Le V4 se révèle pleinement passé 5 500 tr/min pour devenir impressionnant
jusqu'au déclenchement du rupteur de régime à 11 500 tr/min, soit 1 000 tr/min
après le début
de la zone rouge.
Quand je suis parti de la maison, à 6 heures du matin, il faisait tout juste -5 degrés. J'ai enfourché la Buell Ulysses, branché ma veste électrique, allumé les poignées chauffantes et j'ai pris la métropolitaine pour une petite balade Montréal-Kingston-Montréal. Malgré la monotonie de la 401, l'excitation faisait passer le temps plus vite. J’avais hâte d’arriver à destination. D’autant plus que mes orteils commençaient à geler.
Honda Canada voulait profiter des dernières journées d'automne pour présenter ses nouveautés 2010 aux journalistes , principalement la VFR1200F et la CBF600. Mais le dévoilement tardif de la première et la tenue imminente de son lancement de presse mondial, au Japon, ont obligé la compagnie à reporter cette présentation impromptue au dernier moment. Heureusement pour nous, le temps était magnifique, si on fait abstraction de la fraîcheur. Soleil radieux et vent faible. À 13 heures, quand les premiers d'entre nous se sont élancés au guidon de la VFR1200F pour leur galop d'essai, le thermomètre avait grimpé à 7 degrés. Tout à fait correct, donc. Et pour que nous puissions bien cerner la nouvelle venue, Honda Canada avait mis une VFR800 2009 à notre disposition.
Avant d'aller titiller l'accélérateur électronique de la bête, nous avons eu droit à une présentation technique en règle, dont je ferais grâce pour aller droit au but. L'essentiel de l'information technique est décrit dans l'article que nous avons consacré à la sortie du modèle. Et nous y reviendrons lors du lancement officiel, sur route et sur piste, auquel nous participerons en mars prochain. Gardez à l'esprit qu'il s'agit d'une prise de contact et non d'un essai à proprement parler. Il s'agit de vous mettre l'eau à la bouche et de répondre à certaines de vos questions.
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En personne, la VFR est encore plus belle qu'en photo. Ses lignes semblent plus
équilibrées et les éléments graphiques qui soulignent sa ligne sont plus évidents. |
Avant d’aller plus loin, je dois vous annoncer deux nouvelles. Une mauvaise… et une mauvaise. La première tient au prix. Même s'il n'a pas été annoncé officiellement aujourd'hui — Honda Canada le dévoilera fin décembre —, nous avons appris qu'il se situerait autour de 19 000 $, sans option, soit plus près de celui de la ST1300 que de l'actuelle VFR800. Beaucoup plus cher donc que la BMW K1300S, sa principale concurrente, qui se détaille 16 990 $. Surprenant, non? L'autre mauvaise nouvelle concerne la disponibilité de la VFR. Elle sera importée en très petites quantités, «moins d'une par concessionnaire», a déclaré Warren Milner, le responsable du marketing de la marque. Sachant qu'ils sont moins de 250 au pays, ça vous donne une idée de la rareté de la VFR1200F qui risque de devenir un objet de convoitise. Toujours selon Milner, de nombreuses réservations auraient déjà été prises, et ce, avant même que le prix soit connu. Si vous pensez rouler en VFR1200F l’an prochain, il est peut-être déjà trop tard. Mais ça, c'est une autre histoire…
La nouvelle VFR a été conçue en Europe, pour les motards européens, par une équipe multiethnique comprenant trois Japonais, un Américain et un Européen. À leur tête, on retrouve les ingénieurs Kishi — à l’origine de la légendaire CBR1100XX Blackbird — et Hasegawa… Leur mission était de concevoir la routière sportive ultime. Une moto capable de dévorer les autobanhs allemands à vive allure, en offrant un bon niveau de confort à son pilote et à un éventuel passager. Assez sportive pour briller sur les routes secondaires sinueuses ou les routes de montagne en lacets. Suffisamment agile pour se faufiler dans la circulation urbaine. Et enfin, belle, performante, confortable et polyvalente. Mais, en plus de toutes ces qualités, l’équipe de conception devait en faire une référence. Le mandat qu'ils avaient reçu était donc ambitieux. Soit redéfinir la VFR et l'imposer comme moto iconique de la marque. Une machine luxueuse, d'une qualité irréprochable et technologiquement avancée. Le nouveau V4, dans sa configuration révisée — V ouvert à 76 degrés, culasses Unicam, embiellage SCPC, vilebrequin revu — devient donc un véritable moteur-signature pour le Géant Rouge. Comme le Boxer pour BMW ou le tricylindre pour Triumph.
