Le vieillissement de la population motocycliste s’accompagne inévitablement d’un mouvement nostalgique qui nous incite à vouloir revivre notre jeunesse et à retrouver les motos qui l’ont marquée. Ou à tout le moins, des machines qui leur ressemblent ou nous inspirent les mêmes sensations que jadis. Il faut dire que la grande majorité des motocyclistes d’aujourd’hui sont âgés entre 40 et 70 ans. Un grand nombre d’entre eux ont découvert la moto à sa période glorieuse, soit dans les années 40 à 70. Une époque où les motos mythiques venaient d’Angleterre, d’Italie ou d’Allemagne, puis du Japon. Les bécanes d’alors étaient simples : pas de carénage enveloppant, pas d’électronique, pas d’assistance au pilotage et même pas de démarreur électrique. Une vraie moto — une moto d’homme, s’entend —, ça démarrait au kick. Ça prenait un mollet de combat et une technique à toute épreuve. Et gare à l’erreur! Laquelle se traduisait souvent par un tibia cassé qui vous obligeait à porter un plâtre. Ce qui ne vous empêchait nullement de conduire... Les motards (on n’utilisait pas encore le terme « motocyclistes » qui aurait fait rire à coup sûr) n’étaient pas douillets dans ce temps-là.
|
Norton Ala'Verda. Un exemple de restauration réussie. |
La moto était alors synonyme de liberté et d’anticonformisme. Et son accès était sélectif. Ne devenait pas motard qui voulait. Il fallait passer par une étape initiatique incontournable pour faire partie du clan. On commençait par apprendre à maîtriser le pilotage de machines parfois capricieuses et souvent peu fiables, par connaître les rudiments de la mécanique et par développer un esprit de survie et de débrouillardise hors du commun. Le blouson de cuir noir élimé, le casque de type bol surmonté de lunettes d’aviateur, les cheveux gras et les mains gercées, noircies au cambouis, devenaient des signes extérieurs de reconnaissance et d’acceptation. Les motards formaient alors une grande famille. Ils partageaient une passion commune, qu’on appelait l’esprit motard, et étaient solidaires. Pas étonnant que ceux qui ont débuté dans le sport à cette période s’ennuient un peu aujourd’hui et cherchent à revivre la grande époque de la moto. La leur...
|
Scooter Terrot VMS (1952-1957), de fabrication française |
La mode néo-classique
Du coup, certains constructeurs nous proposent, depuis quelques années, des motos que l’on qualifie de néo-rétros, ou de néo-classiques. C’est-à-dire des motos à l’allure ancienne, mais qui font appel aux technologies modernes. Triumph est passé maître dans l’art d’exploiter cette nostalgie, depuis 2001. En relançant les mythiques Bonneville, Thruxton et Scrambler, le constructeur d’Hinckley s’est attiré une foule de passionnés de motos anciennes, principalement britanniques.
Chez les Japonais, Kawasaki avait lancé la mode un an avant Triumph, soit en 2000, en présentant la W650 fortement inspirée des Triumph et autres BSA des années 60. Pourtant, en dehors de quelques répliques de Superbike des années 80, dont la Kawasaki ZRX1200, peu de néo-rétros d’origine nippone ont été importées au Canada, voire en Europe. C’est d’autant plus surprenant que la mode des classiques fait rage au Japon, où l’on peut trouver des répliques modernes de Suzuki Katana, ou de Honda CB, par exemple. Lors du dernier salon de Tokyo, Yamaha a présenté une superbe SR400, fidèle à la SR500 originale (mais avec un démarreur électrique), alors qu’une des vedettes du stand Honda était la magnifique CB1100. Aucune de ces deux machines, au demeurant superbes, ne sera distribuée hors du Japon, en raison d’un prix sûrement prohibitif pour l’Amérique du Nord et l’Europe ou de non-conformité avec les normes antipollution. Vraiment dommage!
|
Royal Enfield Bullet 500 i.e. 2009 |
La tendance nostalgique n’épargne pas l’Italie. Ducati propose en effet trois superbes machines regroupées dans sa famille SportClassic, la Sport 1000, une moto dénudée à guidons bracelets qui ressemble à l’ancienne 350 Desmo, la Sport 1000S, avec son demi-carénage qui fait penser aux légendaires 750SS et 900SS et la GT1000, une basique sans carénage, mais à guidon tubulaire, qui évoque la vénérable 750GT. Moto Guzzi, de son côté, offre une V7 Café Classic, une V7 Classic et une California Vintage qui reprennent les lignes de leurs illustres ancêtres. Sans toutefois distiller les mêmes sensations.
En Amérique du Nord, la gamme Harley-Davidson tout entière est un hommage vibrant à son histoire, mais la XR1200, qui est un clin d’œil à la légendaire XR750 de dirt-track, va un peu plus loin dans cette reconnaissance.
|
Cette BMW R90S appartient à Dominique, un ami collectionneur-bricoleur. Il a terminé sa
restauration la veille de nous rejoindre aux Coupes Moto Légende, à Dijon. |
Enfin, en Inde, Royal Enfiled continue à fabriquer des Bullet Classic 500 EI et des Bullet 350, des motos dont la production se poursuit presque sans interruption et sans changement majeur depuis 76 ans, un record de longévité sur le marché.
