La CB1000R est une bonne candidate pour cette modification, car son moteur est basé sur celui de la sportive CBR1000RR qui développe plus de 165 chevaux (la CB1000R se contente de 125 chevaux). Mais pourquoi constatons-nous une si grande différence de puissance entre les deux Honda si leur base mécanique est commune? En créant le roadster, qui par définition est moins radical qu’une sportive pur sang, les ingénieurs du Géant rouge voulaient une moto plus docile et mieux remplie à tous les régimes. Ils ont donc réparti la puissance de façon plus linéaire, en s’assurant d’avoir un couple élevé à bas et moyen régimes, quitte à rogner sur la puissance maximale.
Dès lors, la tentation de retrouver la performance du moteur originel, sans se lancer dans des modifications couteuses, est grande. Pour y parvenir, la façon la plus économique et la plus simple est de faciliter la sortie des gaz en installant un pot d'échappement plus libre et en le calibrant adéquatement. Ce n'est toutefois pas aussi facile à faire, car dans la réalité, de nombreux pots d'origine sont plus performants que ceux de remplacement, d'autres facteurs entrant en jeu, comme l’admission d'air et la cartographie d'injection. Ne s’improvise pas spécialiste en échappement qui veut.
|
La salle de «torture» des tuyaux |
Au printemps, nous nous sommes donc rendus chez Hindle avec la CB1000R, afin de la déconstiper, si l'on peut dire. Ce que l'on remarque en pénétrant dans l’antre du gourou des pots, ce sont ces milliers de tuyaux qui s’entassent partout dans l'usine. Il y a des kilomètres de tuyaux... Après quelques instants à errer dans les locaux de la compagnie, nous sommes rejoints par Lee Hindle, le fils de Lang, le fondateur de la compagnie, champion canadien de Superbike en 1980 et 1981 sur une Kawasaki KZ1000.
Enthousiasmé par notre venue — Hindle n’offrait pas encore de silencieux pour la CB1000R lors de notre première visite —, Lee compte profiter de l’occasion pour développer deux pots différents, avec des looks distincts et des caractéristiques particulières, un pot court et relevé au look agressif et à la sonorité rauque, et un second, plus long, dont les lignes suivraient la section arrière de la moto et dont la sonorité serait un peu mise en sourdine, si l’on peut dire. Deux configurations que nous aurions la tâche de tester afin de déterminer la plus appropriée et la plus efficace.
|
Pot version longue |
Lee et un de ses employés firent le tour de la Honda en nous expliquant ce qu'ils feraient et comment ils essayeraient d'améliorer la performance et la silhouette de la CB1000R tout en l’allégeant. Plusieurs options étaient envisageables, soit un embout adaptable de type «slip on», un embout adaptable décatalysé ou une ligne complète. Il y avait d'ailleurs de l'espoir de ce côté, puisque Hindle offrait déjà une ligne d’échappement complète pour la CBR1000RR. Il restait ensuite à choisir un fini — titane, fibre de carbone, aluminium, acier inoxydable ou fini céramique noir.
Après avoir fait le tour des installations, en nous arrêtant par le banc dynamométrique où sont mesurées les performances des motos avec les différents échappements, nous avons laissé les professionnels plancher sur le projet pour rentrer à Montréal. Sur le chemin du retour, Didier et moi avons pû spéculer à loisir sur la tournure que prendrait ce projet (500 km par la 401, c’est long longtemps).
Après plusieurs semaines d’attente, Hindle nous avisa que les deux pots d’évaluation étaient prêts et que nous pouvions récupérer la moto. C’est avec empressement que Didier, Richard et moi partîmes chercher la CB1000R. Arrivés sur place, la tension était palpable. Lorsque j'ai vu la moto, je suis resté bouché bée. Le résultat était vraiment à la hauteur de mes attentes. La ligne de la moto était respectée, mais j'avais l'impression de découvrir une nouvelle machine. L’embout adaptable décatalysé avec son silencieux ovale au fini en céramique noir s'agençait parfaitement avec ma Honda. Côté performances, la moto d’origine affichait 113 chevaux à la roue arrière sur le banc dynamométrique de Hindle. Avec le nouvel échappement, la puissance grimpait à 119 chevaux, soit un gain de 6 chevaux. Ce qui impressionnant étant donné le peu de modifications apportées. Côté poids, le changement faisait perdre neuf kilos. Si on compte qu’une perte de trois kilos correspond à un gain d’un cheval, c’est comme si je venais de gagner trois autres bourrins. Ça commençait bien.
|
Pot version courte |
Mais laissons tomber le baratin et les chiffres. Ce que l'on veut savoir, c’est le son que la bête émet. Et là, surprise! Ça décoiffe. La sonorité est riche et grasse, mélodieuse. Après avoir laissé chauffer le moteur et savouré le ramage de la CB modifiée, je l'enfourche et je vais faire un petit tour dans la campagne environnante. C'est tout simplement grisant. J'ai l'impression de piloter une moto de course. J'aurais pu passer le reste de la journée à faire l'aller-retour sur la petite rue en face de chez Hindle, mais il nous fallait rentrer à Montréal. Pas grave, j'aurais le loisir de la rouler à ma guise très prochainement.
Nous avons donc récupéré les deux échappements, ainsi qu'un silencieux de rechange, afin de compléter l’essai et de déterminer laquelle des configurations, courte ou longue, fonctionnait le mieux et nous plaisiait le plus.
