« Éditos

Les temps sont durs pour les rêveurs et les aventuriers !

Photos © Didier Constant, Patrick Laurin, Claude Privée, DR

En fait, 2020 a été particulièrement difficile pour nombre d’entre nous et je suis soulagé que cette annus horribilis touche à sa fin. Même si ça ne signifie pas pour autant que les problèmes soient réglés et que 2021 aura mieux à nous offrir. Qu’on verra la lumière au bout de la seringue comme le croient certains ! On cherche toujours une solution simple aux problèmes complexes…

En effet, 2020 restera dans ma mémoire comme une année sombre, une année dont l’évocation me rappellera immanquablement de mauvais souvenirs. Au même titre que 1914, 1929, 1939, 1946, 1954, 1955, 2001 ou 2008 pour ne citer que les plus récentes. Des années qui ont marqué le déclenchement de deux guerres mondiales, de la guerre d’Indochine, de la guerre d’Algérie, de la guerre du Vietnam, de la Grande dépression, de l’attentat du World Trade Center et de la crise économique.

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Chacun selon son origine et son histoire personnelle pourra compléter cette liste avec des événements l’ayant profondément et intimement attristé. Dans mon cas, je rajouterais 1990 et 2000, années des décès précoces de mon père (52 ans) et de ma mère (64 ans). Ou 1992, année du diagnostic de mon cancer contre lequel j’ai lutté pendant 7 ans avant de le vaincre.

En 2020, les gouvernements auxquels je verse près de la moitié de mes gains m’ont littéralement privé de mes revenus et ont asséché ma trésorerie en m’empêchant de travailler, sans m’offrir de contrepartie monétaire. Les limites de l’État-providence ! Nous sommes nombreux à être exclus de tout programme d’indemnisation parce que nous sortons des cadres stricts mis en place. N’étant pas salarié, je ne me qualifie à aucun des différents programmes établis. Et les offres de prêt consentis aux entreprises ne fonctionnent pas dans mon cas. Comment rembourser un prêt quand on n’a plus la possibilité de générer de revenu ?

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Je sais, certains diront, qu’en échange, ces institutions me protègent du Virus. Franchement ? Vous croyez à ces sornettes ? En ce qui me concerne, je fais plus confiance à la vigueur de mon système immunitaire et à mon hygiène de vie pour rester en bonne santé.

Étant un vieil ours, j’ai toujours pratiqué la distanciation sociale. Elle ne me gêne pas. J’y suis même habitué. Elle me permet d’échapper à la cacophonie des opinions stériles pour me concentrer sur mes bruits intérieurs. Sur mes réflexions. Sur le dialogue que j’entretiens avec moi-même. C’est pour cette raison que j’aime tant voyager à moto. Ça me permet de m’évader au sens propre comme au sens figuré. D’effacer les limites temporelles et sociales. D’établir des stratégies basées sur l’expérience pour combattre les conditions — météo ou routières — et faire face à l’imprévu. L’incertitude est le sel de l’aventure. Pour certains, c’est une motivation pour partir à la découverte du monde. Mais pour d’autres — la majorité dirais-je —, c’est une raison paralysante qui les incite à rester chez eux — ou dans des endroits y ressemblant — afin de se prémunir de la vie.

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Les années 2000 ont été celles de la sécurité à tout crin. Les pays occidentaux ont édicté des mesures liberticides dans le but de garantir notre sécurité et de soi-disant mettre fin au terrorisme, nous obligeant ainsi à abandonner des libertés fondamentales gagnées de chaude lutte par nos aïeux, parfois au péril de leur vie. « La liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles », prétend un proverbe français du 19e siècle.

Ces mesures à l’origine provisoires se sont installées dans la durée et ont profondément modifié notre mode de vie. Ainsi, depuis 2001, voyager est devenu une corvée plutôt qu’un plaisir et nul aujourd’hui ne songerait à le faire sans un minimum d’assurance ni de planification. Devant les tracasseries administratives ou le sacro-saint principe de précaution, beaucoup de voyageurs ont rayé plusieurs destinations de leur liste de contrées à visiter. Et ne voyagent plus que dans des « pays amis ». Organisés pour les recevoir de façon sûre et sécuritaire. En liberté surveillée !

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Le tout sanitaire est actuellement en train de générer les mêmes dérives. Il opère sur nous une véritable catharsis, en suscitant une peur injustifiée. À long terme, nous allons devoir renoncer à davantage de destinations. Déjà, certains états insulaires ont fermé leurs frontières de façon hermétique et durable afin de se prémunir des virus. Avec des exceptions pour certains dignitaires. Et c’est là que le bât blesse, car à partir du moment où une seule personne, un seul animal, un seule marchandise peut se déplacer vers ou en dehors d’un pays, le risque de contamination zéro n’existe plus.

On sait bien que ces mesures de repli sur soi et de protectionnisme sont inefficaces dans les faits. Pour contrer les pandémies, en tout cas. Car elles sont très efficaces pour contrôler les populations locales en jouant sur leurs peurs ancestrales, mais aussi pour propager la xénophobie. La peur de l’autre, quel qu’il soit, est séculaire et tenace.

