265, 270, 272 km/h... La longue ligne droite de Roebling Road est avalée en une fraction de seconde sur la nouvelle CBR 1000 RR. «Ça tire en tabarnak!» comme me l'a fait remarquer Bertrand Gahel avant que je m'élance en piste pour ma première séance au guidon de l'hypersportive de Honda. Mes bras s'allongent sous la poussée. Mon casque cherche à se relever sur mon front, poussant mes lunettes vers le haut. Ma vision s'embrouille. Et mon repère de freinage se rapproche à la vitesse Grand V. Il est temps de se redresser et de songer à freiner... Et fort. Ça presse! Sans sauter sur les «brakes», je freine néanmoins le plus fort que je peux avant de plonger à la corde, dans le virage Un, en gardant une légère pression sur le levier afin de faciliter la mise sur l'angle. Les yeux rivés sur la sortie de ce long droit, je contrôle ma vitesse et mon angle d'inclinaison avec un filet de gaz avant d'ouvrir en grand dans la petite ligne droite qui précède le virage 2, un gauche ultra rapide qu'on prend presque à fond...
Bizarrement, j'ai oublié que j'étais aux commandes d'une moto dotée de l'ABS. Ce n'est que dans la ligne droite, en regardant enfin le compteur, avec son indicateur «ABS», que je m'en suis souvenu. Car, jusque-là, je n'avais rien ressenti de particulier. Je veux dire que je m'attendais à ce que l'ABS fasse sentir sa présence, mais non. Rien. Pas même une vibration dans le levier. Pas même une pulsation dans la pédale. Malgré la puissance phénoménale du freinage au bout de la ligne droite, il reste progressif et l'ABS n'entre pas en action. Ce dernier est complètement transparent. Et ne nuit en rien à la conduite sur piste.
L'électronique au service de l'ABS
Les impératifs de freinage sur une sportive, spécialement sur circuit, différent énormément de ceux d'une moto de route. Dans un premier temps, la géométrie radicale des sportives (empattement court, angle de fourche plus fermé, déport réduit) impose des contraintes importantes. Ensuite, le système doit être complètement transparent afin qu'il ne nuise pas au comportement de la moto. Sur piste, où les freinages appuyés sont la norme, l’ABS doit permettre au pilote de freiner au plus près de la limite avant d’entrer en fonction. Il faut donc que son activation se fasse en douceur, de façon à ne pas déconcentrer le pilote, ni déstabiliser la machine. De plus, l’important transfert de poids vers l’avant au freinage — qui influe sur la capacité de freinage de l’avant tout en réduisant la traction de l’arrière — requiert un système au fonctionnement particulièrement subtil et efficace de manière à offrir un niveau de performance acceptable en regard du potentiel de freinage de la machine.
Le système qui équipe les nouvelles CBR (600 et 1000) est de type combiné (une pression sur le levier et/ou la pédale de frein actionne les pistons dans les trois étriers) et fait appel à l'électronique. Toutes les caractéristiques essentielles des systèmes ABS et CBS sont présentes, y compris la prévention du blocage des roues, la répartition des forces de freinage et la facilité d’utilisation. Les sautillements de la roue arrière sont également minimisés pour permettre à la machine de conserver sa trajectoire normale. Par-dessus tout, le comportement sportif est préservé, en particulier la maîtrise ainsi que les sensations en virage.
Alors que sur les ABS/CBS qui équipent les routières de la marque (Gold Wing, ST1300, VFR800, Silver Wing, etc.) on retrouve des systèmes mécaniques d’assistance au freinage qui répartissent le freinage entre les trois disques, lesquels sont pincés par des étriers à 3 pistons, par l'intermédiaire d'une soupape de dérivation, le nouveau système C-ABS fait appel à des étriers classiques à 4 pistons et à un système électronique inédit.
L'efficacité au rendez-vous
Afin de vérifier l'efficacité du système, les représentants de Honda ont mis à notre disposition une CBR 600 RR et une CBR 1000 RR équipées de l'ABS pour des tests de freinage comparatifs sur une portion de la ligne droite. À chaque passage, ils mesuraient notre distance de freinage et la comparaient avec la distance de référence établie avec une CBR standard. Les mesures ont été faites à une vitesse stabilisée de 100 km/h, avec le frein avant seulement, puis le frein arrière seulement et enfin avec les deux freins simultanément. Enfin, la chaussée a été arrosée afin de voir comment la moto se comportait sur le mouillé.
Lors des premiers passages, on hésite à solliciter le système au maximum, puis, l'expérience aidant, on réalise qu'il est impossible de bloquer la roue avant et on prend de l'assurance. Et les distances de freinage diminuent considérablement. Que l'on utilise un seul frein ou les deux, la puissance et la constance sont toujours au rendez-vous. Par contre, on obtient un résultat optimal en freinant simultanément de l'avant et de l'arrière. Sans ressentir d'à-coups dans le levier, ni dans la pédale. Sans que l'arrière ne se soulève ou que l'avant ne décroche. Au lieu de plonger, comme c'est le cas d'une moto conventionnelle lors d'un freinage intensif, nos CBR équipées de l'ABS «s'assoient», s'écrasent sur leurs deux roues. Vraiment surprenant! Et les résultats sont aussi concluants sur le mouillé. En fait, on ressent un réel sentiment de confiance dans le système et dans la sécurité accrue qu'il procure.
De retour sur la piste, j'ai concentré mon attention sur le comportement de la machine au freinage et je dois admettre qu'il est extrêmement difficile de prendre le système en défaut. Il est possible de garder une pression sur le frein jusqu'au point de corde sans que la machine ne cherche à se relever ou que le pneu avant ne perde de la traction. Je n'ai cependant pas été jusqu'à sauter sur les freins en pleine courbe pour voir ce qui se passerait. Confiant, certes, mais pas fou! Dans le cadre d’une utilisation sur circuit, là où le pilote exploite toujours les mêmes repères de freinage, un pilote expérimenté pourra parfois battre l’ABS. Mais, le reste du temps, et plus particulièrement dans les situations d'urgence, l'anti-blocage électronique de Honda se montre supérieur.
Durant ce lancement, Honda Canada avait également invité Jodi Christie, 16 ans, le champion canadien 600 SportBike Amateur 2008 qui défendra les couleurs de la marque chez les Pros cette saison. Interrogé sur l'intérêt que l'ABS revêtait pour lui, Christie a tout de suite admis que le système pourrait s'avérer particulièrement efficace sous la pluie. Au point de lui donner un avantage certain sur ses compétiteurs. Ou lors de batailles serrées dans le peloton, quand il faut réagir vite et fort. Le reste du temps, l'intérêt de l'ABS en course est moindre dans la mesure où il n'entre que très rarement en action. Pour ce qui est du poids du dispositif (moins de 10 kg), il est presque négligeable dans les circonstances.
Avec ce système antiblocage électronique, Honda franchit un pas important en termes de sécurité active et prouve hors de tout doute que cette technologie n'est pas incompatible avec la performance. En fait, elle profite autant aux débutants qu'aux pilotes expérimentés, voire aux coureurs professionnels. D’autant plus que dans une situation d'urgence, aucun pilote ne peut réagir aussi vite, aussi fort et de façon aussi sécuritaire que l'ABS. Pas même Rossi. C’est prouvé, ne vous en déplaise!
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