Assez rapidement c'est la configuration longue qui s'imposa, car elle respectait mieux la ligne de la moto et était mieux intégrée. L'échappement passe très prêt du pneu arrière, ce qui affine la moto et l’allège. De plus, j’ai enlevé les reposes-pieds passager (je me promène toujours en solo), ce qui a encore épuré davantage le look de mon roadster, le rendant un peu plus «méchant», au passage
|
La salle du banc dynamométrique où sont mesurées les performances |
À l'accélération, on remarque une vivacité supérieure à bas régime, et une allonge accrue à haut régime. Ça pousse plus fort qu'auparavant, c’est notable. Pas de doute; la moto respire mieux et la puissance est moins linéaire qu'à l'origine. Les gens de chez Hindle nous ont avisés qu'avec un boîtier électronique de type «Power commander» on pourrait aller chercher beaucoup plus de chevaux sur cette machine. Ce qui n’est pas à négliger. Cependant, ce que j’apprécie le plus sur ma CB1000R accessoiriée, c’est la pétarade de l’échappement à la coupure des gaz à haut régime... un délice auditif.
À la conduite, la moto gagne en vivacité. On le ressent particulièrement dans les enchaînements de courbes serrées. Ceci est dû en très grande partie à la perte de poids. Bien sûr la moto est plus bruyante qu'à l'origine, mais si l'on fait preuve de retenue, il est possible d'avoir un échappement au son présent tout en étant civilisé. Après plusieurs mois d’utilisation, je suis satisfait des résultats. La moto se comporte très bien et mettre la roue avant dans les airs est devenu un jeu d’enfant. Prochaine modification, ajouter un «Power commander» question de voir combien de chevaux supplémentaire on peut aller chercher et dans quelle mesure le comportement du moteur et de l’injection seront affectés. |
Lang Hindle, de pilote à industriel
|
Lang Hindle sur sa Kawasaki Z1 championne |
Si vous avez passé la cinquantaine et que vous suiviez les courses de vitesse au Canada, dans votre jeunesse, le nom de Lang Hindle ne nous est certainement pas inconnu. Pour les autres, les jeunes ou ceux que les compétitions sur piste n’intéressent pas, vous avez certainement entendu parler des produits qui portent le nom Hindle, surtout si vous êtes amateurs de sportives, sans savoir qui est l’homme qui se cache derrière la marque de silencieux de remplacement pour motos la plus populaire au pays.
|
Lang Hindle a débuté sa carrière de pilote à la fin des années 60. Il fit ses premiers tours de roue au circuit ontarien de Mosport en 1969, aux commandes d’une BSA 650 qu’il remplaça rapidement par une BSA Rocket III avec laquelle il prit part, en 1970, à sa première saison de compétition.
Comme de nombreux pilotes de sa génération, Lang a fait ses premiers pas dans l’industrie comme mécanicien. En tant que pilote, ces connaissances lui permirent de préparer et de modifier ses motos lui-même.
Au début des années 70, il arpentait les circuits au guidon d’une BSA fortement modifiée avec laquelle il courait en classe «Ouverte». Il avait en effet construit un cadre et un bras oscillant maison pour sa moto, mais aussi un échappement de performance. C’était le début d’une longue passion. Il parvint ainsi à remporter le championnat Junior avec sa Rocket III modifiée, se battant contre des quatre cylindres Honda et Yamaha surpuissants.
En 1973 Lang passa chez les Pros, comme pilote privé. Il conduisait alors une Yamaha RD 350, puis une Kawasaki KH 400 dans les classes intermédiaires et une Kawasaki Z1 modifiée contre les meilleurs de la catégorie Superbike. À sa première course au circuit de Sanair, à Ste-Pie-de-Bagot, il domina complètement le plateau, remportant l’épreuve avec un demi-tour d’avance. De 1974 à 1976, il remporta le championnat nord-américain d’endurance. Il gagna de nombreuses courses d’endurance et établit même un record mondial au circuit de Daytona, en 1981, pour la plus longue distance parcourue dans une course 24 heures.
Après une trêve de deux ans en 1978 et 1979, pour s’occuper de sa famille, Lang revint à la compétition en 1980 et remporta le titre de Champion Canadien de Superbike deux années de suite (1980-1981), sur une Kawasaki KZ1000. Cette même année, il termina 5e des 200 Miles de Daytona (premier pilote privé), derrière les motos d’usine (des deux-temps de Grand-Prix), une course remportée par le légendaire pilote français Patrick Pons, sur sa Yamaha OW031.
Considéré comme le père de la classe Superbike au Canada, Lang a marqué la compétition sur circuit routier de son empreinte. Il a également permis à certains jeunes pilotes prometteurs, Rueben McMurter, Art Robbins, Paul McMillan et Michel Mercier, de graduer chez les Pros en les prenant sous son aile.
Il mit fin à sa carrière professionnelle à la fin d’une saison 1982 disputée avec sa Kawasaki Z1 ornée de la convoitée plaque «Numéro un».
C’est à cette même époque qu’il démarra son entreprise de fabrication d’échappements moto de remplacement. La modeste usine, qui était située dans son garage, à Scarborough, connut un essor rapide et, au début des années 90, ses produits se retrouvaient sur bon nombre de motos sportives, particulièrement sur les circuits de course.
Au Canada, Hindle s’est impliqué en devenant le commanditaire principal de la classe nationale Pro 600 Sport Bike durant quatre années. Il a eu ainsi l’occasion de travailler avec les principaux constructeurs, préparateurs et coureurs au pays, acquièrant une expérience irremplaçable qu’il investit dans ses produits.
Aujourd’hui, Hindle Products, dont l’usine est installée à Port Perry, en Ontario, est reconnu internationalement. Ses échappements sont vendus aux États-Unis, au Canada et dans plusieurs pays d’Europe.
Source : Temple de la renommée de la moto du Canada |