Sur route, la GSX-R1000 est moins radicale qu'on pourrait le croire de prime abord. Elle se montre même presque confortable au fur et à mesure que la vitesse augmente et que la pression du vent atténue le poids qui repose sur vos poignets.
Présentée en 2001, la GSX-R1000 a relancé Suzuki dans le créneau des sportives de classe ouverte duquel la compagnie d'Hamamatsu s'était retirée trois ans auparavant. Cette première génération était une réplique directe à la dominante Yamaha R1, une machine introduite en 1998, l'année même où Suzuki arrêtait la production de la légendaire GSX-R1100. Vous admettrez que la situation était ironique. Pourtant, ce retrait a été bénéfique à la marque puisque depuis lors la GSX-R a redéfini les standards de la catégorie.
Ma première expérience au guidon de la GSX-R1000 remonte à 2002. La machine a toujours été réputée pour son moteur coupleux autant que puissant et par sa tenue de route irréprochable. Ces traits de caractère, vestiges de l'héritage génétique de la sportive de Suzuki, sont demeurés intacts au fil des évolutions, jusqu'à cette version 2009.
Pourtant, les changements sont nombreux et significatifs. À commencer par un tout nouveau moteur. Alors que les autres constructeurs cherchent à élargir les courbes de couple de leurs sportives d'un litre dans le but d'adoucir la livraison de la puissance, Suzuki a choisi d'explorer une avenue opposée. Les ingénieurs ont en effet accru l'alésage à 74,5 mm et réduit la course à 57,3 mm (qui s'établissait avant à 73,4 x 59 mm) afin d'obtenir les 999 cc recherchés tout en obtenant un moteur plus facile à mettre au point et plus puissant à haut régime.
Une course raccourcie tend à réduire le couple à bas et moyen régime. Pour compenser cet inconvénient, Suzuki a redessiné les chambres de combustion, a accru le rapport volumétrique de 12,5:1 à 12,8:1 et a installé des arbres à cames plus agressifs. L'alésage plus important laissant plus d'espace dans la chambre de combustion, il a été aisé d'y loger des soupapes de plus gros diamètre. Malgré ces changements, le bloc de la Suzuki conserve son punch légendaire à bas régime tout en produisant une courbe de puissance plus élastique qu'auparavant.
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Idéale pour une balade dominicale sportive menée à un rythme soutenu, la sportive de Suzuki est un modèle d'efficacité. |
Les axes de transmission ont été repositionnés dans le but de rendre le moteur plus compact. Ceci a permis aux ingénieurs de dessiner un nouveau cadre doté d'un empattement plus court de 10 mm tout en allongeant le bras oscillant de 33 mm. Il en résulte une direction plus vive et une adhérence bonifiée en sortie de virage. Dans la transformation, l'embrayage s'est retrouvé en position surélevée et son couvercle entre désormais en contact avec le genou droit du pilote quand il pose le pied au sol, à l'arrêt. Cependant, c'est le seul élément qui transmet de la chaleur à ce dernier, car, dans l'ensemble, Suzuki est parvenu à bien contrôler ce problème de transfert thermique. Même lors de journées chaudes et humides, coincée dans le trafic, la GSX n'est jamais incommodante pour son pilote.
Suzuki a conservé le sélecteur de cartographies d'injection S-DMS, mais l'a judicieusement déplacé vers le commodo de gauche. Il dispose maintenant de deux boutons pour naviguer entre les trois modes (A, B ou C, soit du plus radical au plus doux), un placé sous le pouce et l'autre au niveau de l'index. Sur le commodo de droite se trouve désormais l'interrupteur qui permet de naviguer entre les indications du tableau de bord.
La modulation de l'accélérateur dépend énormément de la cartographie choisie. Dans le mode A, la puissance arrive brutalement dès 4 000 tr/min et grimpe férocement jusqu'à la zone rouge située à 13 750 tr/min. La réponse de la poignée est directe, immédiate, un peu trop abrupte surtout sur les routes sinueuses et bosselées.
En ville ou lors de balades tranquilles, je sélectionnais régulièrement le mode C dans lequel la grosse GSX-R se montre aussi douce qu'une 600. Ceci permettait également de limiter les à-coups causés par la trop grande réactivité de l'accélérateur dans le mode agressif. On peut changer de mode en roulant, ce qui est très pratique... et est impossible sur la nouvelle Yamaha R1, par exemple, laquelle intègre également un système de cartographies programmables.
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Sur un circuit, la GSX-R1000 fait immédiatement étalage de son talent. Elle est à la hauteur de sa réputation et de son palmarès. |
Le maniement et la tenue de route de la GSX-R apparaissent familiers dès les premiers instants, une qualité qui transcende l'évolution naturelle du modèle. On trouve immédiatement ses marques sur la grosse sportive de Suzuki. Tout est là où on s'attend à le trouver et la bête se comporte exactement comme on l'anticipe. Sans surprises. Elle obéit au doigt et à l'œil, vous donnant l'impression d'être totalement en contrôle. Jamais revêche! Jamais obstinée! La direction est légère et répond avec une précision chirurgicale.
