Les deux courses disputées à ce jour dans la catégorie reine — le GP du Qatar, à Losail et le GP d'Espagne à Jerez — ont donné un spectacle époustouflant. Et révélé un résultat inattendu. En effet, malgré la domination sans partage des Honda en essais (depuis les tests hivernaux à Sepang et à Jerez) ainsi qu'en course (Qatar), c'est Jorge Lorenzo et sa Yamaha MI d'usine qui se retrouve en tête du classement provisoire après deux épreuves à la suite d'une deuxième place gagnée de chaude lutte à Losail et d'une victoire méritée à Jerez.
Car en Espagne, sur son circuit fétiche, le Majorquin a fait preuve d'une grande maîtrise et d'une intelligence en course qu'il faut souligner. Dans une épreuve disputée sur une piste détrempée particulièrement piégeuse — pas moins de 10 pilotes ont tâté du bitume ou connu des ennuis en course —, le Champion du Monde en titre a su garder la tête froide et dominer ses adversaires sans commettre d'erreur. À voir comment il a résisté à la pression de son compatriote Dani Pedrosa à mi-course, lorsque ce dernier remontait sur lui à la vitesse de l'éclair, puis creusé un écart insurmontable sur ce dernier, sans prendre de risque pour autant, Lorenzo a prouvé qu'il possédait un moral d'acier et qu'il savait gérer sa course.
Car, même si Simoncelli (San Carlo Honda Gresini) était plus rapide que lui sous la pluie en début de course, il a fait une splendide cabriole et a chuté en poussant trop fort à un moment crucial qui réclamait une certaine retenue. Au final, l'Italien ne marque aucun point en Espagne et tout le monde aura oublié sa brillante prestation des premiers tours demain. Même chose pour Valentino Rossi (Ducati Team) qui a montré qu'il était très rapide sous la pluie, mais est lui aussi tombé, entraînant du même coup Casey Stoner (Honda Repsol) dans sa chute. Le mal est moindre dans le cas de Rossi, car il réussit néanmoins à terminer cinquième après une belle remontée, mais le nonuple champion du monde a commis une erreur d'orgueil — me semble-t-il à l'analyse des images retransmises par la télé — et a manqué de jugement. La course était jeune à ce moment précis et il aurait pu dépasser Stoner sans prendre de risques s'il avait attendu quelques secondes, voire quelques minutes pour porter son attaque.
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Rossi est parti à la faute en tentant de passer Stoner au bout de la ligne droite et les deux ont chuté. Rossi est reparti et a terminé cinquième alors que Stoner a été contraint à l'abandon. |
À ce chapitre, Dani Pedrosa (Honda Repsol) a fait preuve d'une plus grande maturité que Simoncelli et Rossi en poussant à la limite — sans la franchir cependant — en début de course, alors qu'il était en pleine forme et que ses pneus étaient encore en parfait état pour baisser le rythme par la suite, quand il s'est aperçu qu'il ne pouvait rejoindre Lorenzo sans risquer de perdre 20 précieux points. Bon calcul pour Pedrosa qui s'installe en deuxième position au classement provisoire, 9 points derrière Lorenzo mais 11 devant Stoner.
Nicky Hayden a également fait preuve de prudence et de jugeote. Auteur d'un bon départ et bien placé en début de course, l'Américain a conservé un rythme rapide mais sécuritaire durant toute l'épreuve et a profité des bévues de ses adversaires pour accrocher la troisième place et sabler le champagne sur le podium. Pas très spectaculaire, mais efficace. Ce que ses patrons chez Ducati apprécieront sûrement.
Parmi les autres pilotes victimes de leur fouge, notons Andrea Dovisioso (Honda Repsol) qui a chuté à deux reprises au guidon de sa RC212V. Totalement hors course, l’Italien est rentré aux stands pour mettre des pneus neufs et a continué à travailler sur sa Honda malgré sa déception. Le Français Randy DePuniet (Pramac Racing Ducati), qui était revenu en huitième position à la mi-course, est allé à la faute et a été contraint à l'abandon à 10 tours de la fin. Les deux pilotes de l'écurie Yamaha Monster Tech3, le Britannique Cal Crutchlow et le Texan Colin Edwards ont aussi atterri dans le bac à graviers. Crutchlow repartira et sécurisera la huitième position, tandis qu'Edwards qui occupait la troisième place au moment de sa chute, alors que la fin de l'épreuve était en vue, sera moins chanceux et devra abandonner. Même chose pour son compatriote Ben Spies qui, à trois tours de la fin, perd le devant de sa Yamaha M1 d'usine et laisse filer une place sur la dernière marche du podium.
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Septième, Rossi n'a pas démérité compte-tenu de son épaule douloureuse et de sa Desmosedici capricieuse qui demande encore à être règlée pour livrer son potentiel. |
Hiroshi Aoyama (San Carlo Honda Gresini) a pris la quatrième place, devant Rossi qui a terminé cinquième malgré sa chute en début de course. Héctor Barberá (Mapfre Aspar), Karel Abraham (Cardion AB Motoracing), Cal Crutchlow (Monster Yamaha Tech3), Toni Elías (LCR Honda) et John Hopkins, qui remplaçait Álvaro Bautista chez Rizla Suzuki, complètent le top 10, devant Loris Capirossi (Pramac Racing) et Dovizioso qui sont les deux seuls autres pilotes à avoir terminé la course.
Au terme de cette course complètement folle, au cours de laquelle la hiérarchie de ce début de saison a été bousculée, on retrouve trois marques différentes sur le podium (Yamaha, Honda, Ducati) et seulement onze motos l’arrivée. Ce qui nous fait amèrement regretter de ne pas avoir une grille plus fournie, comme c'est le cas en Moto2.
Dans ces conditions difficiles, de nombreux favoris ont vu leur étoile pâlir. D'autres ont étonné par leur maîtrise et leur intelligence en course. Cependant, le grand gagnant du jour reste Lorenzo qui s’impose à Jerez pour la deuxième année d'affilée et prend la tête du classement général avec neuf points d’avance sur Pedrosa et vingt sur Stoner. La prochaine course à Estoril, au Portugal, dans un mois, risque donc d'être chaudement disputée. En espérant qu'elle se déroule sur le sec que l'on puisse vérifier l'état des forces en présence dans des conditions normales.
Prochaine course : 1er mai — Estoril — Portugal |