La DN-01 est facile à placer sur l'angle et se comporte bien dans les courbes serrées ou rapides,
pourvu qu'on maintienne un rythme raisonnable.
En écoutant Warren Milner, le directeur de la division moto de Honda Canada, nous expliquer l'idée derrière le concept de cette machine, je ne peux m'empêcher de penser que la DN-01 est la réponse parfaite à une question que personne n'a jamais posée. Car, qui peut bien être attiré par un véhicule qui semble tout droit sorti d'une Manga? Les motocyclistes purs et durs n'auront pas les poils hérissés sur les bras à la vue de cet engin de 270 kg tous pleins faits, propulsé par un V-Twin de 680 cc qui développe seulement 61 ch à 7 500 tr/min. Quant aux scootéristes, ils n'aimeront pas la position de conduite, ni le gabarit de ce deux roues bizarroïde et encore moins l'absence d'espaces de rangement. Et tout le monde s'accordera à dire que 17 625$, ça fait cher pour une machine que personne n'a réclamée et qui n'a pas d'identité clairement définie. Pourtant, résumer l'équation ainsi est simpliste, voire réducteur. Car il existe une bonne frange de la population que la DN-01 saura captiver. «Cette moto n'est destinée ni aux motocyclistes, ni aux scootéristes convaincus, reconnaît Milner. En fait, elle se positionne comme une moto facile d'approche, pas intimidante, qui peut piquer la curiosité des automobilistes qui voudraient tenter l'aventure de la moto, des motocyclistes débutants que les boîtes manuelles rebutent ou des personnes de petit gabarit qui ne trouvent pas de machine à leur taille, mais qui ne sont pas prêtes à s'acheter un scooter pour autant.» Posé ainsi, le problème est plus facile à cerner. Et la réponse plus claire.
Une «Crossover» sur deux roues
La DN-01 a fait sa première apparition publique au Salon de Tokyo 2005, sous la forme d'un prototype. À l'époque, il n'était pas encore question de la mettre en production. Du moins, c'est ce qu'affirmaient les responsables de Honda quand on les interrogeait à ce sujet. Personnellement, j'ai fait la rencontre de la DN-01 en octobre 2007, au Mondial du Deux-roues de Paris. Et j'ai eu l'occasion de l'essayer brièvement lors d'un voyage en France, l'été dernier. Je n'étais donc pas totalement en terrain inconnu lors de cette présentation.
Au premier coup d'œil, la DN-01 intrigue. Longue, basse, massive, elle donne l'impression d'être une moto de grosse cylindrée. Elle affiche une position de conduite décontractée, une selle basse et de larges marchepieds qui font penser à une custom, alors que son allure, son carénage et son équipement (jantes à bâtons de 17 pouces chaussées de pneus radiaux Dunlop Sportmax Roadsmart, freins à 3 disques avec étriers 3 pistons et système ABS) s'inspirent plus des sportives. Quant à sa transmission HFT (Human Friendly Transmission) à variation continue, avec trois modes de fonctionnement — «D» (Drive), «S» (Sport) et Manuel à 6 rapports avec sélection par bouton-poussoir —, elle pourrait facilement se retrouver sur un maxiscooter moderne. Difficile à définir, la DN-01 n'en est pas moins une moto à part entière. Pour reprendre un terme utilisé dans l'automobile, je dirais qu'il s'agit d'une «Crossover», c'est-à-dire une moto qui fait le pont entre différentes catégories, au point de créer la sienne propre.
Au premier coup d'œil, la DN-01 intrigue. Longue, basse, massive, elle donne l'impression
d'être une moto de grosse cylindrée.