Teofilo Plaza, le designer responsable du projet, a puisé dans la riche histoire de la VFR pour dessiner la nouvelle V4 et ça se voit au premier coup d'œil. En personne, elle est plus belle qu'en photo. Ses lignes semblent plus équilibrées et les éléments graphiques qui soulignent sa ligne sont plus évidents. Et bien intégrés. Le soin apporté à la finition et la qualité de la réalisation sont vraiment impressionnants. On voit que rien n'a été laissé au hasard.
En montant sur la VFR1200F, on se retrouve immédiatement en terrain de connaissance. D’un point de vue ergonomique, elle est dans la même lignée que sa devancière. L'angle d'inclinaison des bracelets, le cockpit, la distance entre la selle et les repose-pieds, la position de conduite, ou la hauteur du pare-brise, sont très similaires entre les deux machines. Mais avec un raffinement supérieur pour la 1200.
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Malgré ses 17 kilos supplémentaires, la VFR1200F ne paraît pas plus lourde
que sa petite sœur à la conduite. |
Quand on démarre le V4 de nouvelle génération pour la première fois, on est surpris de sa sonorité. En fait, elle est plus proche de celle de la 800 qu'on s'y attendrait. À bas régime, en tout cas. Avec cet écho métallique caractéristique. Mais à l’accélération, le gros V4 se réveille. Sa voix mue et il émet un grondement rauque qui se démarque du bruit que fait celui de la 800 après l'entrée en action du V-Tech. Ce changement de timbre s'accompagne d'une poussée impressionnante. En effet, même si Honda affirme que 90 % du couple (95 lb-pi à 8 750 tr/min) est disponible en bas de 4 000 tr/min, on ne le ressent pas tout à fait à l'usage. En fait, à bas régime, le moteur est très doux et facile à exploiter. Mais pas violent. À titre de comparaison, il est nettement moins brutal que celui de la BMW K1300S dans les mêmes conditions. Le V4 se révèle pleinement passé 5 500 tr/min pour devenir envoûtant jusqu'à l'entrée en action du rupteur de régime, à 11 500 tr/min, soit 1 000 tr/min après le début de la zone rouge. Très souple, il reprend sur un filet de gaz dès 2 500 tr/min, sans cogner, sur les rapports intermédiaires et à partir de 3 500 tr/min en 5e et en 6e. Sur le dernier rapport, à vitesse d'autoroute, le V4 ronronne doucement. À 100 km/h, il tourne seulement à 3 500 tr/min et à 130 km/h il grimpe à 4 500 tr/min. Il est donc loin de forcer. Les reprises sont excellentes et les accélérations trés vives. Assez comparables à celles de la BMW K1300S. Mais avec une plus grande douceur.
Les vibrations sont quasiment imperceptibles et l'injection est sans reproche. Précise et constante. Quant à l'accélérateur électronique, il impressionne par sa transparence. Il ne donne pas d'à-coup et n'est pas abrupt lors des transitions ouvert/fermé, comme c'est généralement le cas avec les systèmes Ride-by-Wire. En fait, il a fallu que je fasse un effort conscient pour réaliser qu'il ne s'agissait pas d'un accélérateur à câble. La boîte de vitesse est onctueuse et les rapports se verrouillent sans problème (notre moto d'essai disposait d'une boîte classique à six rapports. La transmission auto à double embrayage devrait être disponible plus tard en saison). L'effort au levier d'embrayage est moyen. La transmission finale par cardan est neutre. On ne ressent ni soulèvement de l'arrière à l'accélération, ni affaissement au freinage. L'assiette de la VFR1200F n'est pas affectée et sa stabilité est imperturbable.
Par rapport à la 800, la direction semble un poil plus lourde, mais elle reste tout de même sportive. En fait, la 1200 gagne en rigueur, sans perdre en vivacité. Ceci dit, malgré ses 17 kilos supplémentaires, la VFR1200F ne paraît pas beaucoup plus lourde que sa petite sœur à la conduite. Les suspensions font correctement leur travail, sur le revêtement ontarien relativement lisse sur lequel nous l'avons essayée. Et les freins C-ABS sont redoutables d'efficacité. Comme j'ai pu le vérifier...
Même s'il est encore trop tôt pour se prononcer définitivement sur le potentiel de la VFR1200F, une prise de contact d'une trentaine de minutes ne suffisant pas à découvrir une moto du calibre de cette Honda, on peut affirmer, sans crainte de se tromper, qu'il s'agit d'une machine aussi performante qu'elle est luxueuse. Et dont la réalisation est irréprochable. C'est une moto haut de gamme, à la fine pointe de la technologie, qui se compare avantageusement avec ses compétitrices directes. Mais, dans ce cas précis, seul un match comparatif permettra de les départager. Dans l'état actuel des choses, on peut toutefois dire que la VFR1200F livre la marchandise et tient les promesses faites par Honda à son sujet. Nous avons hâte de la décortiquer dans le détail lors d'un prochain essai. |