© Photo Didier Constant
La récente envolée du prix du baril de pétrole a amené de nombreux Canadiens à réviser leurs habitudes de consommation. Au niveau des transports, cela s’est traduit par une hausse significative des ventes de motos et de scooters. Ce qui a permis de contrer, pour un temps, les pressions à la baisse sur le marché.
Au Québec, il est difficile de concevoir la moto comme un moyen de locomotion à part entière. D’abord, il y a cet interminable hiver qui nous oblige à posséder une auto — une théorie que certains remettent en question cependant — puis il y a le fait que même les motocyclistes dans leur majorité considèrent la moto comme un véhicule récréatif. Le pourcentage de ceux qui utilisent leur moto tous les jours, pour aller au travail ou dans leurs déplacements quotidiens, est ridiculement faible. À l’inverse des scootéristes qui semblent faire un choix cartésien motivé par un souci d’économie et d’efficacité. Le kilométrage moyen parcouru par les motocyclistes québécois (près de 5 500 km par an, soit grosso modo 210 km par semaine, si on répartit ce total sur 26 semaines) est très faible et reflète bien leurs habitudes d’utilisation.
Pourtant, il est important de constater que l’usage que l'on fait de notre véhicule, la moto dans ce cas précis, détermine en grande partie son acceptation par les non-usagers et les autorités. Si nous voulons convaincre ces personnes que la moto est une solution de remplacement viable à l’automobile, laquelle règne en maître en Amérique du Nord, il faudrait que nous en soyons nous-mêmes convaincus. En posant des gestes qui soient en accord avec nos prises de position. Une attitude que l’industrie tout entière devrait également adopter pour que la démarche ait une chance quelconque de succès.
Stationnement réservé aux 2 roues dans le 4e arrondissement de Paris.
Photo © Olivier Janzac/Mairie de Paris
Une question de coût
Selon des sondages récents de Statistiques Canada, 41 % des Canadiens affirment que la plus grande partie de leur temps personnel est consacrée aux déplacements domicile/travail. Lesquels coûtent cher aux familles, sans doute parce que nous sommes beaucoup plus portés à compter sur notre propre véhicule que sur tout autre moyen de transport. En fait, les Canadiens dépensent environ 10 fois plus pour se déplacer individuellement que pour les transports en commun. En 2001, on estimait qu’il en coûtait environ 7 000 $ par année pour posséder une voiture. Si on part du principe que la plupart des motocyclistes sont également automobilistes, on se rend vite compte des économies qu’ils peuvent réaliser en se dispensant de leur auto. Mais cela implique aussi de modifier ses comportements.
Personnellement, j’ai tenté l’expérience cette année. Depuis le mois de mai, je n’ai plus de voiture. Ce qui m’a permis de réaliser des économies de 13 000 $ par année en frais de location, d’immatriculation et d’assurance (je parle là de mon expérience personnelle et les chiffres donnés le sont uniquement à titre indicatif). Sans parler des frais d’entretien, de carburant et d’opération.
Impact environnemental
Au niveau des rejets dans l’atmosphère, l’incidence d’un tel geste est importante. On estime en effet qu’une automobile moyenne rejette chaque année dans l’atmosphère l‘équivalent de deux fois son poids en dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre très nocif. Si les quelque 100 000 motocyclistes de la Belle Province posaient ce genre de geste, imaginez les conséquences qu’il aurait.
Mon ancienne auto consommait en moyenne 12 L/100 km, contre 3,8 L/100 pour ma Vespa (comptez environ 6 L/100 km en moyenne pour une moto). Là encore, l’impact financier et environnemental est énorme. J’ai sorti mon PX au mois d‘avril et, au 1er décembre, je m’en servais encore. Quand les conditions deviennent trop défavorables, je me rabats soit sur les transports en commun (si je reste en ville et si je ne suis pas pressé), le taxi ou la location de courte durée (si je dois sortir de la ville pour un ou plusieurs jours). Pour les longs trajets, j’alterne entre train et avion, selon la destination. Et le bilan après neuf mois (le temps d’une gestation, curieusement) est très positif. Je ne peux pas dire que l’auto m’a manqué. Que j’ai rencontré une situation particulière qui m’a fait regretter mon choix. Pourtant, j’adore conduire et j’ai toujours aimé les voitures. Spécialement les grosses, puissantes et luxueuses. Mais engager de telles dépenses pour parcourir 5 000 km en moyenne par année n’avait plus de sens, même pour un amateur convaincu.
