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Des motos et des hommes… et des femmes de caractère

Texte : Didier Constant — Photos : Didier Constant, Pascal Bléjean (Esprit-Racing : Images de Sports Mécaniques), Guillaume Bournisien (Guillaume B.), RCG Raspo, Daniel Pélerin, Gilbert Michel, Geneviève Jacq et DR

« Que diable suis-je venu faire dans cette galère ? »* me dis-je lors de ma première séance de roulage, le samedi matin. Pour commencer, je suis parti à l’aube de chez ma sœur, en Sologne, sous un déluge de pluie et un épais brouillard. Et pour la première fois en mode gitan, c’est-à-dire en camion (emprunté à un ami) dans lequel je compte dormir à côté de ma moto et de mon équipement. Sans chauffage d’appoint (je suis du genre optimiste) et avec un matelas pneumatique. Bien sûr, ce dernier est à plat à mon arrivée au circuit.

Ma combinaison de cuir ventilée ne parvient pas à me garder au chaud par cette matinée glaciale, pas plus que mes gants de course en peau de kangourou. Il fait à peine 3 degrés quand je me présente en prégrille aux commandes de mon rutilant Honda CB125N coursifié et je me les gèle littéralement.  Ça m’apprendra à vouloir faire le beau. À ma décharge, je suis surtout venu pour retrouver mes Amis du Challenge Honda 125 qui ont fait le déplacement à une petite dizaine, mais aussi pour inaugurer mon CBN acquis quelques jours plus tôt. Iron Bikers est donc ma première sortie officielle avec mon bolide des années 70/80.

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La moto classique ou « vintage » a la cote en France où elle profite de la nostalgie pour les machines anciennes, principalement celles des années 60 à 80 et de la vague hipster sur laquelle elle surfe allègrement depuis une dizaine d’années. On ne compte plus les événements organisés pour célébrer la gloire des anciennes (Coupes Moto Légende, Sunday Ride Classic, Classic Machines, Motors and Soul, Troféo Rosso, Championnats ICGP et VMA, etc.). Fondé par l’ex-journaliste/photographe Nicola Sonina, aujourd’hui reconverti dans l’organisation d’événements, Iron Bikers s’inscrit dans cette mouvance et accueille, selon ses propres termes, des motos de caractère c’est-à-dire des machines de course ou de série d’avant 1981 (Anglaises, Allemandes, Américaines, Italiennes, Françaises, Espagnoles ou Japonaises), mais aussi des motos modernes de style néo-rétro et tout ce qui est bizarre, préparé, personnalisé avec goût et passion. Pas de limite à la cylindrée ni à l’imagination, dès l’instant que c’est réalisé dans l’esprit des motos de l’époque. On y retrouve donc des Cafe racers, des bobbers, des Youngtimers et des répliques de motos de GP et de SBK.

Iron Bikers se déroule au circuit Carole à Tremblay-en-France, au sud de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, tout proche de la zone d’activités Paris-Nord II. Construit à l’initiative de l’État en 1979, dans le but de contrer l’hécatombe des accidents mortels lors des courses sauvages organisées sur des circuits improvisés à La Bastille ou à Rungis, le circuit de Carole porte le nom d’une jeune fille de 18 ans, Carole Le Fol, décédée lors d’une course à Rungis, en septembre 1977. Propriété de l’État, il est géré, depuis janvier 2012, par la FFM (Fédération française de motocyclisme) et possède la particularité d’offrir un accès libre aux pratiquants 26 week-ends par année. Le reste du temps, l’accès au circuit est payant, avec des réductions pour les licenciés FFM. Le circuit accueille aussi de nombreuses courses motocyclistes des différents championnats de France (Superbike, Promosport, Protwin, VMA). 

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Nicolas Sonina, l’organisateur et le promoteur d’Iron Bikers

Pour mes lecteurs québécois qui ne connaissent pas le circuit Carole, disons qu’il s’agit de la version parisienne de l’Autodrome Saint-Eustache. La piste de 9 mètres de large possède un tracé de 2,055 km qui comprend trois lignes droites dont la plus longue mesure 500 m et 8 virages (5 à droite, 3 à gauche). En raison de sa proximité avec l’aéroport, la piste est réputée glissante (les avions laissent s’évaporer des vapeurs de kérosène qui se déposent sur l’asphalte), surtout quand il pleut ou qu’il fait froid. Ainsi, à ma première sortie, j’ai failli mettre un terme à ma fin de semaine de piste quand le vénérable pneu arrière Dunlop K81 qui équipe mon CB est parti en glissade dans le premier virage. Ce pneu de l’âge des cavernes est inusable (pratique quand on est pauvre comme Job), mais il ne monte pas rapidement en température, comparativement aux pneus modernes, et n’offre pas un grip exceptionnel. Après plusieurs tours, je retrouve confiance et je commence à m’habituer à ma monture. Ce qui implique d’adapter mon style de pilotage. On ne conduit pas une « mamie » de plus de 30 ans qui ne pèse rien, ne freine pas et développe à peine 14 chevaux comme on pilote une Ducati Panigale de 200 chevaux, bourrée d’électronique.

Iron Bikers accueille près de 390 participants dans le cadre de ses roulages libres. Il ne s’agit pas de courses à proprement parler, mais de démonstrations réparties dans neuf séries établies par affinité. Chaque participant peut ainsi prendre part à cinq sessions de 20 minutes durant le week-end. Et pour ceux qui ont une machine ancienne mais n’ont jamais roulé sur circuit, un groupe leur est spécialement dévolu dans lequel ils sont encadrés par deux moniteurs brevetés. Une exclusivité Iron Bikers !

Carole

Pour les spectateurs — plus de 2000 cette année, comparativement à plus de 5000, quand la température est clémente — l’action se passe bien sûr dans le paddock qui est libre d’accès et en bord de piste, mais aussi dans le « village » au centre du circuit où ils retrouvent les clubs, la bourse d’échanges, les exposants professionnels, les préparateurs, les concessionnaires, les constructeurs, les accessoiristes et la scène des jeunes garages, soit plus de cent stands dédiés à leur passion. Les spectateurs sont particulièrement choyés avec parking auto et moto gratuit et consigne de casques gratuite avec l’aide de la FFMC (Fédération française des motards en colère). Tout ça pour seulement 15 euros par visiteur.

En dépit de la température hivernale — venant du Québec, j’ai trouvé qu’il s’agissait d’une température de saison en l’occurrence —, j’ai été franchement séduit par Iron Bikers, par son esprit « libertaire » et libre, par son organisation qui fait place à l’improvisation et à la passion et par ses participants. J’ai également apprécié l’ambiance bon enfant et enflammée qui régnait autant dans le paddock que sur la piste et l’esprit de camaraderie incroyable que j’ai ressenti. Je suis reparti de la piste la tête pleine d’images et de souvenirs — sans oublier les bons moments partagés avec les potes —, ravi d’avoir vu autant de motos exceptionnelles préparées avec soin et passion. Des motos de caractère jamais ordinaires ! Je reviendrai, c’est certain !

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* tirade adaptée des Fourberies de Scapin de Molière

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2 réponses à “Iron Bikers 2016”

  1. Pierre G.

    Belle galerie de photos, un régal !

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  2. Alain Paquin

    Comme toujours, excellent compte rendu!

    Répondre

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