Dans la cour du siège social de Ducati, à Borgo Panigale, en banlieue de Bologne, une floppée d’Hypermotard 796 blanches et noires mattes, alignées comme à la parade, attendent sous une tente, à l’abri du soleil. À quelques mètres seulement de la chaîne de production du modèle. Quant à nous, le temps était venu de nous préparer à essayer la nouvelle venue.
Un coup d’œil au ciel bleu et sans nuages, nous confirme les prévisions météorologiques qui nous promettent une journée magnifique, sans pluie, avec une température d’une vingtaine de degrés.
Tous les éléments sont en place pour une superbe balade dans la campagne italienne. Au guidon d’une nouvelle moto conçue pour découper les routes secondaires, nous allons nous lancer à l’assaut de merveilleuses routes sinueuses, sous un soleil resplendissant, dans des conditions splendides, anormalement clémentes pour la saison. Mais nous allions vite nous apercevoir que les météorologues italiens ont un sens de l’humour particulier.
Nous participons à la présentation internationale de l’Hypermotard 796, la petite sœur de la 1100 du même nom lancée en 2007, par Ducati. Une moto qui récolte à elle seule près de 10% des ventes de nouvelles Ducati en Amérique du Nord. Avec sa 796, le constructeur italien veut bâtir sur ce succès et attirer un plus grand nombre d’amateurs en son giron.
Malgré la rumeur qui voulait que la 796 partageât le bicylindre en L de la Monster 696, elle dispose d’un moteur inédit. Le twin à 90 degrés, à quatre soupapes, refroidi à l’air, possède une cylindrée de 803 cc. Il partage le même alésage que celui de la 696, mais utilise une course plus longue (66 contre 57,2 mm) et profite d’un accroissement du couple de 5 lb-pi, lequel arrive 1 500 tours plus tôt pour s’établir à 55,7 lb-pi à 6 250 tr/min. La puissance attribuée se situe à 81 chevaux, un chiffre impressionnant quand on considère que la BMW F800R, qui utilise un moteur refroidi au liquide à huit soupapes, en développe à peine plus. L’intervalle d’entretien est de 12 000 km.
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L'Hypermotard 796 sera offerte en trois coloris : blanc, rouge et noir mat. |
En dépit d’un réservoir d’une capacité réduite de 12,4 litres, l’Hypermotard 796 est la plus économe en carburant de la gamme avec une consommation moyenne de 4,8 L/100 km.
Le poids de différentes composantes, dont les tés de fourche et le cadre, a été réduit afin d’alléger la machine. Le vilebrequin, par exemple, pèse 1,2 kg de moins que celui de la 696. Tout ça permet à la nouvelle Hypermotard de n’afficher que 167 kg, 12 de moins que la 1100.
La position de conduite droite, combinée au guidon tubulaire étonnamment large, favorise un style de pilotage «à la supermotard». Pourtant, la selle est positionnée 20 mm plus bas que sur la 1100 et culmine à 825 mm. Le rembourrage procure un confort adéquat pour l’excursion de 130 km que nous avons entreprise. Cependant, je suspecte qu’une sortie plus longue révèlerait les limites de la selle.
Visuellement, la 796 et la 1100 sont pratiquement identiques. L’élément qui les distingue immédiatement est le prééchappement volumineux situé sous le moteur de la 796 (qui contient le catalyseur et le double capteur d’oxygène). Même si on ne le remarque pas autant, le cadre tubulaire en acier de la 796 est différent de celui de la 1100 qui est en aluminium. Et permet de conserver le prix à un niveau raisonnable.
J’adore conduire en Europe, pas seulement à cause du patrimoine historique, ni des panoramas merveilleux qu’on y retrouve, mais parce que les Européens conduisent comme on devrait le faire : vite et agressivement. Nous n’avions pas quitté l’usine depuis 10 minutes que je lançais la 796 férocement dans des virages serrés, sur une route pavée à peine assez large pour laisser passer une auto compacte.
