Une allure affinée
Lors du lancement de la R1200GS, en 2004, en Afrique du Sud, BMW avait réussi à convaincre les journalistes sceptiques que sa moto d'aventure était la reine d'une catégorie qu'elle avait elle-même créée avec la sortie de la R80G/S, en 1980. Car, force est de reconnaître que l'aventurière allemande est dure à battre. Sauf quand on s'appelle BMW. En effet, afin de conserver son hégémonie, la dernière mouture de la Gelände Strasse se bonifie encore en faisant appel à des solutions technologiques innovantes. Si, au premier coup d'œil, il est difficile de différencier les deux machines, il suffit de quelques tours de roue pour mesurer le chemin parcouru en quatre ans.
Esthétiquement, la R1200GS a reçu de nouveaux caches en acier spécial, sur la partie avant du réservoir à essence, alors que la partie haute du garde-boue avant a été redessinée pour une allure résolument typée enduro. Les protège-mains optionnels désormais bicolores, ainsi que le déflecteur aérodynamique redessiné optimisant l’écoulement de l’air de refroidissement, parfont le nouveau look de la R1200GS. Les finitions «dorée» des fourreaux de suspension, des caches culbuteurs ou des jantes apportent un certain dynamisme. Le feu arrière à diodes ainsi que les clignotants sous verre blanc complètent les changements visuels.
Un Boxer avec plus de punch
Le moteur, qui développe désormais 105 ch à 8 000 tr/min (une hausse de 5 pour cent) se montre encore plus disponible que celui du modèle précédent, ce qui n'est pas peu dire. Avec sa puissance accrue et sa plage de régime étendue, la GS gagne encore en confort d'utilisation et en polyvalence. Bénéficiant d'une nouvelle boîte à six rapports dotée de roulements d’un diamètre accru et d’une cinématique de commande optimisée, la GS affiche des changements de vitesse encore plus précis et fait preuve d’une vigueur accrue dans la plage des régimes moyens à supérieurs, tout en fournissant une motricité encore plus élevée sur toute la plage des régimes.
À l’instar des modèles connus, la nouvelle R1200GS, dont le rapport volumétrique a été porté à 12:1, réclame du carburant d’un indice d’octane de 95. Conçu pour fonctionner avec du super sans plomb, le moteur peut aussi, grâce au régulateur anticliquetis, rouler à l’essence ordinaire, sans devoir y être adapté au préalable par une intervention manuelle.
Une ergonomie optimisée
L'ergonomie a également été optimisée. Grâce à deux patins de serrage asymétriques pouvant être tournés de 180 degrés comme sur le modèle sport HP2, le guidon haut de gamme réalisé en un tube d’aluminium conique peut être réglé sur deux positions offrant une ergonomie différente. Alors que la position arrière crée les meilleures conditions ergonomiques sur la route et sur des terrains modérés, la position avant présente des avantages en hors-piste surtout lorsqu’on conduit debout sur les repose-pieds. Les nouveaux protège-mains, disponibles dans la gamme des accessoires pour la R1200GS et montés d’origine sur la R1200GS Adventure, sont désormais fixés directement sur le guidon. L’épaisseur de la mousse de la selle a été accrue sur la partie avant.
L'électronique au pouvoir
Depuis 2006, le freinage ABS partiellement intégral de la GS n'est plus assisté par un servomoteur. Cette tendance lancée par la R1200R marque le début d'une nouvelle ère dans ce domaine. Finis les bruits de servomoteur au freinage, particulièrement agaçants à l'arrêt ou dans la circulation urbaine. Malgré ce changement, le freinage est toujours aussi efficace et gagne en rétroaction et en modularité. On le «sent» mieux travailler et on peut le doser avec plus d'efficacité.
L'électronique est de plus en plus présent sur la nouvelle GS qui reçoit deux nouveaux systèmes: l'ASC et le RDC. L'ASC est le dispositif antipatinage de BMW. Sur sol sec, il ne se déclenche pratiquement pas, à moins que vous essayiez de faire des wheelies. En sentier, il entre fréquemment en action. Le système coupe l'alimentation des cylindres de façon alternative afin d'empêcher les dérapages. Cependant, on peut le déconnecter pour jouer les Guy Giroux sur les chemins de graviers. Quant au RDC, il s'agit d'un dispositif qui vérifie en continu la pression de gonflage des pneumatiques. Elle peut être affichée en direct sur l'ordinateur de bord optionnel.