Quand on s'installe aux commandes de la bête, on retrouve des sensations automobiles. Le tableau de bord numérique rétroéclairé n'est pas sans rappeler celui d'une Civic ou d'une Fit, la position conduite est très similaire à celle d'une voiture, quand on y prête attention, tandis que les marchepieds et la pédale de frein sont des réminiscences de l'auto. Bref, un motocycliste novice n'aura aucune difficulté à trouver ses marques. Le large et long guidon procure un bon effet de levier, mais il isole un peu le pilote de la direction, d’autant que ce dernier est assis assez reculé. La selle basse qui culmine à 690 mm du sol permet de bien poser les deux pieds au sol, même si vous avez des p'tites pattes. Par contre, il en résulte une position assez ramassée qui pourra gêner les «grands Jack» qui risquent de se trouver à l'étroit.
Plaisirs automatiques
En plus de tous les témoins et contrôles habituels, le tableau de bord et le guidon de la DN-01 accueillent de nouvelles commandes. À gauche, on note tout de suite l'absence de levier d'embrayage. Puis, on découvre un bouton qui permet de choisir, soit le type de pilotage automatique «D» (normal) ou «S» (Sport), soit les six rapports en mode manuel que l'on sélectionne grâce à des manettes marquées «+» ou «—». Sur le commodo de droite, on trouve un bouton double à bascule marqué «0» pour le point mort et «D» pour Drive. À l'avant de cette poignée, une commande facile d'accès permet de passer rapidement d'un mode à l'autre. Comme sur toutes les motos/scooters à transmission automatique, il faut appuyer sur un des freins pour pouvoir lancer le démarreur. Il suffit ensuite de désengager le frein à main, localisé sur le côté droit du moteur. Et on est prêt pour une expérience d'un genre nouveau.
Pour la première de nos sorties floridiennes, je me suis regroupé avec trois collègues avec lesquels je m'entends bien, Bertrand Gahel (Le guide de la moto), Glenn Roberts (Motorcycle Mojo) et Steve Bond (Toronto Star). En plus de la DN-01, une VFR800, une CBF1000 et une Fury étaient du voyage. Ce qui nous a permis de changer de monture au besoin et de faire des comparaisons entre ces motos de styles très différents.
Nous sortons de Daytona par le Nord et nous empruntons l'autoroute 95 N jusqu'à Flagler Beach pour ensuite rejoindre la A1A, une route panoramique qui longe l'océan, en direction de St-Augustine où nous avons décidé de passer une partie de l'après-midi. C'est également là que nous souperons, au Santa Maria, un très bon resto de fruits de mer bâti sur pilotis, au bout du quai, en plein cœur de la ville.
Le tableau de bord de la DN-01 est très inspiré du domaine automobile, mais il fournit une foule d'indications pratiques au pilote. C'est l'un des plus complets.
À basse vitesse, en ville, la DN-01 est relativement lente de direction et ne brille pas particulièrement par sa vivacité ou son agilité. Il faut dire que son empattement long (1 605 mm) et sa géométrie paresseuse ne sont pas des gages de sportivité. À ce chapitre, on serait plutôt en présence d'une custom typique. Même chose pour ce qui est de la garde au sol qui est somme toute limitée. Dès qu'on adopte un rythme un peu élevé, ou qu'on emprunte des routes sinueuses, les énormes marchepieds frottent immédiatement. Heureusement, ils se relèvent progressivement, ce qui évite de se retrouver en fâcheuse posture. La DN-01 est relativement facile à placer sur l'angle et se comporte bien dans les courbes serrées ou rapides, pourvu qu'on maintienne un rythme sensé. Par contre, dans les enchaînements, elle fait montre d'une certaine inertie et demande un effort soutenu sur le guidon pour passer d'un angle à l'autre. Dès que l'on commence à vouloir jouer les Freddie Spencer, la partie cycle montre ses limites. Les suspensions font bien leur travail dans l'ensemble, mais il faut avouer que le réseau routier de la Floride est en bien meilleur état que celui du Québec et ne taxe pas autant les suspensions.