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L’Hypermotard se sentait parfaitement à l’aise dans les courbes serrées. |
L’Hypermotard se sentait parfaitement à l’aise dans ces courbes étroites, probablement parce que les concepteurs responsables du design de la 796 passent leurs journées sur ce genre de routes.
Nous vagabondions à travers la campagne italienne, au sud de Bologne, depuis environ une heure, quand le ciel est devenu soudain noir et menaçant. Puis, au plus grand plaisir des météorologues italiens, morts de rire, le ciel a déversé des trombes d’eau sur nos têtes.
Bien que tout le monde avait amené une combinaison de pluie dans ses bagages, personne ne l’avait prise pour la balade. Il faut dire qu’on se fiait aux prévisions. Pourtant, nous n’aurions pas dû. Car, en quelques minutes, la température avait chuté d’une dizaine de degrés.
En tant que professionnels ayant un boulot à faire, nous avons affronté la mousson en bons p’tits soldats. Les vents violents soufflaient des feuilles et parfois même des branches des arbres. Mais nous n’avions d’autre choix que de continuer, étant donné qu’il n’y avait aucun abri à l’horizon.
Tremblant comme une feuille – c’est le cas de le dire – je frôlais presque l’hypothermie. Je m’en voulais d’avoir laissé ma combinaison de pluie dans mon sac à dos, à l’usine Ducati. Par contre, j’étais soulagé de constater que les pneus Bridgestone BT015 d’origine offraient une excellente traction. Et que les protège-mains étaient efficaces.
Nous nous sommes finalement arrêtés pour un déjeuner tardif, laissant passer la tempête qui a finalement fini par disparaître, aussi rapidement qu’elle était apparue. Révélant un ciel bleu-azur. Sans nuages.
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J’ai vraiment apprécié le moteur et sa bande de puissance adoucie, mais très agréable. |
Après le déjeuner, nous avons accéléré le rythme. Et j’ai commencé à vraiment apprécier le nouveau moteur et sa bande de puissance adoucie, mais très agréable. Bien que le twin ait seulement 9 chevaux de moins que celui de la 1100, la livrée de puissance est plus douce, avec une réponse fluide de l’accélérateur. Cependant, le couple est assez imposant pour permettre au moteur d’emmener une couronne plus grosse. Pratique quand on a les pieds gelés qui baignent dans une botte pleine d’eau froide. Ça permet de ne pas avoir à jouer avec la boîte de vitesse en permanence.
Les rapports de boîte sont plus courts que sur la 1100, tout comme le tirage final, ce qui facilite les démarrages et réduit les vibrations sur le dernier rapport, à 110 km/h. Sur la 1100, il faut rouler au-delà de 120 km/h pour avoir une balade aussi douce en sixième.
Pour les pilotes qui ont un fond de hooligan dans leurs gènes, les wheelies demandent plus d’effort que sur la 1100. Quoique faire lever la roue en première, sans l’embrayage, est relativement facile. Et, avec l’embrayage, la roue lève en seconde sur route plane et en troisième sur chaussée bosselée.
La fourche inversée rigide Marzocchi, à poteaux de 43 mm, est dépourvue d’ajustement, tandis que l’amortisseur Sachs offre des réglages de la précontrainte du ressort et de la détente (la 1100 dispose de suspensions totalement réglables). Les réglages étaient un peu mous à mon goût, au rythme sportif auquel nous roulions. L’arrière bougeait un peu dans les virages les plus serrés, quand l’amortisseur était plus sollicité. Parfois, la fourche manquait de débattement, spécialement lors de freinages appuyés. Personnellement, j’aurais aimé durcir la détente, ce qui aurait eu pour effet d’améliorer le comportement de l’arrière. Mais il faisait trop froid et trop humide pour s’en occuper.