En intégrant les (DRM) dans les plans de développement urbain les villes nord-américaines pourraient jouer un rôle de premier plan dans la réduction des émisions polluantes ainsi que dans l'accroissement de la mobilité urbaine et rejoindre des mégapoles comme Londres ou Paris à ce chapitre.
Photo © Henri Garat/Mairie de Paris
Cependant, pour dresser un portrait fidèle de la pollution des véhicules, quel que soit le type de carburant qui les propulse, il faut également tenir compte de l’énergie requise pour produire ces énergies, même celles dites propres ou renouvelables et d’un nombre important d’impacts secondaires. Et considérer les tenants et aboutissants dans leur globalité. Ainsi, si on décidait demain d’imposer la voiture électrique à Montréal (en partant du principe que la technologie est au point et rentable économiquement) on ferait face à un problème insurmontable pour l’instant : celui de l’approvisionnement. En effet, Hydro-Québec ne pourrait pas répondre à la demande de centaines de milliers d’utilisateurs branchant simultanément leur véhicule pour le recharger durant la nuit, surtout pas en hiver, en période de consommation maximum.
D’un autre côté, la fabrication d’une voiture impose des contraintes écologiques très élevées reliées au processus industriel (fabrication, transport, utilisation, recyclage...) qui dépassent de loin celles d’une moto ou d’un scooter. S’il est vrai que ces derniers polluent plus que les automobiles modernes (dans l’absolu), la réalité est tout autre. Dans les faits, les deux roues motorisés (DRM) rejettent des volumes de gaz nocifs beaucoup moins élevés que les autos. Et leur rendement énergétique s’améliore sans cesse. L’adoption de la norme Euro 3 en Europe et de la nouvelle norme californienne (2010) devrait réduire l’écart entre l’auto et la moto à ce chapitre. Au point que la différence pourrait être nulle d’ici deux ou trois ans. Il s’agit d’un changement draconien qu’il nous convient d’expliquer afin d’éviter la propagation de demies-vérités et de lieux communs.
Des mesures incitatives
Les avantages de la moto se mesurent de façon évidente en ville. En intégrant les (DRM) dans les plans de développement urbain et en en faisant un préalable à tout plan global de réduction de la pollution et d’accroissement de la mobilité urbaine, les villes nord-américaines pourraient jouer un rôle de premier plan à ce niveau et rejoindre des mégapoles comme Londres ou Paris. Mais pour cela, il faut absolument revoir le Code de la sécurité routière et y apporter des aménagements permettant de profiter des avantages inhérents aux motos.
En effet, plusieurs mesures relativement faciles à mettre en œuvre pourraient favoriser la mobilité urbaine et permettre un allègement de la circulation. Parmi les plus efficaces — bien qu’elle soit très controversée au Canada —, l’autorisation de remonter les files dans la circulation figure au premier plan. Pratiquée dans certains pays européens et en Californie, cette technique justifie pleinement l’utilisation des DRM en milieu urbain, spécialement dans les grandes métropoles. Par contre, elle doit être encadrée et pratiquée selon des règles strictes. Après formation adéquate des automobilistes et des motocyclistes.
La création de stationnements réservés aux motos ainsi que l’ouverture des voies réservées aux autobus et aux taxis aux motos est également très efficace pour améliorer la mobilité urbaine, en plus d’améliorer la sécurité des motocyclistes.
En France et en Angleterre, une mesure originale vient d’être adoptée dans le but de favoriser la mobilité des chômeurs. Partant du constat qu’un demandeur d’emploi qui n’a ni permis, ni véhicule, restreint son aire de recherche à 3 km, le gouvernement a décidé de mettre à sa disposition une voiture ou un scooter pour qu’il puisse étendre son périmètre de recherche à 30 km. Ou à financer le passage de son permis de conduire.
Comme on le voit, on est loin de ce genre de projets au Québec, même si les motocyclistes et les associations qui les représentent se débattent pour qu’on les prenne en considération. Pourquoi se priver de favoriser les motocyclistes, d’autant plus que, pour une fois, c’est toute la population qui en bénéficierait?
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