21 septembre 2009

Politique
Les motocyclistes à l'assaut de la colline Parlementaire

Le week-end du 19-20 septembre, près de 6 000 motocyclistes se sont rassemblés sur le parvis de l'Assemblée nationale pour manifester leur mécontentement au gouvernement Charest et demander la démission de la ministre des Transports, Julie Boulet. Plusieurs dizaines de manifestants ont même défié l'interdiction de camper sur les terrains de l'Assemblée nationale afin de démontrer leur ras-le-bol...

Texte et photos par Didier Constant

Cette 15e manifestation motocycliste de l'été 2009, organisée par le Front commun (Escargot, CAPM, FMQ, Promocycle), avait pour objectif de sensibiliser le public, mais aussi le gouvernement, à la discrimination faite à l'égard des motocyclistes par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). En effet, selon les organisateurs de cette manifestation, les hausses prévues par l'organisme public en 2010 seraient iniques et remettraient en cause le principe même de l'universalité des régimes au Québec qui est (était?) un des fondements de la société québécoise.

Mathieu Lachaîne et Éric Lessard, deux des organisateurs du mouvement citoyen
« Opération Escargot ».

Le porte-parole de l'opération Escargot, Éric Lessard, affirme : « pour le moment, nous ne réclamons pas une baisse des frais d'immatriculation, mais un moratoire d'un an sur la forte hausse prévue l'an prochain afin de trouver un terrain d'entente avec le gouvernement. Nous dénonçons notamment la catégorisation artificielle établie par la SAAQ qui fait que, dès le 1er janvier 2010, les propriétaires de motos “régulières” paieront 627 $ pour le renouvellement de leur plaque, tandis que les propriétaires de motos sport débourseront 1 410 $ ».

Pour rappel, les frais d'immatriculation pour toutes les motos étaient de 320 $ en 2006 et 2007. À titre de comparaison, la contribution des automobilistes est passée de 255 $ en 2006 à 260 $ en 2009. Deux poids, deux mesures? N'oublions pas non plus que depuis 2008 les motocyclistes, qui sont pour la plupart automobilistes, doivent payer deux permis pour circuler avec leurs véhicules. Et débourser des droits d'immatriculation pour chacun d'eux. Comme s'il était possible à un individu de conduire deux véhicules en même temps… Mais il s'agit là d'un autre débat. Quoi que?

Des milliers de motocyclistes ont signé les pétitions demandant la démission de Julie Boulet, la ministre des Transports et l'instauration d'un moratoire sur l'augmentation des droits d'immatriculation en 2010.

« Beaucoup de motocyclistes ne pourront pas payer de tels droits, lesquels s'ajoutent aux assurances privées qui sont tout aussi prohibitives », poursuit Éric Lessard. Ce qui revient à dire qu'ils n'auront alors que trois options : arrêter la moto (ce qui ferait bien l'affaire de la SAAQ), changer de moto pour une de la classe régulière (au risque de se retrouver dans la même situation dans quelques années), ou rouler sans assurance valide. Et c'est cette dernière option qui inquiète les spécialistes en sécurité routière, dont Jean-Pierre Belmonte, le président de la fondation Promocycle : « Cette mesure n’a aucun sens et elle est potentiellement dangereuse. De plus en plus de jeunes qui n’ont pas les moyens d’assumer les taxes vont rouler sans assurance. En cas de contrôle policier, ils prendront la fuite et risqueront un grave accident ». Est-ce que nous nous voulons comme société? Un des mandats de la SAAQ n'est-il pas de prendre les mesures pour assurer la sécurité de tous les usagers de la route?

Les organisateurs de la manifestation faisaient circuler une pétition réclamant la démission de la ministre des Transports Julie Boulet, dont ils critiquent le travail dans ce dossier. « On demande que la ministre se retire puisqu'elle n'est pas capable de gérer le dossier. Elle a fait preuve d'incompétence, en plus de refuser le dialogue », affirme Normand Noiseux, porte-parole du Comité d'action politique motocycliste (CAPM).

Lessard surenchérit en citant deux études européennes qui démontrent que dans 80 % des accidents de moto, la vitesse moyenne est inférieure à 51 km/h. Ce qui tend à démontrer que le type de moto n'a qu'une très faible influence sur la probabilité d'accident.  « Ailleurs dans le monde, ils ont compris ça depuis longtemps. Mais ici, on persiste dans la même logique, déplore-t-il. On devrait cibler le comportement des conducteurs, plutôt que les catégories de motos. »

Et, sur ce point, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) tend à donner raison à Lessard. En effet, lors d'un colloque tenu en Suède en 2008, l'OCDE a mentionné que la catégorisation constituait l'une des cinq plus mauvaises mesures antisécurité au monde!

Lessard déplore le refus du gouvernement de discuter avec les motocyclistes afin de trouver une solution à ce problème épineux. D'autant plus que depuis 20 ans le bilan routier des motocyclistes s'est amélioré de 300 %, bien que le nombre de motos en circulation ait doublé durant la même période. Toutes proportions gardées, les motocyclistes ont deux fois moins d'accidents que les automobilistes. En 2008, ils ont même connu le meilleur bilan routier de tous les groupes de véhicules moteurs au Québec. Comment ne pas parler de discrimination à la lecture de tels chiffres?

Quant à John Harbour, le président et chef de direction de la Société de l'assurance automobile du Québec, il a déclaré récemment que les fortes hausses des frais d'immatriculation prévues l'an prochain seront maintenues. Selon lui, elles ont été établies conformément à un processus rigoureux et ne sont pas négociables.

Même si l'hiver pointe son nez, les responsables du Front commun affirment ne pas vouloir baisser les bras et poursuivre la lutte pendant la saison morte, « quitte à bloquer les routes en voiture, puisqu'il est désormais interdit de rouler à moto l'hiver! »