Sur l'autoroute, à une vitesse de croisière légale, la Honda fait preuve d'une bonne stabilité. Elle tient le cap sans broncher et n'est pas trop déstabilisée par le vent ou les changements de revêtement. La large selle étagée offre un confort adéquat et permet d'envisager des sorties de plusieurs centaines de kilomètres sans problème. Le sort réservé au passager est bon. Il est bien assis et bénéficie en outre de deux larges poignées de maintien. La protection offerte par la bulle de carénage basse est raisonnable. L'air est bien dévié au niveau du buste et on ne ressent pas trop de turbulences parasites. La tête du pilote est dans l'air frais et n'est pas secouée outre mesure. Par contre, les jambes sont exposées aux éléments. L'absence de bas de carénage se fait ressentir, d'autant que le flux d'air semble être concentré à ce niveau. Enfin, les vibrations sont bien contrôlées et ne se montrent jamais rédhibitoires.
La transmission HFT de la DN-01 est équipée d'un astucieux système de blocage inspiré de celui des boîtes automatiques automobiles. Il garantit un lien quasi direct entre le moteur et la roue arrière. Les pertes d'énergie sont limitées au minimum et on bénéficie d'accélérations plus vives. Cette boîte ne dispose pas de rapports à proprement parler. En fait, elle fait varier le rapport de démultiplication de façon progressive et continue. Il en résulte une meilleure efficience ce qui permet au pilote de bénéficier d'accélérations franches, plus nettes que celles que procurent habituellement une boîte auto à variateur. Quand la moto est à l'arrêt et que le moteur est coupé, la boîte passe automatiquement au point mort et la roue arrière est libre.
La transmission HFT de la DN-01 est équipée d'un astucieux système de blocage inspiré de celui des boîtes automatiques automobiles.
Même si le V-Twin à 52 degrés de la DN-01 n'est pas un foudre de guerre, il offre un couple conséquent (47 lb-pi à 6 000 tr/min) et une accélération linéaire. Ses 61 chevaux sont suffisants en utilisation normale, mais, quand il s'agit d'effectuer des dépassements rapides, le bicylindre manque un peu de jus. Sur les voies rapides, à une allure «touristique», le mode «D» est parfait. Les reprises et les accélérations sont honnêtes et la douceur de roulement est très bien adaptée à ce genre de conduite. Par contre, sur les routes secondaires, ou encore en ville, on préfèrera le mode «S», qui procure des accélérations et des reprises plus vigoureuses, ou carrément le mode manuel à six vitesses qui permet de mieux exploiter le potentiel du moteur et de dépasser rapidement et efficacement. De plus, il suffit de descendre un ou deux rapports pour réaccélérer franchement ou pour bénéficier d'un vrai frein moteur au rétrogradage. Dans ce mode on éprouve des sensations de pilotage proches de celles d'une moto classique tout en bénéficiant d'une facilité d'utilisation accrue. Le meilleur des deux mondes, en quelque sorte. Le freinage combiné avec système ABS est excellent et fait preuve d'une efficacité surprenante, surtout quand on considère le poids de la DN-01.
Un véhicule d'avenir?
Ni sportive, ni cruiser, ni scooter, la DN-01 est un véhicule hybride qui reprend certaines qualités dynamiques de ces trois catégories de deux roues, mais aussi plusieurs de leurs défauts inhérents. Sans préfigurer complètement l'avenir de la moto, elle se positionne néanmoins comme une alternative aux motos actuelles. Elle définit son propre créneau et, à moyen terme, elle pourrait faire des émules. Elle possède une allure originale qui ne laisse personne indifférent. Avec quelques aménagements (plus de puissance, plus de capacité de rangement, plus de sportivité), elle pourrait même intéresser des motocyclistes expérimentés. Car elle propose des solutions technologiques innovantes dont tout le monde pourrait tirer profit. En fait, il suffirait de la faire évoluer de custom sportive à moto standard performante pour augmenter son attrait. Dans l'état actuel des choses, elle remplit parfaitement sa mission, c'est-à-dire convertir des automobilistes à la moto et répondre aux besoins des pilotes qui recherchent une moto conviviale, basse de selle et facile à opérer. Mais qui sait également se montrer plaisante à piloter. Et c'est déjà beaucoup! Il reste maintenant à régler l'épineux problème du prix... |