Motos restaurées et autres Café-Racer
Malgré cela, certains amateurs ne se satisfont pas de copies, même conformes, et se lancent dans la restauration de modèles anciens et historiques. Dont certains sont désormais hors de prix. Ainsi, trouver une Vincent Rapide ou une Black Shadow à un prix raisonnable relève aujourd’hui de l’exploit. Même en mauvais état de conservation. On pourrait dire la même chose de nombreuses Anglaises, comme les Ariel, Velocette, Royal Enfield, AJS ou Norton. Les plus faciles à trouver, à un prix honnête, sont les BSA et les Triumph, surtout les Bonneville, qui ont été produites en grande quantité à la fin des années 60-70.
|
Admirez cette magnifique Harley-Davidson, modèle 18F (1914-1918) |
Du côté des Italiennes, les Ducati, Laverda, Benelli, Bimota, Laverda, Moto Guzzi, Moto Morini ou MV Agusta d’époque n’échappent pas à la règle et, à moins d’avoir un portefeuille particulièrement bien garni, se lancer dans la restauration de motos classiques européennes est compliqué et coûteux. De plus, l’approvisionnement en pièces de rechange n’est pas toujours évident. Il faut connaître les bonnes filières et faire parfois de longues recherches avant de tomber sur le Saint-Graal.
Les BMW sont également en demande — mais relativement rares, au Canada en tout cas — pourtant les prix pratiqués sont encore décents. Par ailleurs, sur le site Internet BMW Classic (www.bmwbike.com/) on trouve des pièces pour presque tous les modèles fabriqués par la marque. Une vraie caverne d’Ali Baba. Qui plus est, le site est publié en français et en allemand.
|
Vincent Rapide Série B 1949, exposée au musée «L’épopée de la moto»
de Saint-Jean-Port Joli |
Le plus simple pour débuter dans la restauration de motos anciennes, c’est de choisir un modèle japonais des années 70-80. Moins rares que les Européennes, elles sont relativement faciles à travailler et se prêtent bien à des modifications de style. Par contre, gardez à l’esprit qu’une restauration aura plus de valeur si elle est réalisée à l’identique, dans le respect du modèle original. Le plus gros avantage des Japonaises, c’est que beaucoup de pièces sont adaptables d’une machine à l’autre, et souvent d’une marque à l’autre.
|
La Thruxton tente de faire revivre le mythe Triumph en proposant une interprétation
moderne d'une classique des belles années de l'industrie britannique. |
Pour réaliser un Café-Racer, il suffit de partir d’une base simple qu’on modifie à la façon des sportives britanniques des années 60-70. Guidons bracelets bas, demi-carénage, selle monoplace, commandes reculées et système d’échappement modifié sont des codes incontournables du genre. L’avantage de la « caférisation » est qu’elle être menée avec un petit budget. On ajoute les quelques pièces mentionnées précédemment, on bricole la mécanique pour qu’elle fonctionne bien et on fait une petite déco maison. Par contre, si on a un budget plus conséquent, du temps, de l’imagination et des talents de mécanicien, ou si on connait un bon préparateur, on peut se lancer dans des travaux de grande envergure. Ainsi, pour la Yamaha XRS 650 (R pour Racing, bien sûr) illustrée ci-dessous, il a fallu pas moins de six mois de travail à plein temps pour réaliser ce petit bijou sur base de Yamaha XS 650. La cylindrée du twin vertical passe à 710 cc. Il reçoit un kit de pistons forgés à haute compression, un arbre à cames en tête de course, deux superbes carburateurs Dell'Orto de 40 mm, un radiateur d'huile et un embrayage renforcé pour faire passer les 72 chevaux au sol. Les échappements inox ont été faits sur mesure, tout comme les remarquables commandes reculées. Le cadre reste d'origine, mais a été renforcé au niveau de l'ancrage du bras oscillant.
|
Yamaha XRS 650. Un véritable travail d’orfèvre! |
Nickelé, celui-ci provient d'une Yamaha 750 TX des années 70. Les amortisseurs sont des Hagon piste et la fourche avant d'origine a été modifiée par l'adoption de nouvelles cales de 45 mm et de nouveaux plongeurs. On notera la présence de superbes roues à rayons, bien dans l'esprit Café Racer. Côté freinage, on retrouve deux disques de Yamaha TDM munis de pinces de Yamaha Diversion à l'avant. À l'arrière, un énorme boulot a été fait pour adapter un disque sur la roue d'origine, du grand art ! L'ensemble selle/réservoir/demi-carénage est une copie de Rickman en polyester. Il est réalisé de toutes pièces et est paré d'une peinture rouge candy du plus bel effet. Cette sportive classique n'est pas une moto de salon pour autant, puisque son proprio l'emmène souvent user de la gomme sur la piste. Mieux encore, elle est homologuée pour un usage sur route! Un phare, une plaque d'immatriculation, des clignotants et le tour est joué! Quand je vous dis que c’est facile...
|
Harley-Davidson XR1200 Sportster |
|