La mise sur l'angle s'effectue sans efforts et la machine maintient sa trajectoire sans broncher. Changer de direction, même à l'improviste, pour éviter un trou, par exemple, se fait à l'instinct. Il suffit de pousser sur le guidon dans la direction qu'on veut prendre. Un amortisseur de direction électronique logé sous le té de fourche supérieur améliore la stabilité, surtout en conduite agressive ou sur chaussée dégradée. Son utilisation est transparente et lui-même est à peine visible. Lors des manœuvres à basse vitesse, il n'est jamais intrusif. Il utilise un capteur qui ajuste la force d'amortissement selon la vitesse. Plus vous allez vite, plus l'amortisseur devient ferme.
Le moteur vibre un peu entre 115 et 120 km/h, soit entre 4 500 et 5 000 tr/min sur le dernier rapport. Les vibrations ne sont jamais rédhibitoires et ne nuisent pas outre mesure au confort.
Lors de ma première sortie sur notre moto d'essai, j'ai noté que les repose-pieds qui sont ajustables en trois positions sur 14 mm de course étaient réglés au plus haut. La position de conduite qui en résultait était un peu compacte, mais comme nous devions faire une journée de piste à l'Autodrome St-Eustache, je les ai laissés tels quels. Ce qui facilitait les mouvements sur la moto et le transfert de poids. De retour sur route, je les ai descendus à la position la plus basse. J'avais plus de dégagement pour mes jambes et la position de conduite était soudainement plus routière. Pas au point de transformer la GSX-R en GT pour autant, n'allez pas vous méprendre. De toute façon, la douleur que j'ai ressentie dans les poignets après une heure de trafic m'a rappelé que les sportives ne sont plus de mon âge. La selle est très confortable cependant. Assez pour entreprendre de longs voyages sans crainte excessive.
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L'Autodrome Saint-Eustache nous a procuré un environnement adéquat sur lequel évaluer le potentiel sportif de la GSX-R1000. |
L'instrumentation est complète et fournit une foule d'informations pratiques. Le tachymètre analogique circulaire placé en position centrale incorpore un indicateur de rapport engagé très utile. Les autres caractéristiques comprennent un odomètre, deux totalisateurs partiels, un indicateur de distance à parcourir sur la réserve, une horloge et un compteur de tours (pour le circuit). Il y a également un indicateur de passage des rapports programmable qui utilise quatre diodes électroluminescentes placées dans le bas du tableau de bord et qui s'allument en séquence. Elles sont relativement difficiles à percevoir, surtout en pleine luminosité.
Le mono-amortisseur et la fourche inversée BPF (big piston fork) à tubes plongeurs de 43 mm de diamètre sont ajustables dans tous les sens. Sur la fourche, les réglages de la détente et de la compression sont situés sur le bouchon de chaque poteau de fourche. Le mono-amortisseur quant à lui possède un double réglage de la compression (lente et rapide).
Malheureusement, quand Suzuki a décidé de doter sa dernière GSX-R d'échappements dédoublés la bête a perdu son feulement séduisant et viril. À haut régime, sa sonorité rauque, intimidante est désormais chose du passé. Au lieu d'impressionner les chats du quartier par son cri démoniaque, la GSX-R miaule maintenant comme un matou castré. Le système d'échappement est cependant très sophistiqué. Il utilise des échappements et des tuyaux en titane, alors que la chambre en acier inoxydable située sous le moteur incorpore un catalyseur.
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Suspensions complètement ajustables, garde au sol abondante, freinage à la hauteur du potentiel de la bête: la Suzuki est chez elle sur une piste de course. |
Le freinage a été amélioré dans le but d'offrir un meilleur ressenti. Le maître-cylindre radial active des pistons de 17 mm (au lieu de 19 mm précédemment). Les étriers radiaux à quatre pistons sont maintenant solides, ce qui donne une meilleure rétroaction et réduit le poids de chaque étrier de 205 grammes. Le frein avant est exceptionnel. Il freine très fort et ne perd pas son efficacité en usage intensif sur piste. Il renvoie une sensation précise, sans mordre exagérément lors de la phase initiale d'attaque, comme c'est le cas sur de nombreuses supersportives.
L'embrayage à glissement limité complète le freinage à merveille. Sur circuit, il fonctionne impeccablement, permettant de rentrer fort sur les freins en virage sans que la roue arrière sautille. La GSX-R1000 est équipée d'un tel embrayage depuis plusieurs années déjà, mais sur le millésime 2009, le mécanisme d'activation hydraulique a été remplacé par un câble. Ce qui permet d'économiser du poids, mais aussi d'offrir un meilleur contrôle de l'embrayage. Le mécanisme fonctionne de pair — et de façon très efficace — avec le système d'assistance à l'embrayage SACS (Suzuki Clutch Assist System) propre à la marque. L'effort au levier est très léger, plus en fait que celui de la nouvelle R1 que nous avons essayée en même temps.
En huit ans, la GSX-R1000 a évolué radicalement sans jamais renier ses origines. S'adaptant sans cesse à son environnement dont elle met en valeur les caractéristiques particulières. C'est Darwin qui serait fier! La version 2009 représente l'aboutissement d'un concept. Améliorée dans les moindres détails, la sportive de Suzuki arrive à concilier des qualités antinomiques. Performante et facile à prendre en main, radicale et confortable, elle démontre que l'équilibre est certainement la qualité la plus difficile à atteindre. Pourtant, tous ces changements, combinés à la mauvaise tenue du dollar canadien, ont causé une inflation du prix de la GSX-R qui est passé de 15 299 $ en 2008 à 16 199 $. Mais il faut bien reconnaître que cette augmentation est justifiée quand on voit comment la dernière incarnation de la GSX-R1000 redéfinit les standards de la catégorie.
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