Cependant, la grande nouveauté, celle qui bénéficie directement au pilote avide de roulage hors-route, c'est l’ESA Enduro (Electronic Suspension Adjustment) proposé en option. Le système inauguré en 2004 sur la K1200S permet d’intervenir sur le tarage de l’amortisseur sur les deux combinés — celui du Telelever à l’avant et celui du Paralever à l’arrière — ainsi que sur le réglage de la précontrainte du ressort à l’arrière. La version Enduro de la GS offre en plus un réglage électrohydraulique de la précontrainte du ressort avant et tient ainsi compte des exigences spécifiques à remplir par une grosse double usage de voyage. En tout-terrain, ça se traduit par une augmentation sensible de la résistance au talonnement, sans pour autant entraîner des inconvénients sur route, tels qu’un débattement réduit en détente ou une plus grande hauteur de selle (lire encadré pour plus d'information).
En route vers de nouvelles aventures...
Au guidon du millésime 2008, un pilote ayant conduit le modèle précédent trouve ses marques instinctivement. La selle d'origine est plus étroite, mais toujours aussi haute. Elle culmine à 850 mm et offre deux réglages d'assise — 850 ou 870 mm. De plus, elle affiche des formes plus anguleuses. Embarquer à bord demande des efforts quand on n'est pas un géant. Malgré mes 1,76 m, je suis sur la pointe des pieds, ce qui ne facilite pas les manœuvres à basse vitesse. Deux selles optionnelles, une basse (820 mm) et une haute (880/900 mm) sont proposées pour accommoder le plus grand nombre de pilotes possible. Ce qui est une bonne chose, car malgré son gabarit imposant la GS fait preuve d'un équilibre et d'une polyvalence qui étonnent, même après toutes ces années. Ce trait de caractère fait partie de l'héritage génétique de la GS et on dirait qu'il s'affine au fur et à mesure des changements de modèles.
Retour en selle. On s'habitue brièvement à la disposition des commandes, on jette un coup d'œil à l'ordinateur de bord optionnel qui est aussi complet que pratique, on choisit le mode désiré, on règle la suspension selon nos préférences et on taille la route. Un coup de pouce sur le démarreur suffit à faire craquer le Boxer qui s'ébroue dans un bruit d'échappement agréable — feutré et harmonieux — qui souligne le caractère du twin à plat. Les bruits mécaniques et le «clonk» familier de la boîte de vitesse quand on enclenche le premier rapport nous rappellent de bons souvenirs.
Bien qu'il soit difficile de comparer la GS 2008 à sa devancière en l'absence de cette dernière, j'ai l'impression qu'elle est plus puissante et plus sportive. Le flat-twin prend désormais ses tours plus librement et tire sans problème jusqu'à la zone rouge qui débute maintenant à 8 000 tr/min. Il transmet une impression de puissance inédite qui me rappelle les sensations que j'ai éprouvées au guidon de la R1200R l'été dernier. Le nouveau Boxer est un vrai délice! Plus coupleux et puissant que son prédécesseur, il gronde affectueusement en prenant ses tours, sans rechigner. Étonnement souple, il s'élance sans hoqueter dès 1 500 tr/min. Entre le ralenti et 3 500 tr/min, il fait montre d'un couple étonnant et d'une grande linéarité. Puis, jusqu'à 6 500 tr/min, on le sent bâtir sa puissance. Les vibrations sont parfaitement contrôlées et ne sont jamais rédhibitoires. Passé ce cap, le twin offre une poussée remarquable, pour un Boxer, on s'entend, jusqu'à la zone rouge. Aucun de ses ancêtres ne faisait preuve d'une telle vigueur, ni d'une telle aisance dans les tours. Ni d'une douceur aussi importante. De plus, le flat-twin doit son agrément remarquable à sa formidable disponibilité et à l'immédiateté de la réponse à la poignée des gaz. Un vrai charme sur les petites routes. De plus, malgré sa puissance accrue, le Boxer conserve une consommation raisonnable. Durant les 810 kilomètres de cet essai, elle s'est établie à 5,6 L/100 km, pour une autonomie moyenne de 357 km.
