, les trois machines se révèlent très proches les unes des autres et — chose surprenante — elles affichent en gros les mêmes défauts, en particulier en ce qui a trait aux turbulences générées par leur carénage. Ce qui me fait penser que ceux-ci seraient inhérents au genre — quoique la BMW R1200GS fasse exception à cette règle — plutôt qu'à l'un ou l'autre de ces modèles. En effet, sur la DL comme sur la Varadero et la XB12XT, le pare-brise génère des turbulences importantes, quelle que soit la hauteur à laquelle il est réglé, et ceci dès qu'on dépasse 90 km/h. Sur la DL, en position haute, il induit également un retour d'air important dans le dos, lequel peut devenir gênant sur de longs trajets. On peut corriger ce problème en partie en installant une bulle de remplacement. Le conseil vaut pour les trois motos précitées. Parmi ceux que nous connaissons, notons les pare-brises Givi (plusieurs modèles de hauteurs et de largeurs différentes vous sont proposés sur le site de la marque) ainsi que ceux de MRA Windshields. Cette compagnie allemande propose également une bulle originale appelée Vario Touringscreen qui a la particularité d'être complétée par un déflecteur amovible dont l'angle est réglable sur 7 crans en fonction de la taille du pilote et de la protection recherchée. Ce déflecteur peut être commandé avec ou sans bulle de remplacement et s'installer sur celle d'origine.
Concurrente directe de la Honda Varadero depuis sa sortie, la V-Strom lui ressemble énormément. Et les deux machines proposent grosso modo la même philosophie et les mêmes solutions techniques. Dont un entraînement final par chaîne que beaucoup — particulièrement les gros rouleurs — aimerait voir remplacé par un système à cardan sans entretien, comme sur la BMW R1200GS. Beaucoup plus légère que la Honda (207 kg pour la DL contre 241 kg pour la Varadero), la Suzuki répartit mieux son poids. Son centre de gravité placé plus bas favorise la prise en main, surtout à basse vitesse et la maniabilité. Par ailleurs, la V-Strom se montre plus joueuse en conduite sportive. Au niveau de la motorisation, les deux machines, qui disposent d'un V-Twin d'un litre injecté offrant une puissance de 98 chevaux, font presque jeu égal. Pour ce qui est des performances en tout cas. Le V2 de la XL 1000V est plus souple et plus linéaire tout en étant exempt de vibrations gênantes. Celui de la DL 1000 est plus rugueux et plus expressif, mais il cogne en dessous de 3 000 tr/min et vibre plus. En fait, c'est principalement au niveau du confort routier que la différence majeure entre les deux sœurs ennemies se situe. Un domaine dans lequel la Honda, qui est une véritable Gold Wing double usage, se démarque par un confort royal, tant pour le pilote que pour le passager. Ce qui ne fait pas de la DL une machine de torture pour autant. Mais, sur un long voyage, elle n'offre pas tout à fait le même niveau de prestations que la Honda dont les suspensions et la selle sont des modèles du genre.
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... ou rat des champs, la DL est à l'aise partout. |
Une moto idéale pour nos routes
Même si la V-Strom n’est pas une moto parfaite — aucune moto ne peut prétendre atteindre la perfection —, aucun de ses défauts n’est vraiment rédhibitoire et ne vient tempérer notre enthousiasme pour cette machine agréable, facile à vivre et diablement polyvalente. Simple, performante, agréable à conduire en toutes circonstances, la DL est un formidable outil pour sillonner le Québec et découvrir les magnifiques paysages qu’il recèle. À aucun moment je n’ai eu l’impression d’avoir à faire de compromis à son guidon. Sans être la meilleure moto de tourisme ou la sportive ultime, la DL est une moto homogène, un exemple d’équilibre et de polyvalence. Une moto bonne à tout faire. Qui plus est, elle est relativement économique à l’usage et se montre fiable. Ajoutons à ces qualités un prix vraiment attrayant. À 11 499 $ sans équipement (12 499 $ en version SE), la V-Strom n’effraiera pas votre banquier et ne vous obligera pas à faire des sacrifices. Vous pourrez même installer quelques accessoires pratiques. C’est, à n’en point douter, une des meilleures affaires du moment.
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