Si vous avez des envies de figures acrobatiques, de dérapages contrôlés et d'angles extrêmes, la SMC est l'outil idéal, surtout sur une piste adaptée, comme le circuit Mécaglisse, à Notre-Dame-de-la-Merci, par exemple.
Lorsque je suis arrivé au bureau, accompagné de mon épouse, pour prendre possession de ma première monture de l’année, je suis resté perplexe. Pour me dérouiller de l’hiver, le patron m’a réexpédié chez moi sur une supermotarde dont la selle m’arrive en haut de la taille. Grossièrement décrit il s’agit d’un supermotard qu’on a légalisé pour la route et chaussé de pneus de sportive. Mais c’est un peu réducteur.
Ma saison débuta donc sous une pluie intermittente – encore – par le prêt d’une KTM 690 SMC avec moins de 24 kilomètres au compteur; aussi bien dire neuve. Ma femme ayant insisté pour attendre que je sorte du bureau avec la moto avant de partir – histoire de ne pas revenir seule –, j’ai dû être plutôt sage. De toute manière, sans être terrorisé par la SMC, d’où on culmine tout de même à 900 mm du sol, je n’ai pas vraiment le goût de faire l’andouille. Les pneus sont neufs et encore lustrés à l’exception d’une mince bande de roulement un peu poussiéreuse. Les pneus d’origines sont des Pirelli Dragon Corsa; un excellent pneumatique collant au bitume comme une ventouse. J’imagine que je n’aurai pas le temps d’aller rouler sur des routes vraiment sinueuses d’ici la date de retour de la KTM et que je devrai me résigner à remettre une monture aux pneus usés carrés à mon boss. Il va encore se foutre de moi. Pourtant, avec un peu plus de temps et de soleil, ça aurait pu être sympa de trouver une route qui tournicote pour enlever les petites tétines en périphérie des pneumatiques, au risque de m’envoyer dans le décor…
Ma femme a décidé d’utiliser la voie de desserte de l’autoroute 40 et la rue Papineau pour le retour à la maison. Avec le débattement monstre des suspensions de la KTM, les nids de poules n’ont qu’à bien se tenir. N’empêche que j’ai préféré faire le tour de ces immondes trous, réalisant par le fait même la grande légèreté de la direction, imputable en partie à la largeur du guidon. La 690 obéit au doigt et à l’œil d’une simple pression sur le guidon. Les suspensions, conçues pour un usage extrême, sont quand même assez fermes. L’injection est moins abrupte que celle de la 690 Duke qui partage le même moteur et que j’ai testée en 2008, mais elle reste délicate à doser lors de la remise des gaz. Je remarque aussi par quelques accélérations franches, mais brèves, que le moteur reste relativement puissant pour ce type de configuration. À titre indicatif chaque cheval-vapeur d’une Ferrari 575 de 370 000$ doit traîner un poids de 3,36 kg contre à peine 2,25 kg pour la KTM. Pas mal pour une moto qui se détaille autour de 11 000$ (ça reste quand même un peu cher pour une mono). Sous les 3 000 tr/min il ne se passe pas grand-chose et la mécanique rouspète un peu, mais entre 4 000 et 7 000 tr/min, le moteur libère une bonne dose de chevaux dans un bruit de mécanique empressée de prendre ses tours. Mon expérience des monos n’est pas exhaustive, mais je peux vous dire que je mettrais ma main au feu que celui-là sonne beaucoup mieux que tous les vieux moulins double usage et motocross que j’ai pu entendre auparavant.
Le soleil qui se couche tranquillement colore l’horizon. Une odeur sucrée émanant des sapins qui peuplent la banlieue que je traverse me monte aux narines. On se croirait en pleine campagne, dans le Nord du Québec. Avec l’hiver interminable, j’avais l’impression d’avoir perdu mes sens, l’odorat, en particulier, mais je suis heureux de voir qu’ils sont aux rendez-vous. Même si je m’engage sur une portion de route à voie rapide, je dois me résigner de rouler à 100 km/h le temps (très long) que mon épouse me rejoigne. Je remarque qu’à cette vitesse la moto vibre assez fort à travers les poignées pour engourdir les mains. Une vibration rapide de faible amplitude. Les pédales sont également affligées par ces vibrations, mais ne sont pas nécessairement désagréables. Arrivé à la maison, je dois me battre avec mon habit de pluie pour sortir de cette étuve portative et sécuriser la SMC dans mon garage, à grand renfort de cadenas et de chaînes.
Si vous cherchez confort et aptitudes au tourisme, passez votre chemin. La SMC n'est pas conçue pour vous. C'est un jouet extraordinaire... qui fait crack, boum, hue!