La garde au sol abondante me permettait de pousser la moto fort et agressivement dans les virages, à la façon motocross, le haut du corps droit et les genoux collés. Le guidon large offre amplement de levier pour redresser rapidement la moto en sortie de virage, sans rendre la direction trop nerveuse, ni instable.
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Le fait de réduire la cylindrée de l’Hypermotard n’a en rien dilué le plaisir que l’on éprouve
aux commandes de cette machine. En fait, je dirais même qu’elle l’a améliorée. |
Cependant, la largeur importante du guidon rend le dépassement des antiques et lentes Fiat Panda plutôt douteux, particulièrement quand les rétroviseurs repliables montés en bout de guidon sont déployés. Pas tout à fait pratique pour se faufiler entre les files de voitures (quelque chose que je ne me permets de faire qu’à l’étranger, là où c’est toléré). Pourtant, l’image renvoyée par les rétros est nette et large. En ville, j’ai pris l’habitude de les replier afin d’avoir plus d’aise dans la circulation.
Le rayon de braquage est limité. La direction entre rapidement en butée et la roue n’a pas suffisamment d’angle pour effectuer un demi-tour facilement, surtout lorsque la place est restreinte.
Les freins radiaux Brembo sont hyperpuissants et le levier demande peu d’efforts pour procurer toute la force de ralentissement nécessaire. Le frein arrière est parfait. La pédale est ferme et demande un effort considérable pour bloquer la roue arrière. L’embrayage antidribble APTC requiert une pression modérée, mais s’acquitte de sa tâche parfaitement en limitant les sautillements de la roue arrière lors des entrées de virages agressives.
Lorsque j’ai conduit l’Hypermotard 1100 la première fois, je l’ai aimée, mais sa suspension ferme et son prix élevé m’ont un peu refroidi. Le temps de rentrer chez Ducati, la 796 m’avait conquis. Et je m’étais réchauffé. Le fait de réduire la cylindrée de l’Hypermotard n’a en rien dilué le plaisir que l’on éprouve aux commandes de cette machine. En fait, je dirais même qu’elle l’a améliorée dans mon cas. Avec sa bande de puissance plus contrôlable et son poids réduit, la 796 est plus conviviale et plus facile à piloter. Et, en dépit de ses suspensions moins haut de gamme, la balade était plus agréable qu’elle l’aurait été au guidon de la 1100 équipée de ses suspensions de course. Tout ça devrait permettre à la 796 de plaire à un plus grand nombre de Ducatisti en devenir. Tout comme son prix de 11 495 $, inférieur de 3 500 $ à celui de la 1100.
Après cette sortie humide, j’ai voulu profiter de ce que le musée Ducati était ouvert pour demander à John Paolo Canton, le coordonnateur des relations presse de Ducati s’il pouvait m’arranger une visite rapide. Ce qu’il fit avec grâce le lendemain. Je m’en serais voulu de ne pas l’avoir demandé et d’être rentré à la maison sans l’avoir visité.
À l’intérieur, je suis resté surpris de voir que toutes les Ducati étaient encore construites à la main. Il n’y avait aucun robot en vue. Les cadres arrivent assemblés, de chez le fournisseur situé en haut de la rue, tout comme les carters des moteurs, mais l’assemblage est fait à la main. J’ai également apprécié la section de l’usine qui ressemble à un grand atelier, rempli d’établis à moto, d’outils et d’équipements électroniques. Là, chaque moto est démarrée et réglée par un technicien qui l’amène au banc dynamométrique pour une inspection finale avant expédition.
À une époque où l’urgence d’être productif et profitable surpasse l’importance de conserver des emplois, voir des principes de base comme ceux-là mis en application dans une usine moderne m’a permis d’apprécier pleinement les motos italiennes et leurs particularismes occasionnels.
Quant aux météorologues italiens disgracieux, qu’ils passent le reste de leur vie à aller bosser en Fiat Panda des années 80.
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