Beaufort, Savoie

Même si j’ai pu effectuer un de mes plus beaux voyages de la décennie, en septembre dernier, il reste qu’il est aujourd’hui très difficile de voyager au Canada et, a fortiori, à l’étranger, à moins de faire preuve de débrouillardise, de pugnacité et d’obstination, mais aussi d’être prêt à toutes sortes de sacrifices et de renoncements pour y parvenir.

Planifier est devenu un art. Je lève mon chapeau à la Dorna, le promoteur du MotoGP et du WSBK — et à tous les organisateurs d’événements —, pour avoir le courage de publier les calendriers de leurs manifestations de 2021. Pour moi, ça relève plus de l’acte de foi qu’autre chose. D’autant que quelques jours seulement après la publication de ces calendriers, certains événements ont déjà été reportés voire annulés. Qu’on le veuille ou non, 2021 sera une autre année perdue.

Crêt Bettex, Savoie

Selon un sondage effectué par l’Association des agents de voyages du Québec, dont je suis membre, les agences fonctionnent aujourd’hui au ralenti. Elles ont même atteint le stade de la paralysie pour certaines. En 2020, leur chiffre d’affaires est en berne. En moyenne, il se situe à seulement 11 % de leur chiffre d’affaires de 2019. Certaines agences vont être obligées de fermer ou de fusionner, comme plusieurs compagnies aériennes d’ailleurs. Certains pays vont devoir renoncer au tourisme, car ils ne seront plus desservis ou plus attrayants. Nous allons tomber sous le joug des assureurs et des compagnies pharmaceutiques qui vont nous dire où et comment voyager. Avec l’aide de nos gouvernants.

Mais nous serons à l’abri du virus ! La foi fait vivre ;-). À ce jour, les « mesures sanitaires » prises dans la panique par de nombreux pays n’ont pas convaincu par une efficacité radicale.

Col de la Bonette, Hautes-Alpes

Certains membres de ma famille de même que des proches et des amis travaillent dans le domaine de la santé ou ont été touchés par la COVID-19. Je sais que c’est une lutte de tous les jours et que certaines personnes en meurent. Trop tôt ou de façon totalement injuste et dramatique. Mais de là à nous arrêter de vivre par peur de mourir, il y a un gouffre.

Un proverbe russe dit : « Tout oiseau préfère la liberté à une cage dorée ». Une idée que l’on retrouve également dans la fable « Le loup et le chien » (lire à la fin du texte) de Jean de La Fontaine, un auteur qu’on ne peut pas accuser d’avoir été un révolutionnaire pas plus qu’un complotiste (ou comploteur ?)

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De compromis en renoncements, nous perdons tranquillement mais sûrement, notre humanité. Nous devenons des citoyens dociles et résignés. Victimes du syndrome de Stockholm. Otages de nos propres gouvernements. Ceux qui ne rentreront pas dans le moule seront pourchassés, ostracisés, comme ce fut souvent le cas dans l’histoire. Chaque époque a sa chasse aux sorcières.

Personnellement, je ne demande qu’une chose : laissez-moi la liberté de veiller sur ma sécurité et sur ma santé.

« Qui regarde sa liberté comme peu de chose, s’estime peu lui-même », affirme à juste titre un proverbe danois.

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2020 est morte ! Vive 2021 ? 

LE LOUP ET LE CHIEN

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Illustration de Grandville (1838-1840)

Un Loup n’avait que les os et la peau ;
Tant les Chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eût fait volontiers.
Mais il fallait livrer bataille
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu’il admire.
Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d’assuré, point de franche lippée.
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi ; vous aurez un bien meilleur destin.
Le Loup reprit : Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien, dit le Chien : donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire ;
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
… Sans parler de mainte caresse.
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant il vit le col du Chien, pelé :
Qu’est-ce là  ? lui dit-il. Rien. Quoi ? rien ? Peu de chose.
Mais encor?  Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ?  Pas toujours, mais qu’importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.

— Jean de La Fontaine 

4 réponses à “Que 2020 finisse enfin !”

  1. Alice Raoul

    Toujours juste, de mon point de vue, Didier. Merci de dire là, ce que je pense par devers moi. Sauvage je suis et resterai. Ma tanière dissidente t’est ouverte, bonne chère et mauvais esprit y sont bienvenus…

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    • Didier Constant

      Merci de l’invitation chère Alice. Je ne manquerais pas de faire un détour par ta tanière à ma prochaine visite.
      Amitiés 😉

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  2. Alain Paquin

    « De compromis en renoncements, nous perdons tranquillement mais sûrement, notre humanité. Nous devenons des citoyens dociles et résignés. Victimes du syndrome de Stockholm. Otages de nos propres gouvernements. Ceux qui ne rentreront pas dans le moule seront pourchassés, ostracisés, comme ce fut souvent le cas dans l’histoire. Chaque époque a sa chasse aux sorcières. ».

    Tellement.

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  3. Jean Meunier

    Je patage entièrement votre opinion au sujet de cette année là de 2020, et depuis 2001 avec tout les contrôles qu’on nous impose et le virus ajouté à tout cela, ça va devenir de plus en plus une contrainte et inintéressant de planifier un voyager. De moins en moins de liberté pour l’humain de demain.

    Jwing (77ans) motocycliste qui se pose des questions, voilà!

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