Sur la R1200GS, la boîte de vitesses à six rapports est la même que celle qui équipe les R et RT, mais la démultiplication secondaire est différente. Les trois premiers rapports sont plus courts pour faciliter le pilotage en terrain difficile, alors que les trois derniers sont allongés afin de favoriser la conduite sur route rapide. L’effet de couple de renversement, caractéristique des flat-twins allemands, qui fait osciller la moto de droite à gauche à l’accélération, a été considérablement réduit, tandis que le nouvel ensemble bras oscillant/cardan/ Paralever annule complètement l’effet de soulèvement et d’affaissement associé aux transmissions acatènes.
À l'aise sur tous les types de terrain
Sur les routes secondaires sinueuses, où les virages rapides sont entrecoupés de virages lents qui se négocient en troisième, voire en seconde et où on croise des chicanes naturelles, la GS fait preuve d'une maniabilité hors pair et d'une bonne répartition de ses masses. Elle s'amuse, tutoie l'asphalte, appelle chaque virage par son prénom, virevolte de l'un à l'autre avec grâce et précision en flirtant avec des angles d'inclinaison impressionnants pour une moto de son gabarit. Très précise, elle s'inscrit en courbe avec une facilité déconcertante, même à basse vitesse. Il suffit de regarder où l'on veut aller et de pousser sur le guidon pour dessiner des trajectoires parfaites. Elle ressort des courbes serrées en pleine accélération, avec une précision chirurgicale et une agilité insoupçonnable. À tout moment, le pilote éprouve une confiance totale en sa monture. La garde au sol est amplement suffisante et il faut vraiment pousser la GS dans ses derniers retranchements pour apercevoir ses limites
Sur les voies rapides, la protection offerte par le pare-brise ajustable de la GS est adéquate, sans être aussi efficace que sur la GS Adventure dont le pare-brise plus haut et plus large est royal. La selle est confortable et permet d'envisager de longues sorties sans crainte. Quant aux suspensions (notre modèle d'essai était équipé de l'ESA Enduro), elles sont carrément géniales. On a l'impression qu'elles effacent les irrégularités au passage, comme une gomme magique. On croit rouler sur un tapis persan. Le fait de pouvoir les ajuster en conduisant, selon la charge qu'on transporte ou l'état de la chaussée, est un plus appréciable qui justifie, à mon avis, le surcoût que représente cette option.
En ville, la GS se distingue par son agilité et sa maniabilité étonnantes pour son gabarit. Sans son ensemble de valises optionnel, elle se faufile facilement dans la circulation, aidée par le couple omniprésent du bicylindre à plat et sa souplesse.
Quand on sort des routes asphaltées pour emprunter les sentiers compactés et roulants du parc du Mont-Tremblant, on découvre une machine efficace, adaptée à ce genre d'exercice. Plus que nous, en tout cas. Grâce à sa suspension ESA Enduro, la GS vole sur les bosses et les sections de «planche à laver» dans un nuage de poussière que l'on peut voir à des milles. Elle se montre d'autant plus performante que la vitesse est élevée. Cependant, quand le terrain devient meuble, la grosse tout-terrain est alors plus physique à piloter. À moins d'être emmenée par un pilote hors-route talentueux. Même chose dans les sections serrées où son gabarit nous fait rapidement réaliser que l'on n'est pas aux commandes d'une moto d'enduro.
Le véhicule de l'aventure
Facile à piloter, intuitive, efficace en toute circonstance, la GS est la polyvalence incarnée. Une vraie aventurière — une des seules à correspondre à la définition de cette catégorie que l'on a tendance à galvauder en y mettant tout et n'importe quoi — qui peut vous faire parcourir la planète dans tous les sens. Souvent copiée, mais jamais égalée, la GS creuse encore plus l'écart avec ses concurrentes et s'installe confortablement au sommet de son créneau. Avec ses nouvelles évolutions, elle peut se reposer sur ses lauriers pendant quelques années, le temps que ses compétitrices se rapprochent d'elle... et que les ingénieurs bavarois la fassent encore progresser. |