Deux jours plus tard, j’ai dû, comme tous les mâles motocyclistes, négocier ferme avec ma femme pour pouvoir partir, seul, aux commandes de mon fier destrier. Je me prends la tête à deux mains en me demandant où je vais bien pouvoir faire cette série de photos que je dois ramener à mon rédacteur. Va pour la rue en construction non loin de chez moi; ils y ont laissé un tas de pelles mécaniques. Un type en Jeep m’arrête alors que je déplace la SMC dans le sable boueux; elle est bien trop belle pour la salir! Merci, mais elle n’est pas à moi…
On s’habitue somme toute assez rapidement à la hauteur stratosphérique de la selle, probablement en raison du poids très faible (moins de 140 kg) de la bête et de sa minceur relative. Par contre pour le confort, c’est autre chose. À titre comparatif, le siège de la BMW X-Moto, que j’ai testée l’an passé, est beaucoup plus inamical pour votre postérieur, mais, là encore, on n’est pas loin de la torture; j’ai noté un réel inconfort après seulement dix kilomètres c’est-à-dire TRÈS tôt. La SMC a été pensée pour des types voulant faire des acrobaties dans le trafic : wheelies, stoppies, dérapages contrôlés en courbe, etc. Bien qu’habituellement très sage, surtout sur une monture qui ne m’appartient pas, je dois avouer qu’après quelques jours une des deux roues n’était pas toujours en contact avec le sol.
Après les photos, je suis allé me balader sur les petites routes rectilignes dans la campagne non loin de chez moi. Le moulin prend bien ses tours, mais la zone rouge est si basse (7 800 tr/min) qu’à vouloir briser le mur du son – ce qui n’arrivera décidément pas sur un mono – on active le rupteur de régime sans trop d’effort. Pratiquement assis sur le guidon tellement on a l’impression d’être avancé, il faut carrément se pencher la tête pour voir à quelle vitesse on évolue. Ça me permet de voir que je roule deux fois au-dessus de la vitesse permise sur ce tronçon désert et que le temps qui m’a été imparti par ma femme est écoulé et qu’il me faut rentrer au bercail dare-dare. Comble de malchance, la météo
prévoit de la pluie samedi après-midi et dimanche. Maudite belle fin de semaine de moto en perceptive!
De retour à la réalité, c’est-à-dire au boulot (mon vrai, mon plus payant…), j’ai décidé d’y aller avec la KTM histoire d’apprendre à mieux la connaître et, avouons-le, de faire mon frais. Ah pour être frais, je l’étais; il faisait tellement froid le premier matin (5 degrés) que j’en serais quitte pour une bonne grippe (mexicaine, qui sait?). La protection inexistante au vent n’a pas aidé. J’en suis venu à bénir chaque arrêt aux feux rouges. La vue est superbe du haut de la selle de la 690. Les feuilles sont à mi-chemin dans leur poussée de croissance et plusieurs sont encore rougeâtres. Avec ce temps frisquet, on croirait avoir zappé l’été et être à la fin septembre.
Je n’avais aucunement l’intention de me laisser ralentir dans mon arrivée triomphale au boulot par le gros dos d’âme du stationnement, je me suis donc cramponné et je suis passé dessus à environ 35 km/h. Les suspensions ont fait leur travail admirablement. Le freinage avant est confié à un seul disque de 320 mm avec étrier radial qui immobilise la bête avec autorité. Lors de ses freinages intenses, la fourche ne s’affaisse pas. Et il suffit d’un peu d’entraînement pour réaliser de magnifiques stoppies.
Je n’ai pas eu la chance d’amener la SMC avec moi dans une longue virée sur les routes sinueuses des Laurentides où elle aurait brillé puisqu’elle peut se piloter presque uniquement avec le bassin tellement elle est agile. D’ailleurs, peut-on vraiment parler de malchance dans ce cas-ci? Là, je fais référence à la selle… De plus, la contenance du réservoir étant limitée à 12 litres, les longues expéditions demandent une attention particulière au niveau de la gestion des points de ravitaillement. Au terme de cet essai de 800 km, la consommation moyenne se situait néanmoins à 6,3 litres/100 kilomètres. Ce qui donne une autonomie d'environ 190 km. Peu, en l'occurence. En l’absence de jauge à essence, il faut se fier uniquement à l’indicateur de réserve pour éviter la panne sèche. Il est donc impératif de bien maîtriser la consommation de la KTM et prévoir en conséquence.
Toute bonne chose a une fin; les clés ont été remises à mon patron. Voyons le bon côté des choses; maintenant c’est lui qui devra souffrir un peu et cette KTM 690 SMC aura enfin quelqu’un d’assez sauté pour l’utiliser comme elle le mérite, c'est-à-dire une roue à la fois ou totalement de travers…
|